Une contre-histoire de l'outre-mer sur France O
« Nos ancêtres les Gaulois »
Avec des titres comme « Nos ancêtres les Gaulois », « Les positions du missionnaire », « La loi du plus fort » ou encore « Pour un morceau de sucre », le réseau Outre-mer 1ere, France O et la société de production Bonne compagnie proposent une collection documentaire inédite de cinq épisodes de 52 minutes sur l’histoire des Outre-mer français intitulée : « Contre histoire de la France Outre-mer ».
En 2010, France 5 avait lancé « Afrique(s), une autre histoire du XXe siècle », une collection documentaire de quatre épisodes de 90 minutes destinée à regarder l’histoire du continent africain du point de vue des Africains. La collection proposée par Outre-mer 1ere peut être considérée comme son pendant pour les Outre-mer français. « C’est un décryptage différent et inédit de la période coloniale », indiquait le directeur d’antenne de France O, Gilles Camouilly, lors de l’avant-première à France Télévision, le 27 février dernier. « Nous avons voulu prendre une page de l’histoire de France et la regarder avec un point de vue inverse, depuis ceux qui l’ont vécue, mais aussi avec le regard décentré d’historiens nord-américains », explique Luc de Saint-Sernin (photo), directeur de la coordination des antennes télé d’Outre-mer 1ere, à l’initiative du projet. Cinq épisodes pour révéler les leviers de la colonisation. « Pour un morceau de sucre » évoque la domination économique ; « La loi du plus fort », la domination par l’esclavage ; « Nos ancêtre les Gaulois », la domination par l’éducation ; « La position des missionnaires », la domination par la religion ; enfin, « Les forçats du Pacifique », la domination par la répression. « Nous sommes partis de la prégnance de l’histoire dans nos anciennes colonies, explique Xavier-Marie Bonnot, réalisateur de trois des cinq épisodes, où le passé ne passe pas. » Dorothée Lachaud a réalisé « Les positions du missionnaire » et « Nos ancêtres les Gaulois ». « C’est une formule, dit-elle, qui a laissé des traces et contribué au processus d’acculturation et de cristallisation identitaire… ». Dans l’école de la République, les héros sont blancs (Vercingétorix), les « hussards noirs de la République » (les instituteurs) sont les vecteurs de l’idéologie républicaine qui doit être la même dans les colonies. C’est cet épisode qui démarre la collection. Yvette Bouquet , Marie Salaun et Jone Passa de Nouvelle-Calédonie, Paulette Durino-Jno, Harry Boucart, Daniel Maximin et Maryse Condé, de la Guadeloupe, Raoul Lucas et Pierre Gaurian de la Réunion, André Lucrèce et Léo Elisabeth de la Martinique, racontent l’école sous l’Ancien Régime, aux mains des religieux et réservée aux blancs, puis l’importation du modèle de la 3e République, Schoelcher observait en 1848 que le nombre d’enfants esclaves scolarisés était proche de zéro. « Ce sont des hommes, disait-il, mais pas encore des citoyens puisqu’il leur manque l’école. » La révolution de l’école gratuite et laïque de Jules Ferry, c’est que tous doivent devenir des citoyens de l’Empire français. » Quant aux instituteurs, leur fonction n’a pour but que la reproduction de l’ordre colonial. Il est donc interdit de faire l’école en langue indigène. Quant à la mixité scolaire, n’en parlons pas… Les programmes sont rudimentaires et n’ont pour finalité que d’amener vite les jeunes au travail, en faire aussi des soldats. Pour cela, il faut que les jeunes s’identifient à une histoire mythique de la France. Voilà donc venu le temps d’Ernest Lavisse qui, par son manuel resté célèbre, propose une histoire nationale, hexagonale pour se remettre de la défaite de Sedan. Un livre fait pour les Bretons et les Corses et que l’on va exporter dans l’Empire. Vercingétorix le Gaulois est présenté comme un grand chef et ce chef est blanc ! « Il s’agit de tirer vers le haut, selon le kanak Eddy Wadrewana, c’est la mission civilisatrice. » « C’est le côté pervers de l’enseignement aliénant qui nous était imposé, conclut Roger Toumson. On nous a appris la philosophie des lumières, vertu suprême de l’école, y compris celle qui enseignait les valeurs coloniales. » Les langues locales ne feront leur apparition que dans les années 1970-1980. Au final, ce premier épisode nous enseigne que l’illettrisme dans les outre-mer français est bien le fait de cette formule stupide : « Nos ancêtres les Gaulois »…
FXG, à Paris
Sur France O, dans le cadre de l'emission Archipel
Nos ancêtres les Gaulois, 16 avril sur France O
La loi du plus fort, 23 avril
Les positions du missionnaire, 30 avril
Les forçats du Pacifique, 7 mai
Pour un morceau de sucre, 10 mai (suivi d’un débat)