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Publié par fxg

Serge-Diantantu.jpgSerge Diantantu vient de sortir chez Caraïbeditions le 4e tome de son Histoire de l’esclavage. Toujours avec le partenariat de l’UNESCO et de La route de l’esclave. Interview

« Le silence nous amène à commettre un deuxième crime contre l’humanité »

Pourquoi avoir consacré le 4e tome à Gorée ?

Gorée est un des symboles de l’histoire du commerce triangulaire en Afrique, mais dans l’ouvrage, il est aussi question d’endroits comme Ouidah au Bénin et d’autres lieux d’où les Africains vont partir. Mais Gorée et sa maison des esclaves gardent valeur de symbole et appartiennent au patrimoine de l’UNESCO. Et puis il ne faut pas prendre l’histoire par le milieu, puisque c’est de lieux tels que Gorée que les Africains vont partir vers les Antilles. Avant d’aller vers les Antilles, les bateaux quittaient la France, le Portugal, l’Espagne ou l’Angleterre et la première île où ils arrivaient était Gorée. Avec sa maison des esclaves, Gorée était un lieu de repos, car les marins avaient peur d’aller accoster sur la grande terre et c’est comme ca que l’histoire de Gorée et de l’esclavage a commencé.

BD-esclavage-couv.jpgQuelle était la première destination de la maison des esclaves ?

Elle a été construite par le pere d’Anna Colas Pépin, une mulâtresse libre qui était une signare (demoiselle). Elle n’a pas été construite pour les esclaves, mais tout doucement, elle est devenue la maison des esclaves jusqu'à être aujourd’hui ce grand lieu de memoire de l’esclavage.

Vous êtes-vous rendu à Gorée ?

Cela fait deux fois qu’on m’invite à Gorée, notamment apres la sortie de « L’esclavage raconté à nos enfants », et à chaque fois, j’étais indisposé. J’ai travaillé sur Gorée avec des tirages et des reconstitutions que l’on a faits tout autour de l’île. C’est comme ça que dans la bande dessinée, on a la porte du non-retour, mais dans le sens que beaucoup de gens ne voient pas. J’ai fait comme Hergé lorsqu’il a dessiné « On a marché sur la lune », il a été juste, mais sans aller sur la lune !

La bande dessinée se présente toujours comme un récit historique ?

Absolument. Souvent quand on parle des esclaves qui quittaient l’Afrique par la porte du non-retour, on les montre tournant neuf fois autour d’un arbre (sept fois pour les femmes), soi-disant pour qu’ils oublient l’Afrique. En fait, ce n’était pas pour ca, mais pour qu’ils oublient les courtiers qui faisaient les captures pour vendre les captifs auprès des armateurs. J’essaie de remettre en place ce qui a été perdu, oublié avant que nous arrivions aux Antilles. Tous ces détails de ce qui se passait avant le depart expliquent comment des traditions ont aussi fait le voyage.

Par exemple ?

BD-esclavage-2.jpgLa plupart des Africains qui vont faire ce voyage de l’Afrique vers les Antilles sont des initiés. Ces hommes et ces femmes vont passer par les cases initiatiques ou dans les forêts sacrées d’initiation. Ils sont donc arrivés aux Antilles avec une connaissance des lectures des scarifications, des feuilles et des racines... On va decouvrir ainsi comment durant ce voyage atroce où l’on ne disposait d’aucun médicament, il y avait des médecins, des personnes qui avaient des connaissances médicales. On comprend dès lors, lorsqu’ils vont arriver dans le nouveau monde, comment ils ont survécu. Tout n’a pas démarré aux Antilles, mais en Afrique.  Dans ce 4e tome, nous étudions comment ont été créées les Antilles. Les premiers Africains ont été mêlés aux Amérindiens et il a existé une complicité entre ces deux peuples. On comprend aussi comment les maladies ont décimé les Amérindiens et une partie des Africains. Les Amérindiens étaient un peuple propre. Ils ne faisaient pas leurs besoins partout, alors que les premiers arrivants déféquaient n’importe où, accélérant ainsi l’extension des microbes.

BD-esclavage-3.jpgQuel sera le prochain tome ?

Le cinquième tome racontera la situation aux Antilles et il devrait s’appeler « le code noir ». Mais il faut attendre encore une année ! Je ne laisserai pas longtemps les lecteurs sur leur faim. Il y aura encore davantage de cartes géographiques pour faciliter les travaux des enseignants dans les écoles. Déjà, dans ce 4e tome, il y a des plans avec les bateaux qui ont chaviré autour de la Guadeloupe, de la Martinique, de l’Afrique… J’indique aussi le nom des bateaux qui sont arrivés dans les îles, avec quel capitaine, combien de personnes transportées et l’année de leur disparition. Ces bateaux sont tous cités au mémorial de Nantes, mais on ne sait pas ce que ces bateaux sont devenus. Voilà pourquoi, j’ai placé cette carte à la fin de l’ouvrage. De la même  manière, j’ai fait une carte avec les noms des peuples africains qui vont partir au nouveau monde. Dans le 4e tome, j’aborde aussi le marquage au fer sur le dos qui a commencé en Afrique. Dans le 5e, on va voir pourquoi les esclaves ont aussi été marqués sur les îles.

BD-esclavage-1.jpgQu’est-ce qui vous motive derrière tout ca ?

On doit disposer de rétroviseurs pour bien avancer. Le silence et le manque de connaissance nous amènent à commettre un deuxième crime contre l’humanité ! On apprend ainsi que, si des bateaux ont été naufragés à cause de tempêtes, d’ouragans, d’autres l’ont été à cause des révoltes d’esclaves. Il faut savoir aussi que beaucoup d’esclaves croyaient être encore en Afrique à leur arrivée aux Antilles et quand, dans le 6e tome, j’évoquerai le marronnage, on verra comment les marrons cherchaient la route pour rentrer chez eux.  C’est une reconstitution historique que je m’efforce de faire depuis la découverte du nouveau monde jusqu’aux abolitions.

Propos recueillis par FXG, à Paris

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