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Publié par fxg

Roland Pierre-Charles, le chaben fondamentalL-ancetre.jpg

roland-pierre-charles-0952.jpg« Mon ancêtre blanc serait un Legendre de la Bretesque, mais mes ancêtres nobles, ce sont les Nègres ! » Roland Pierre-Charles (RPC) est l’autoproclamé « Chaben fondamental ». S’il a choisi ce nom après la mort d’Aimé Césaire, c’était pour prendre de vitesse Eric Virgal qui briguait le titre ! Mais Roland l’anti-conformiste a de qui tenir… Les Pierre-Charles, il les fait remonter à 1836 avec l’ancêtre qui a fait fortune en achetant un cabrit après l’abolition de l’esclavage. Son père, Eugène, était inspecteur des impôts et maire de Saint-Pierre de 1962 à 1977. Cette mairie est une sorte de charge familiale. Son grand-père en fut l’élu, comme son oncle Paul (maire de 1945 à 1962) ou son cousin Louis (maire de 1988 à 2001)… 1955-Sainte-Luce-Roland-Nicole--Erneste--Roger--Claude--Phi.jpg« Sur son lit de mort, mon oncle a demandé à mon père de prendre sa suite… »


La fratrie des Pierre-Charles en 1955 à Sainte-Luce. De gauche à droite,  Roland, sa sœur Nicole, devenue cadre de direction à la Française des jeux, Erneste, devenue pharmacienne, Roger, devenu vétérinaire, Claude, ex-directrice adjointe du CHU La Meynard, et Philippe, agrégé d’histoire retraité et ex-leader du K5F.


Eugène Pierre-Charles avait un projet pour chacun de ses enfants. Philippe, l’aîné, devait être prêtre. « Il est devenu agrégé d’histoire et patron du K5F… » Roland devait être médecin. « Je suis devenu médecin de l’âme… » Il a appris le piano en profitant des leçons de ses soeurs… « Tout le monde jouait à la maison, on avait même un orchestre dans la famille, mais j’étais le moins ontéressé... » Né en 1948, Roland passe une partie de son enfance à Paris. En 1962, il rentre en Martinique et fait ses premières armes musicales à la JEC. La Jeunesse étudiante chrétienne était le creuset de la jeunesse (Bibi Louison, Paulo Rosine, les frères Bernard, les frères Misaine, Marceau Jobello, Christian Coco, Monique Carbaza, Louise Saint-Aimé) réunie autour de l’abbée David… La JEC était alors un conservatoire de musique informel où l’enseignement était empirique.

Compas direct et cadence rampa

Roland-Pierre-Charles-au-piano.jpgLa musique sud-américaine est alors reine. « On ne jouait pas du tout de biguine… Nous, on jouait avec l’orchestre Wacha. » RPC est bassiste, Serge Rémion guitariste, Guy Ferdinand et Alain Laurencine, violonistes… Le swing de l’après-guerre est encore à la mode mais c’est la musique latino qui domine. Vient alors le temps des Haïtiens et du « combat des chefs ». L’orchestre de Webert Sicot contre celui de Nemours Jean-Baptiste, le père du compas direct…* « Webert Sicot est venu se produire dans un dancing à Ker Lys. Il faisait de la cadence rempa. 4 trompettes, 4 saxos. Ils ont mis une vraie claque aux orchestres locaux qui ronronnaient… » Surtout, ils ont l’accordéon… l-abricot-palace.jpgRoland n’a que 16 ans et décide de s’en acheter un alors qu’il joue avec les Djoubaps. Et tandis que le père de la biguine latino et de la biguine Lèlè, Francisco alias Frantz Charles-Denis, joue le week-end à la Plantation, avec Marius Cultier au piano et Jak Gil (fils d’Aimé Césaire) aux timbales, le Manoir décide d’ouvrir tous les soirs avec de la variété caribéenne, bientôt rejoint par la Bananeraie, puis l’Abricot palace à Saint-Joseph, en 1967. On débauche les Djoubaps (Roland Pierre-Charles, Charlemagne Vico…) et pour compléter l’équipe, on recrute des musiciens de l’orchestre de la MJC de Trinité : Maurice Marie-Louise et Marcel Ravenet au chant, Jean Beneto et Daniel Ravaud aux trompettes, Alex Cayol, dit Sousoutte, au piano.

Naissance de la Perfecta

RPC à l'accordeon Abricot palaceC’est l’époque des mini-jazz, des orchestres sans cuivre comme les Maxi Twenty, les Léopards « et autres Machin-jazz »… « C’est une époque peu féconde… » Les Africains de Ryco jazz vont secouer ce train-train. Aussitôt, les copains de l’Abricot palace réagissent et montent les Gentlemen, une formule réduite avec Jeannot Guyoule à la guitare, le policier Victor Thermé au saxo, Paulo Albin qui vient chanter de temps en temps, et RPC. Julien Lamien a ouvert l’Escale au Robert et les Gentlemen viennent y jouer régulièrement. « Nous n’avions pas de nom mais ça marchait bien... Un jour, quelqu’un, par autodérision et en référence à Eddie Palmieri, a lancé un nom : la Perfecta. C’était un trait d’humour ! » Le succès arrive. Ils commencent à jouer professionnellement. Mais il y a des malversations (« Tout le monde s’embrouille encore aujourd’hui à ce sujet ! ») et il y a scission…  En 1976, RPC est à Cuba et joue avec l’orchestre de l’hôtel Jagua à Santa-Clara. « Ils m’ont appelé Gringo… » Les Cubains sont surpris de voir ce « gringo » venu d’une île inconnue qui sait jouer leur musique. A la fin du concert, les 16 musiciens se lèvent pour saluer leur hôte !

Naissance du zouk et Colegiana

roland-pierre-charles-1047.jpgRPC retrouve la Perfecta à Paris. Ils sont invités sur France Inter au Pop Club avec Tabou Combo. José Arthur demande à Shoubou comment s’appelle leur musique : « Du compas haïtien », répond-il. Se tournant vers RPC, il demande : « Et vous ? » Il ne veut pas dire qu’eux aussi jouent du compas haïtien… Il se lance : « C’est la musique qu’on joue dans les zouks. » « Ca s’appelle le zouk » ? demande José Arthur. « Oui, c’est ça, c’est du zouk ! » RPC raconte cela pour ceux qu’il appelle « les soi-disant pères du zouk » ! Entretemps, RPC est parti aux Etats-Unis avec Simon Jurad avec lequel il a monté Operation 78. « On explose tout ce qui existe ! On est pro et on a du matos ! » L’opération 78 s’achève vers 1982. RPC entame alors des tournées internationales avec Bonbon tropical, avec Son Caribe qui balance son tube mondial, Colegiana, qu’il accompagne à l’accordéon et au piano… roland-pierre-charles-0756.jpgIl devient arrangeur, enseigne la musique assistée par ordinateur, enregistre Ritm’O Salsa en 1987, travaille avec Eugène Mona sur son dernier album, Blan mangé, en 1994. Ce sont encore les Duos du soleil avec Béroard et Thamar, ou encore l’aventure des Beaux gosses avec Jean-Claude Naimro et Patrick Marie-Joseph. RPC a participé à quelque 200 albums. « On a même sorti un disque dans mon dos ! » Il exhibe l’album Bal boutché chez Hibiscus records…

« La biguine, c’est le jazz ! »

Aujourd’hui, RPC donne des conférences sur la musique antillaise. Il refuse le terme « biguine-jazz ». « Une posture intellectuelle parce que la biguine, c’est le jazz ! » S’il reconnaît à Marius Cultier d’avoir introduit « à bon escient et très finement quelques notes de jazz, des harmonies modernes », il regrette que certains se soient engouffrés dans le créneau et ne fassent plus qu’un « sabir musical avec une syntaxe de biguine et un vocabulaire états-uniens de pseudo-jazz... » Il montre un vieux 33 tours : roland-pierre-charles-1010.jpg« Jazz and hot dance in Martinique. 1929-1950. » Ce ne sont que des biguines ! « Le jazz a commencé en créole martiniquais… » Il remonte à la révolution haïtienne et l’indépendance de 1804 et chante : « Coupé tet, brilé kay… Grenadiers, à l’assaut ! » Les Blancs se sont enfuis en Louisiane, à Cuba et certains en Martinique… Il chante O zanana, une chanson populaire haïtienne issue de la Martinique. « Ces musiques sont créoles, métisses et majoritairement blanches dans leur conception syntaxique, comme la langue créole. Nous n’avons aucun complexe à avoir vis-à-vis du jazz. »

FXG (agence de presse GHM)

* Le compas, c’est une figure d’équilibre sur la roue avant d’un vélo. Les jeunes Haïtiens disaient que pour y parvenir, il fallait « tenir le compas ».


Le roi de l’accordéon

roland-pierre-charles-0948.jpgParis. Années 2000. RPC enregistre de la musique au mètre avec son accordéon. Gérard Tarquin, clarinettiste des Haricots rouges l’entend jouer et lui demande de jouer de l’accordéon et chanter en créole avec sa formation antillaise, Cœur de chauffe. Roland s’illustre dans une fameuse version d’Angela des Sayan Supa Crew. « On l’a chantée comme une vraie biguine, telle que leurs grands-parents l’auraient fait… ». En 2008, il est compilé sur un album dédié à l’accordéon, Tribal musette. On le retrouve aux côtés de Marcel Azzola, Olivia Ruiz, Sanseverino, Daniel Colin ou Patrick Artero… « Je n’étais pas là pour faire joli ! »


Courte carrière politique

roland-pierre-charles-0966.jpgEn 1991, Claude Lise se représente dans le canton bourgeois de Foyal. Patrice Charles et Livie Pierre-Charles sont déjà candidats contre Lui. « Je me suis présenté pour ajouter au bordel. Je n’ai pas fait d’affiche mais j’ai été invité à un débat sur RFO... » Marijosé Alie anime le débat avec Camille Chavet du Naïf, Claude Lise « avec son pull Lacoste jaune, ouvert sur sa chemise, et laissant voir la marque de la cravate ôtée pour la circonstance », Jean Crusol. A son arrivée, ce dernier lance : « Roland sa ou ka fé la ? » « Tout le monde s’écoutait parler et j’écoutais tout le monde… » Marijosé Alie lui demande : « Et notre ami le musicien, qu’en pense-t-il ? » RPC s’adresse au président Lise : « Tous les soirs, je suis dans les rues de Fort-de-France et je ne vous y vois jamais. Les drogués de Foyal, je les connais  bien… » Il se tourne vers Marijosé Alie, la regarde dans les yeux : « Mais, Mme la journaliste, il n’existe pas que des drogués dans les rues de Fort-de-France, il y a aussi des drogués mondains ! » Le lendemain, Camille Darsière lui dit en riant: « Tu n’as pas été tendre avec nos hommes politiques ! » « Avec l’establishment ! », rétorque-t-il.


La princesse rouge

Tétouan. Maroc, 1991. RPC est chez Leïla, une princesse royale. Les gens lui font le baise main. Il adore et tend sa main à tout le monde ! Chez Leïla, tout est rouge, la table de ping-pong, la Mercedes et même le whisky ! « Elle buvait pour tous les sujets du royaume. Puis, dans le palais, avec sa suite, elle jouait à chat. C’est alors que j’ai mis fin à ma carrière de prince ! »

 

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C
Un très bel article et vrai car il me contait ces récits bien souvent..il va me manquer mon ami Roland qui en ce moment doit être avec mon parrain la Tuma ;))<br /> C.C
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F
<br /> <br /> C'est quand même un article trés interessant....<br /> <br /> <br /> <br />
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T
<br /> <br /> "la biguine c'est le Jazz"<br /> <br /> <br /> Le Jazz Black américain trouve peut-être sa "begin" de Martinique. Mais le Jazz n'est pas que Black américain même si les juifs américains en ont fait une référence<br /> mondiale, voire une nouvelle "norme" du "Jazz". Donc si (en tant qu'auditeur, se référant au Jazz globalement) on devait classer, détailler,d'un point de vue ni historique, ni ethnique, mais tout<br /> simplement musical, il faudrait écrire "Jazz-biguine" plutôt que "Biguine-Jazz".<br /> <br /> <br /> <br />
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