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Publié par fxg

Marronnage et poétiques contemporainesAvignon-rempart.jpg

L’université d’été des théâtres d’Outre-mer en Avignon est un de ces rendez-vous qui, pendant le festival, rassemble tout ce que la création ultramarine propose au public de l’Hexagone sous la férule du laboratoire Scènes francophones et écritures de l’altérité, animé par Sylvie Chalaye. Parce que la plupart des expressions scéniques antillo-guyanaises puisent leur inventivité dans l’oralité, la mémoire de l’esclavage et la sacralisation du corps, il était proposé de relier ce théâtre contemporain à deux piliers des cultures créoles, le conte et le marronnage. Alain-Foix-Sylvie-Chalaye-natali-Koualy-Vincent-Byrd-Lesage.jpgJean-Georges Chali, maître de conférence à l’université des Antilles, le comédien haïtien Miracson Saint-Val et le saxophoniste quebeco-guadeloupéen Jocelyn Ménard (à l’affiche de « L’épreuve de Virjilan »), Le comédien guyanais Ricky Tribord et son comparse guadeloupéen, Dominik Bernard (« Le temps suspendu de Thuram »), la danseuse Julie Sicher (« Noir de boue et d’obus »), le dramaturge Alain Foix et son chevalier de Saint-Georges incarné par Vincent Byrd-Lesage, se sont faits les hérauts de cet art créole, cette poétique du détour et de contournement. « Parler sans se faire comprendre, explique M. Chali. Le conteur est un marron qui tient un double discours, ce que l’on entend et le non-dit… » La poétique du conte est donc une parole masquée, ambiguë car subversive. « Césaire agit ainsi quand il infléchit la langue française pour l’utiliser à sa convenance. Jean-Georges-Chali.jpgCe n’est pas aux Français qu’il s’adresse, mais aux colonisés. » Ce que Jean-Georges Chali résume par ce concept de « cannibalisme littéraire ». C’est ce que propose la compagnie Siyaj avec la pièce mise en scène par Gilbert Laumord, « L’épreuve de Virjilan ». Tandis que le saxo de Jocelyn Menard monte dans l’obscurité de la scène, le baron architecte (Miracson Saint-Val) délivre son message non-dit. L’acteur devient un officiant qui dérange. Exclu de l’église, il prononce « lorézon » et crée ainsi de la liberté dans un mouchoir de poche, lakour, la scène… Jocelyn-Menard.jpgEn disant un texte d’Ina Césaire, la comédienne Mariann Mathéus revient sur ce processus de création parti de l’habitation pour devenir théâtre. Des mots simples d’une vieille guadeloupéenne racontant an tan lontan sa demande en mariage, naît une écriture théâtrale moderne. Jean-Georges Chali replace ce processus dans le ladja pawol, quand la parole se danse, quand le conteur entre dans le cercle sacré, dans lakou, pour provoquer le majolè, seul capable de lui tenir tête, de lui répondre. « C’est la montée au tambour dans le lewoz ! » Voilà posées les bases du théâtre créole. Un temps plus tard et voici « Le temps suspendu de Thuram », une pièce écrite par Véronique Kanor, mise en scène par Alain Timar. Le footballeur guadeloupéen, icône moderne incarnée par Ricky Tribord, est kidnappé par un quidam, un looser (Dominik Bernard). Kanor interroge la mythologie sportive. « Thuram est un cheval de Troie pour celui qui veut faire entendre son cri », explique Alain Timar, mais il est aussi démythifié par Kanor qui ose provoquer le sacré. Qui est le marron ? Le kidnappeur ou le kidnappé ? Alain-Timar-Ricky-Tribor-Dominik-bernard.jpgAutre marron de théâtre, le chevalier de Saint-Georges. Alain Foix confronte cette autre icône antillaise, « le Mozart noir », au chevalier d’Eon. C’est « Duel d’ombres » (un carton pendant ce festival !). Au-delà de la facétie de cette rencontre improbable (même si les deux chevaliers se sont bien battus en duel), la pièce pose la question non pas de l’identité, mais de la différence entre l’intime, le soi, et l’apparence, l’enveloppe corporelle avec son genre et sa couleur qui enferment l’Homme. Alain Foix part en marronnage contre la mascarade… Les deux chevaliers sont deux identités non enfermées, complexes. Alain Foix ne parle pas de leur statue, des icônes qu’elles sont devenues, mais  « de leur personne dans leur personnage ». Le dramaturge guadeloupéen en profite pour marronner par rapport à l’esclavage : « Je nie toute servitude, mais je reconnais que je paie, comme Saint-George, l’impôt sur la peau ! » Tout en assumant son histoire passée par l’esclavage, il refuse toute « identité d’assignation ». C’est finalement ce que propose aussi Kanor avec Thuram. « Ils sont des aliens obligés de se rendre compte avec violence qu’ils sont humains », dit Vincent Byrd Lesage qui conclut : « C’est là l’hyper marronnage. »

FXG, à AvignonAffiches-avignon.jpg


Trois questions à Axel Arthéron, chercheur à l’université des Antilles

« D’autres grilles esthétiques sont possibles »

Axel-Artheron.jpgL’oralité créole a-t-elle des leçons à donner à donner au théâtre occidental ?

Nous sommes à Avignon, temple des formes européennes du théâtre, et nous en profitons pour mettre en confrontation deux usages du théâtre, deux manières d’envisager la parole dans le cadre du théâtre. L’ensemble des spectacles afro-caribéens proposés puisent leurs structures sur une hybridité des formes qui viennent en grande partie d’une réactivation des chaînes de la parole. C’est une manière de de voir comment le théâtre se renouvelle, se réactualise aussi bien par la musicalité, le jazz, le schéma narratif du conte, le jeu corporel du comédien descendant du conteur, de l’officiant du culte vaudou. L’intérêt de ces dramaturgies est de voir comment, un peu loin des cadres académiques, canonisés par les institutions théâtrales et universitaires, est de nous inviter à un décentrement des regards et de la grille de lecture.

Quel est l’apport de ces théâtres afro-caribéens ?

C’est une manière d’inscrire l’altérité au cœur de la création et de voir comment il n’y a pas qu’une seule manière de faire du théâtre. Le festival In a mis en avant le Mahabarata d’un metteur en scène japonais et toutes ces formes présentes sur le Off nous invitent à relativiser, à ne pas penser le théâtre comme un monolithe, comme une forme qui se vit et se joue dans les capitales. Il y a un théâtre loin de Paris, loin des dorures et des velours rouges des théâtres à l’italienne ! D’autres grilles esthétiques, d’autres façons d’interpréter le théâtre existent et sont possibles.

Sommes-nous si éloignés que cela des racines du théâtre antique ?

Il y a toujours un possesseur, un initié, un officiant de la parole qui, à l’intérieur d’un cercle, déploie une parole face à un peuple des regardants, qu’il soit un public de spectateurs ou un public d’initiés. On est toujours dans la même idée du théâtre antique, de la scène à l’italienne, du théâtre épique de Brecht jusqu’aux dernières formes hybrides du théâtre antillais. Il y a toujours la même idée : une parole sacrée, investie qui se joue devant une communauté de spectateurs. Quel que soit l’épithète que l’on place après le mot théâtre, ça reste du théâtre.

Propos recueillis par FXG, à Avignon


Thérèse Marianne-Pépin, vice-présidente de la Région Guadeloupe

There-marianne-pepin.jpg" Nous avons une visibilité plus forte et une grande variété de spectacles "

La Région Guadeloupe a décidé d’accompagner une douzaine de spectacles au festival d’Avignon, pourquoi un tel effort ?

Ca fait pratiquement dix ans que la Région investit dans la création et la diffusion artistique, tant en matière de cinéma que de littérature, il fallait absolument arriver à un résultat et nous sommes arrivés aujourd’hui à l’objectif que nous poursuivions, c’est-à-dire avoir des compagnies théâtrales guadeloupéennes présentes en nombre à Avignon avec des créations de qualité.

Comment les compagnies ont-elles été sélectionnées ?

Nous avons fait savoir notre intention de participer au festival d’Avignon et nous avons reçu un certain nombre de demandes. Nous les avons triées. Des dossiers ont été approuvés et ceux-là ont été accompagnés. C’est un travail de longue haleine. Certaines créations sont accompagnées depuis un certain temps et leur présence.

Etes-vous satisfaite de cette présence ?

Ce n’est pas la première fois que les Guadeloupéens sont présents, mais là, venir en pareille délégation et en nombre dans plusieurs théâtres, c’est plus nouveau puisque nous ne sommes pas seulement au théâtre de la chapelle du verbe incarné (Théâtre des outre-mer en Avignon de Greg Germain, ndlr) où nous sommes chez nous, nous sommes au théâtre du collège de la Salle, au théâtre des Halles, ce qui fait que nous avons une visibilité plus forte et une grande variété de spectacles, de Laurence Joseph à Maryse Condé ! Nous avons démontré notre capacité d’être présents à Avignon pour pouvoir faire encore mieux demain. Et l’année prochaine, un certain nombre de pièces présentées durant de festival seront présentées en Guadeloupe comme « La faute à la vie » avec Firmine Richard.

Propos recueillis par FXG, à Avignon


Quand le Canard enchaîné flingue Greg Germain

L’édition du Canard enchaîné du 30 juillet se paye la figure du théâtre des Outre-mer en Avignon, Greg Germain, sous le titre « Un pape d’Avignon béni par France Ô ». Un article pas très gentil sur le promoteur de nos théâtres depuis plus de quinze ans à Avignon. C’est vrai que Greg Germain est devenu le président de l’association Avignon, festival et compagnie qui gère le doux bordel qu’est le festival Off et qu’à ce titre, il s’expose. Mais ce qui lui est reproché est d’utiliser la société de production Axe sud qu’il gère avec son épouse, Marie-Pierre Bousquet, pour capter des pièces de théâtre que retransmet France Ô dans l’émission Multisénik dont il assure la présentation (à titre gracieux, nous a-t-il fait savoir). On lui reproche aussi d’avoir su obtenir une subvention de 20 000 euros de la SPEDIDAM et de capter les pièces jouées dans le théâtre qu’il dirige, la chapelle du verbe incarné. S’il est vrai qu’à l’origine, Axe sud ne filmait que les pièces de son théâtre, cette année, sur une poignée de pièces filmées, seules deux étaient jouées à la Chapelle. Mais il faut dire qu’avant, aucun théâtre avignonnais ou presque ne proposait de théâtre ultramarin. Selon les connaisseurs, cet article serait le fruit d’un règlement de compte venu de la CGT spectacle, pas contente de la manière dont le patron du Off a géré la crise des intermittents du spectacle. Selon d’autres spécialistes de la chose avignonaise, ce serait un coup de France Télé qui en aurait marre du « théâtre intello des outre-mer ». Qu’on en dise du bien ou du mal, l’important, c’est qu’on en parle et c’est quasi déjà une première !

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