Wilfredo Lam, Aimé Césaire, Pablo Picasso
Wilfredo Aimé Pablo
Aimé Césaire, Wilfredo Lam, Pablo Picasso réunis au Grand Palais jusqu’au 6 juin
Daniel Maximin, Marie-Luce Penchard, Ezkil Lam, Pierre Hanotaux et Jean-Paul Cluzel (photos : Regis Durand de Girard)
Il y a 70 ans, Lam et Césaire se sont trouvés. En Martinique an tan Robert… « Un coup de foudre », dira le poète ; « deux artistes frères », dira le peintre. Eskil Lam, fils de Wilfredo Lam est, avec Daniel Maximin, co-commissaire de l’exposition : « Cette exposition est l’histoire d’une rencontre vue à travers 7 dessins de Lam, une douzaine de gravures de Picasso, 9 gravures ainsi que 8 tableaux de mon père, un tableau de Masson et deux dessins qui représentent la rencontre en Martinique de ces personnages à un moment crucial de l’histoire. » Il y a aussi les témoignages de Jean Pons, Henri Guédon et Daniel Buren inspirés par les écrits de Césaire… « J’ai découvert, a ainsi déclaré la ministre de l’Outre-mer, que même Daniel Buren avait puisé son inspiration pour les couleurs de ses colonnes du Palais Royal dans l’œuvre de Césaire ... » Mais cette réunion de trois artistes majeurs du XXe siècle reste le pivot de l’exposition. « Mon père a rencontré Picasso en 1938, à son arrivée à Paris alors qu’il revenait d’Espagne. Picasso l’a accueilli et l’a introduit avec tout le monde parisien et lui a obtenu sa première exposition. Il y a eu ensuite l’invasion nazie et tous les surréalistes se sont rendus d’abord à Marseille où ils étaient logés à la villa Air-bel. Ils y ont passé plusieurs mois, ont fait des cadavres exquis, des dessins collectifs et puis André Breton a écrit Fata Morgana et a demandé à mon père de l’illustrer. C’est cette première série de dessin qui est exposée. A la suite de ça, ils ont été autorisés à partir. Sur ce fameux cargo, le Capitaine Paul-Lemerle, se sont retrouvés André Breton, Claude Lévy-Strauss, Victor Serge, Anna Seghers et ils sont arrivés en Martinique juste après… Et c’est là où s’est passée la rencontre entre mon père et Césaire. » Daniel Maximin est intarissable sur ce sujet : « On découvre que ces grands hommes ont créé, en pleine guerre, au moment où le monde est à l’horizontale, que le nazisme a gagné, que Hitler est vainqueur… Ces gens se lèvent dans la petite Martinique et disent non à l’ombre. L’un fait le Cahier d’un retour au pays natal ; l’autre peint la Jungle… »
Picasso a reconnu dans Lam un égal. Et Breton tombe avec le Cahier sur « le plus grand monument lyrique de ce temps »… « La forêt d’Absalon, poursuit Daniel Maximin, est un lieu où la nature n’est plus un décor mais un personnage. Et Césaire réconcilie la nature avec Lam qui introduit dans son œuvre la nature caribéenne… » Avant, dans ses œuvres faites à Marseille, il n’y avait pas de fond, du blanc mais pas de peinture. « Il avait fui ça, ne voulait pas entendre parler de ce Cuba, bordel des Etats-Unis… Et Césaire ne voulait pas entendre du bourgeois martiniquais assimilationniste ; ils voulaient fuir tout ça… Mais, ils se sont rencontrés et ont exprimé ce qu’ils étaient sur le modèle de ces roseaux, de ces lianes, de ces forêts qui sont la nature. Et c’est ça qui est éclatant dans l’exposition. Tout est debout, tout est vertical alors qu’on est dans une période où le fascisme est en train de coucher les humains. Ces hommes ont montré qu’ils avaient eu la force de regarder demain… » Car les deux hommes n’ont pas cessé de travailler ensemble après 1941 ! Quarante ans plus tard, Lam qui ne peut plus peindre, a demandé à Césaire de composer un poème pour chacune des dix eaux-fortes réalisées vers 1969. C’est le projet Annonciation. Et tandis que les eaux-fortes ont publiées en Italie en 1982 (année de la mort de Lam), les poèmes inspirés sont publiés à la fin du recueil Moi, laminaire. L’exposition réunit ces puissantes gravures en couleur de Lam et les dix poèmes de Césaire…
Césaire et Picasso se sont rencontrés en 1948. Un recueil, Corps perdu, constitué de dix poèmes de Césaire et de 32 gravures en sort… La couverture est ce portrait du Poète couronné ou encore Césaire Lauré et que Picasso a accompagné de ces mots : « Nègre, nègre, nègre… » Jacques Césaire a servi de modèle à cette silhouette qui sera l’affiche du premier congrès des écrivains et artistes noirs de septembre 1956… Cela aussi est au Grand Palais… « L’idée de faire découvrir la fraternité de Pablo Picasso, Wilfredo Lam et Aimé Césaire dans un lieu qui est des plus prestigieux, c’est un peu un miracle… Et en même temps, ça paraît comme une évidence. » Daniel Maximin n’en revient pas d’avoir réussi à monter cette exposition en trois mois à peine, d’avoir su donner envie au scénographe du grand Palais de s’investir à fond… Après le mois de juin, l’exposition ira en Martinique et en Guadeloupe.
FXG (agence de presse GHM)
Jean-Paul Cluzel, directeur du Grand Palais
« Ce n’est pas une œuvre immédiatement facile. Les peintures ne sont pas particulièrement figuratives et les extraits choisis de la poésie de Césaire sont eux-mêmes difficiles. C’est-à-dire qu’on est à un degré très élevé. Il s’agit là de montrer que le champ de la négritude ne se situe pas dans une poésie populaire et facile, mais qu’il est au plus haut degré de maîtrise de la langue française comme sont Picasso ou Wilfredo Lam dans la maîtrise de la peinture. C’est donner une image complètement différente de l’artiste antillais, de celle à laquelle on est habitué… C’est une image beaucoup plus créatrice, beaucoup plus intellectuelle. La Martinique n’est pas ce qu’on a l’habitude d’entendre, c’est-à-dire des chansons, des couleurs, des plages, c’est également comme l’a illustré toute sa vie Aimé Césaire, un très haut niveau d’intellectualité en même temps enraciné dans son peuple. »
En images
Alain Jean-Marie et Sonia ElaloufAlain Maline et Patrice Hoarau, chargé de l'audiovisuel à la DGOM rue OudinotOlivier Biancarelli et son second, Benoît Lombrière, et le conseiller technique de Marie-Luce Penchard, Christophe Noël du PayratCaroline Bourgine, Simone Schwarz-Bart et Firmine RichardClaire Richet d'Outremer Télécom, Melvina Mossé, responsable des mécénats pour le Grand Palais, Nadia Chalbi du musée d'art moderne, et Charles Apanon de l'IEDOMDominique de la Guigneraye des rhums Clément et Keen de KermadecDavid Damoison, photographe d'art, Alfred Jocksan, photographe de presseDaniel Maximin, Marie-Luce Penchard et Ezkil LamDominique de la Guigneraye, Olivier Biancarelli et FXGLaetitia Guédon et sa maman, Sonia ElaloufGregoire Guéden, Romain Flajeul, Carolina Stepanski et FXGSimone Schwarz-Bart et Caroline BourgineCuvée Homère Clément