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Publié par fxg

Interview Valérie Pécresse, ministre de la Recherche et de l’Enseignement supérieur

 « L’UAG doit être la base avancée de la francophonie et du génie français »

Portrait-de-Valerie-Pecresse.jpgLa ministre sera en déplacement dans les Antilles et la Guyane (son 4e depuis 2007) à compter du 14 février. Elle arrive d’abord en Guyane avant la Martinique, mercredi, et la Guadeloupe, jeudi.

 Où en est la renégociation du contrat pluriannuel avec l’UAG ?

Notre objectif est le passage à l’autonomie de l’université après la signature du contrat effectuée dès 2010. Nous avons besoin  d’une université francophone, pluri-territoriale et en réseau entre la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane. L’UAG a été pionnière parce que son organisation est celle qu’aujourd’hui, nous sommes en train de prôner comme modèle pour les universités en métropole. L’UAG doit devenir un pôle francophone très attractif pour les étudiants d’Amérique du Sud et du Nord. Mais pour passer à l’autonomie, il reste encore du travail…

L’UAG est–elle prête au passage à l’autonomie ?

Le président Saffache a fait un énorme travail de ce point de vue. Il a mis de l’ordre dans la gestion des ressources humaines et nous lui donnerons les moyens d’avoir de vrais indicateurs d’activité, de performance et de résultat avant de passer à l’autonomie. Mais ça nécessite que nous n’ayons pas un système opaque, qu’il y ait une vraie transparence. L’UAG va entrer en phase d’audit parce qu’il n’est pas question de donner l’autonomie à une université qui serait trop fragile. L’autonomie, c’est beaucoup plus de libertés et beaucoup plus de responsabilités. L’université doit devenir un outil de promotion et de valorisation du territoire. On a besoin de faire de cette université la base avancée de la francophonie, de la culture française, de l’intelligence et du génie français dans la zone.

L’Etat a-t-il suffisamment aidé l’UAG à ce passage ?

L’UAG a été l’une des grandes bénéficiaires de l’effort de l’Etat en faveur des universités. On a eu une hausse des moyens très forte, + 33 % depuis 2007 (contre + 22 % en moyenne en métropole), soit 3.78 millions € supplémentaires. On a aussi fait un effort inédit en faveur de l’immobilier universitaire : 67 millions €. Ca représente 20 % d’augmentation par rapport au contrat de projet Etat Région 2000-2006. On a mis 21 millions € pour la Guyane, qui ont notamment permis de financer le chantier de la bibliothèque universitaire que je vais inaugurer, 18 millions € en Martinique pour l’extension de la bibliothèque et du restaurant universitaires, et 27 millions € pour la Guadeloupe. De plus, j’ai débloqué au début de cette année 300 000 € supplémentaires pour sécuriser le site de Fouillole. Je souhaite que les Collectivités  locales viennent compléter cet effort.

Aura-t-elle des moyens supplémentaires avec l’autonomie ?

L’année précédant le passage à l’autonomie, l’université fait l’objet d’un accompagnement particulier, avec notamment une enveloppe de 50 000  € pour récompenser les efforts des personnels qui se sont investis dans la démarche d’autonomie. L’année du passage, l’université se voit transférer les moyens que payaient auparavant l’Etat, comme la masse salariale par exemple. Elle bénéficie aussi d’une augmentation de son enveloppe de primes d’au moins 10% afin de pouvoir mener une politique de ressources humaines dynamique.

Où en est l’appel à projets pour la mise en place de masters internationaux ?

J’ai demandé à l’UAG de travailler en lien avec les trois recteurs à la mise en place de masters internationaux. J’en ai parlé à mon homologue colombien qui est très demandeur, mais je souhaite aussi en parler aux universités américaines puisque je me rends aux Etats-Unis en avril. Il faut qu’on puisse en parler à tous les ambassadeurs des pays de la zone, et nous ferons un appel à projets pour mettre au point un certain nombre de diplômes conjoints.

Le pôle universitaire de Guyane est en plein développement… Quelle est votre ambition pour ce pôle ?

Pour moi, l’avenir du pôle guyanais s’inscrit vraiment dans cette université pluri-territoriale en réseau. Aujourd’hui, il n’y a pas de place pour une université qui n’aurait pas une véritable ambition de visibilité internationale. C’est pour cela qu’en unissant leurs forces, les trois pôles de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Guyane peuvent vraiment faire des merveilles. Le pôle guyanais est encore trop petit et il a besoin de ses voisins pour offrir une large palette de formations de qualité. Cela dit, je serai particulièrement attentive à ce que la politique de gestion des ressources humaines de l’université permette au pôle guyanais de se développer harmonieusement.

Vous allez signer avec l’Etat de l’Amapa, l’IRD et l’UAG un accord sur la biodiversité. Quel apport scientifique la Guyane peut apporter en ce domaine ?

On a besoin de recherche en Guyane pour assurer le leadership de la France dans les sujets de biodiversité. Avec notamment le muséum d’histoire naturelle, l’institut d’écologie et d’environnement du CNRS, la France est en matière d’écologie à la pointe de la recherche. Nous avons souhaité nous allier avec un autre pays qui est aussi à la pointe de la recherche, le Brésil, pour établir un partenariat international de recherche sur la biodiversité : c’est la création du Centre franco-brésilien sur la biodiversité amazonienne, qui vient de lancer, fin janvier, son premier appel à projets Ca rappelle d’abord que la France est un Etat de l’Amazonie, une présence en l’Amérique du sud et ça nous donne une responsabilité vis-à-vis de la préservation de la planète. Les questions de la préservation de l’environnement et de la recherche sur la biodiversité ne sont qu’une seule et même question pour nous. La biodiversité a en plus un rôle important à jouer en sciences du vivant puisque nombre de nos découvertes en matière médicale viennent de l’exploration des ressources insoupçonnées de la biodiversité.

A quoi va donner naissance l’accord avec le Brésil ?

Il y aura deux accords ! Le premier pour renforcer la coopération entre l’IRD, l’UAG et l’Université de l’Amapa dans la recherche sur la biodiversité. Un second pour lancer un programme d’échanges universitaires : dans les 3 ans, ce sont près de 50 étudiants de Master qui effectueront, dans ce cadre, une coopération transfrontalière.

Selon vous quels liens doivent se tisser entre l’UAG et Haïti ?

On l’a vu au moment du drame d’Haïti. La solidarité a joué immédiatement et je me félicite de l’accueil fait aux étudiants haïtiens. Nous avons débloqué des fonds du bureau d’aide d’urgence pour pouvoir organiser l’accueil dans un master conjoint franco-haïtien d’économie-gestion. Mais il y avait déjà des diplômes conjoints entre Haïti et la Martinique. Il faut renforcer ces liens parce qu’il y a une histoire commune entre nos deux pays qui passe par une solidarité régionale. On a aussi accueilli beaucoup de jeunes Haïtiens en métropole mais il est évident que les partenariats les plus simples et les plus faciles se feront dans les Caraïbes. L’enjeu derrière, et pour toute l’UAG, c’est la francophonie.

Une nouvelle faculté de sciences humaines  va être ouverte au camp Jacob à Basse-Terre. Ne va-t-elle pas concurrencer le campus de Schoelcher ?

Notre politique est de considérer que chaque île a sa spécificité, mais cela n’empêche pas qu’on puisse avoir une recherche en lettres, en sciences humaines, en sciences sociales dans chaque territoire. C’est donc normal d’avoir un campus de sciences humaines en Guadeloupe. Nous recherchons une complémentarité de l’offre et certainement pas une concurrence.

Où en est l’enseignement de la médecine ?

Nous avons donné le feu vert pour une 4e année de médecine à la rentrée 2011. L’implantation de  la 4e année en Guadeloupe est logique mais en revanche pour les 5e et 6e années, l’idée serait de les répartir en fonction des CHU. On est vraiment sur le registre de la complémentarité entre les deux sites. Je vais redéployer deux postes de praticien hospitalier professeur des universités en direction des Antilles, et, dès qu’on aura fini de mettre en place la 4e année, on fera une évaluation pour savoir quand on met en place un cursus complet. Quel que soit le territoire d’implantation, ce que nous recherchons, c’est la formation sur place du personnel de santé. Alors, oui à l’augmentation du numerus clausus et c’est ce qu’on a fait depuis 4 ans, oui à la poursuite d’études médicales, oui aussi à l’ouverture de passerelles entre les métiers paramédicaux et les métiers médicaux. C’est ce qu’on est en train de faire avec Xavier Bertrand. L’infirmière praticienne pourrait évoluer vers des délégations de gestes, de certains actes spécialisés pour répondre mieux aux besoins de soins.

Le numérus clausus a été relevé et pourtant, des étudiants se plaignent qu’on les refuse à la faculté de médecine de Bordeaux par exemple…

L’université est un outil stratégique de continuité territoriale. Dans une UAG qui rayonne, nous devons proposer des cursus d’excellence, de niveau international, qui attirent les étudiants antillais, guyanais mais aussi étrangers. L’UAG doit être une base avancée de la France dans les zones  Caraïbes et amazonienne.

Le président de la Région Guadeloupe demandait la création d’un IEP sur place. Le professeur de droit, Claude Emery, s’y opposait car il redoutait que cela ne vide la faculté de droit des meilleurs éléments…

Il avait raison ! Il faut faire attention à ne pas vider l’université quand elle a une filière qui marche bien au profit des écoles. Tout ça, ce sont des équilibres extrêmement complexes. En revanche, je pense qu’on doit pouvoir réussir à faire certains cursus à valeur ajoutée qui ne passent pas forcément par la création d’un IEP. J’ai eu cette discussion avec des élus antillais et avec Sciences-Po quand cette école envisageait une antenne aux Antilles…

En matière de classes préparatoires, êtes-vous satisfaites du nombre d’élèves et de classes ?

Les classes prépa et leur maintien aux Antilles sont un enjeu stratégique. Il faut que les meilleurs élèves puissent poursuivre leurs études sur place. Quant au nombre de classes prépa, leur taux de remplissage et leur taux de réussite, on fera le point. Mais tous les étudiants, de métropole comme d’outre-mer, doivent avoir le même droit à l’accès aux classes préparatoires.

Comment expliquez-vous que l’université française ne puisse accueillir des personnalités comme Edouard Glissant ou Maryse Condé alors que la City university of New York l’a fait ?

Les grands artistes devraient pouvoir enseigner à l’université, au-delà même de savoir s’il faut avoir un doctorat. J’ai pris conscience de ça quand Tony Morrisson est venue à Paris IV. Elle a dit : « En France, je ne pourrais pas enseigner la littérature alors que je suis prof de littérature à Princeton. » Et elle est juste prix Nobel de littérature ! Je pense qu’il faudrait créer  dans des universités autonomes des chaires pour accueillir des grands artistes qui ne sont pas docteurs. Je pense aux écrivains comme aux chefs d’orchestre, mais aussi aux grands chefs d’entreprises, aux experts socioprofessionnels. On est dans un système concurrentiel où l’on doit rayonner de manière puissante en faisant rayonner l’ensemble de la culture française.

Le passage à l’autonomie permettra-t-il cette évolution ?

Une université autonome peut recruter qui elle veut sur des emplois de titulaires ou sur contrat à durée indéterminée, dans la limite de son plafond d’emploi. Ce sera très important pour l’UAG parce qu’elle pourra puiser dans le vivier des professeurs étrangers beaucoup plus facilement.

Propos recueillis par François-Xavier Guillerm (agence de presse GHM)

 

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M
<br /> <br /> « je m'adresse aux prof  laïques qui s'évertuent à faire pousser la vertu chez les jeunes étrangers : ne pas se faire distancer par les événements, il faut essayer pour survivre avec un<br /> morceau de pain, la neutralité est un crime contre l'humanité ! »<br /> <br /> <br /> <br />
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