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Publié par fxg

« 36 000 histoires plus ou moins rocambolesques »

Christophe Sand et son équipe de l’institut d’archéologie de la Nouvelle-Calédonie, Jacques Bolé de Lifou, et André Ouetcho de Yaté, sont allés à Walpole pour entreprendre une série de fouilles. Le réalisateur Eric Beauducel les a suivis et en a fait un film qui a été diffusé en avant-première à la Maison de la Nouvelle-Calédonie à Paris, la semaine dernière, avant une diffusion en octobre sur Canal +. Entretien avec Christophe Sand, archéologue.

Christophe-Sand.jpgComment ont débuté ces recherches sur Walpole, comment a-t-on eu vent de la présence humaine sur cette île ?

Les Kanaks ont toujours eu l’habitude d’aller à Walpole mais c’est durant l’exploitation du guano au début du XXe siècle, quand il y a eu jusqu’à 300 personnes sur l’île, que l’un des contremaîtres australiens a noté dans son cahier un certain nombre de découvertes : des murs, des objets… Et un peu par hasard, il en a fait un article qui a été publié. C’est la première trace écrite d’objets archéologiques décrits pour l’île de Walpole.

Les Kanaks n’en parlaient pas ?

Si, les gens savaient. Mais à l’époque, ça n’intéressait personne, pas même les Européens… Mais à partir de la publication du contremaître, il y a eu un enchaînement d’événements qui aboutissent aux théories les plus folles. En particulier, à cause de la découverte en 1927 d’un squelette à côté duquel il y aurait eu un bouton de cuivre avec une fleur de lys, on commence à parler de La Pérouse dont le navire s’est échoué sur le récif de Vanikoro aux îles Salomon Après on parle du trésor d’un pirate… Il y a 36 000 histoires plus ou moins rocambolesques qui se racontent jusqu’à ce que, dans les années 1960, l’ancien directeur du musée de Nouvelle-Calédonie, Luc Chevalier, décide d’aller voir.

C’est le premier archéologue à poser le pied sur Walpole ?

C’est le premier qui a eu une démarche archéologique réelle. Malheureusement, il a été pris par le mauvais temps et il est resté beaucoup moins longtemps que prévu. Il n’a ramené que peu d’objets et est resté très frustré car il n’a pas trouvé pas les squelettes, dont celui au soi-disant bouton, décrits par le Kanak Wacapo… Puis, dans les années 1990, une série d’expéditions sont montées par des aventuriers qui rêvent d’île au trésor et pensent trouver celui d’un pirate du Pérou avec de l’or dans les yeux… Ils ont mené des fouilles clandestines, sans aucun contrôle, et ramené toute une série d’objets. Je m’en suis plaint aux autorités et j’ai commencé à me rendre sur Walpole pour voir un peu l’état des destructions et faire les premières réelles fouilles stratigraphiques. Je n’y suis resté que trois jours, mais on en a sorti une première publication qui essayait de faire une synthèse. C’est à partir de cet ouvrage qu’Eric Beauducel, le réalisateur, a proposé de monter une expédition.

Et c’est grâce à un concours organisé par Canal + et Planète que vous avez pu retourner à Walpole ?

Oui et neuf mois plus tard, on est parti pendant deux semaines. On a fait de nouvelles fouilles et découvert un certain nombre de vestiges en surface. On a fait des plans et, surtout, on a découvert l’eau. Un des grands mystères de Walpole, c’est comment pouvait-on y vivre pendant longtemps sans eau ? On a réalisé une descente de falaise relativement périlleuse et on a fini par trouver dans une des grottes une piscine contenant plusieurs dizaines de litres avec des indications très claires montrant que les gens étaient venus chercher de l’eau ici et probablement dans d’autres grottes.

Qu’est-ce qu’on apprend sur l’habitat et les gens qui vivaient là ?

La majorité des gens qui ont vécu là était des Kanaks, mais durant les derniers siècles avant l’arrivée des Européens, l’île a été abandonnée. Les gens revenaient régulièrement pour les oeufs et les plumes d’oiseaux, en particulier de Maré… Mais les derniers habitants sur une année ou plusieurs mois sont en fait des navigateurs de Polynésie occidentale, notamment des Tongiens, qui, dans les années 1820, y ont fait escale plusieurs mois avant d’aller rejoindre l’île des Pins ou Lifou. On sait qui sont ces gens et on connaît leurs descendants.

Que sait-on de ce fameux Wacapo ?

C’était un ouvrier comme un autre, il venait de Lifou et travaillait au guano. C’était quelqu’un de curieux qui a exploré les falaises. Il est le premier à s’être intéressé à ces traces humaines, mais probablement ne savait-il pas lire et écrire et il n’a laissé aucun témoignage écrit. Son fils que nous avons rencontré n’a rien pu nous en dire. Par contre son nom a été gardé dans les mémoires mais on ne sait rien de précis sur ses découvertes, notamment les squelettes.

Propos recueillis par FXG, agence de presse GHM

Walpole, une île mystérieuse, 59 minutes, Cauri filmChristophe-Sand-Eric-Beauducel-Jean-Louis-gero.jpg

Photo : l’archéologue Christophe Sand, le réalisateur Eric Beauducel et le producteur Jean-Louis Géro à la Maison de la Nouvelle-Calédonie.

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T
Je pense que pour ma part, que les sépultures, et ce, ou qu'elles soient, ne doivent en aucun cas ,être "dérangées", l'archéologie ne doit pas devenir (sous le couvert de cette appellation) une mission de profanation au nom du ...savoir. Vous vous êtes très bien comportés faces à ces sépultures.
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K
<br /> <br /> Mon fils et moi avons assisté à la diffusion du film Walpole l'Ile Mystérieuse au musée Quai Branly le 4 nov, nous avons adoré dommage que nous ayons dû quitter la salle en plein débat...juste je<br /> voulais ajouter qu'un passage a retenu toute mon attention et me restera en mémoire (tout était passionnant bien sûr!): lorsque vous dîtes qu'il n'est pas nécessaire de rapporter à tout prix<br /> restes humains et autres objets , de pas avoir "explorer la sépulture" au rocher percé, j'en ai été très touchée. Le respect de ces êtres qui ont peuplés tour à tour cette île<br /> ( époustouflante de beauté à son approche) fait de votre mission une toute autre mission archéologique. Voilà un autre regard que je porte à l'archéologie.<br /> <br /> <br /> <br />
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