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Publié par fxg

Pulvar à la tête de la FNH

Audrey Pulvar est la nouvelle présidente de la Fondation pour la nature et l'homme, en remplacement de Nicolas Hulot devenu membre du gouvernement Edouard Philippe. Interview.

"Le ministre prend des décisions qui ne sont pas forcément conformes aux opinions de la Fondation"

Votre nomination en lieu et place de Nicolas Hulot, nommé ministre de la transition écologique et solidaire, surprend. Comment l'expliquez-vous ?

Elle surprend certaines personnes mais pas toutes, car il y a des gens qui savent que depuis très longtemps, je suis quelqu'un d'engagé dans des causes qui rejoignent tout à fait celles défendues par la fondation pour la nature et l'homme... Ce n'est pas un hasard, ce n'est pas une lubie si je suis ici.

Vous êtes davantage connue pour votre engagement pour le féminisme...

Le féminisme, c'est un combat contre les inégalités, pour que les femmes aient autant de droits que les hommes, mais c'est aussi un combat pour une société différente, plus juste, plus humaine et plus ouverte, comme les combats liés à l'écologie. Ca fait 25 ans que j'apporte mon concours, ma force de travail et de relations à des ONG comme la fondation Abbé Pierre, la fondation Nicolas Hulot, la fondation Planète de Yann Artus-Bertrand ou  Positive planète de Jacques Attali... J'avais depuis longtemps prévu cette année, après les élections, de donner une place plus importante à l'engagement dans ma vie. Le contexte politique de ces derniers mois m'a confirmé dans ce choix.

Comment appréhendez-vous ces nouvelles fonctions ?

Je les aborde de façon très humble, sans prétendre connaître tous les sujets ni les maîtriser totalement, mais peut-être en profane éclairée. Les sujets liés aux changements climatiques et leur impact sur la planète et les populations ne concernent pas que les populations les plus éloignées géographiquement ou en termes de mode de vie parce qu'il n'y a qu'une seule planète et c'est notre patrimoine mondial. Ce sont les plus démunis qui sont exposés à la précarité énergétique, à la consommation de produits qui ne sont pas les meilleurs pour leur santé, aux effets de la pollution. Il ne s'agit pas d'opposer les questions écologiques et environnementales à celles liées au développement humain, mais de rappeler qu'on ne peut pas séparer les questions climatiques des questions sociales. C'est ce travail que je vais défendre aujourd'hui.

Votre engagement est-il bénévole ?

Il l'est. J'ai vu circuler depuis ma nomination quelques questions sur le gros salaire que je prendrai à la Fondation. Eh bien, ce gros salaire est équivalent à zéro euro zéro centime. C'est un engagement citoyen qui vient s'ajouter à 25 années d'engagement personnel et qui me permet aujourd'hui de pouvoir m'adresser au plus grand nombre, de mettre au service de la FNH et de ses sujets et de ses causes, mon énergie, mon implication et ma conviction... J'ai un conseil scientifique pour m'aider, m'alimenter, me former, mais surtout pour proposer, pour élaborer les solutions de transformation nécessaires de la société, de nos modes de vie, d'échanges et de déplacement de populations. Je vais m'informer auprès d'eux et surtout valoriser leur travail, porter leur parole...

Quels sujets sont-ils à l'ordre du jour ?

Les sujets d'actualité sont les traités de nouvelle génération : le CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement) dont nous demandons la suspension de l'entrée en vigueur partielle au 1er juillet. Nous réclamons également de connaître la composition de la commission qu'Emmanuel Macron a prévu de mettre en place pour étudier les effets et les implications du CETA. Nous avons demandé puisque manifestement il y aura des représentants pro CETA, que symétriquement il y ait des personnes qui démontrent la nocivité de cet accord de nouvelle génération. Nous sommes également mobilisés contre le JEFTA, l'accord entre l'Union européenne et le Japon qui pourrait être signé le 6 juillet sans l'assentiment des parlements des pays membres de l'UE. Nous réclamons une nouvelle fois que ces traités puissent être soumis à la discussion et à la transparence.

Comptez-vous mettre votre grain de sel dans les états généraux de l'alimentation ?

Des organisations agricoles ont déjà reçu un document informel, mais pas les ONG... La FNH, comme nombre d'ONG, réclame d'être associée aux discussions pour ce sujet qui est crucial pour la santé des agriculteurs, celle des consommateurs, pour la dégradation des sols, des cours d'eau à cause notamment de l'utilisation de pesticides. Il s'agit d'avoir une réflexion globale sur la façon dont nous nous alimentons, sur les circuits d'alimentation, sur quel type d'agriculture, sur l'avancée de l'agro-écologie... Sur tous ces sujets, il y a encore beaucoup à inventer. Nous ne sommes ni contre les entreprises, ni contre les agriculteurs, ni contre le progrès, mais nous voulons imaginer une autre façon de construire notre réponse à l'anthropocène. Si la tendance est aujourd'hui à l'abaissement des barrières pour les biens et les produits manufacturés alors qu'en même temps on augmente les barrières pour la libre circulation des êtres, ça n'est pas le monde dans lequel j'ai envie de continuer à imaginer l'avenir. On ne va pas faire plier l'OMC ou Donald Trump, mais on peut contribuer à modifier les perceptions ; une autre croissance est possible.

Avec Nicolas Hulot, ministre de la transition écologique, comment allez-vous vous positionner lorsqu'il ira à l'encontre des positions qu'il défendait lorsqu'il occupait votre place ?

La FNH reste vigilante. Elle l'a déjà rappelé depuis l'arrivée de Nicolas Hulot au gouvernement sur des sujets sur lesquels le ministre prend des décisions qui ne sont pas forcément conformes aux opinions de la Fondation. La FNH garde son indépendance, son libre arbitre et sa capacité d'interpellation. Mais Nicolas Hulot ne s'est pas transformé en devenant ministre. A priori il va continuer à défendre ses positions au gouvernement. Quand nous ne serons pas d'accord, nous ferons ce que faisait Nicolas Hulot quand il était à la tête de sa fondation, il n'hésitait pas à faire part de ses désaccord, à user de ses capacités d'indignation, à claquer la porte... La FNH n'est pas soumise à la solidarité gouvernementale. Nicolas Hulot sera sans doute obligé de composer à un moment ou un autre. S'il faut dire les choses, nous les dirons !

Comme avec le débat sur les perturbateurs endocriniens ou les néonicotinoïdes ?

Ce sont des sujets cruciaux pour la FNH et nous restons attachés à la définition la plus exigeante possible de ce qu'est un perturbateur endocrinien, puisqu'elle est remise en cause par nos partenaires allemands. Nous réclamons que les engagements pris par le candidat Macron soient tenus et que ce travail soit poursuivi. Sur les néonicotinoïdes, la France a avancé aussi grâce au travail de la FNH. Nous souhaitons que nous n'abaissions pas nos standards et que notre avance infuse sur nos partenaires européens.

Nicolas Hulot s'était récemment penché sur le sort l'épidémie de suicide qui touche les jeunes Amérindiens français en Guyane. Poursuivrez-vous dans ce sens ?

Le sort, l'habitude de vie et l'histoire des peuples en péril m'intéressent depuis longtemps non seulement parce que je suis née en Martinique, une région d'Amérique centrale où ces questions là sont extrêmement prégnantes, mais aussi parce que les Amérindiens, les Caraïbes, les peuples minoritaires en Amazonie, ça me parle. Ce sont des sujets qui m'intéressent même si ça ne fait pas partie de nos priorités actuelles. S'il faut s'y intéresser, je saurai de quoi on parle !

Que ferez-vous si Nicolas Hulot sort du gouvernement ?

Emmanuel Macron et Nicolas Hulot ont tout à fait conscience de l'intérêt qu'ils ont à ce que le ministère de la transition écologique et solidaire existe fortement et pèse sur la politique du quinquennat. Quand Nicolas a accepté ce poste, il savait que tout ne serait pas parfait, mais l'urgence climatique n'autorise pas de faire des manières. Je n'ai pas la sensation que Nicolas Hulot soit sur le point de claquer la porte du gouvernement. Mais si jamais Nicolas Hulot devait le quitter, il reviendrait s'il le souhaite à la FNH comme président d'honneur et si le conseil d'administration estime que j'ai encore ma place, je resterai présidente.

Propos recueillis par FXG, à Paris

Pulvar à la tête de la FNH
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