ELE ASU SUR C+
De Direct 8 à Canal +
ELE ASU
Franco-Nigériane de 29 ans, Ele Asu présente les infos le matin sur Canal +. Parcours d’une enfant de la diversité.
Tous les matins, au pipirit chantant,Ele Asu (prononcez Azou) assure quatre journaux de huit minutes pendant la matinale animée par Bruce Toussaint. Venue en septembre dernier de la petite chaîne de la TNT, Direct 8, Ele Asu n’avait rien d’une professionnelle, ni un parcours prédestiné. « Ca commence à décoller. Les trois premiers mois ont été excitants mais difficiles parce que je n’aime pas le boulot mal fait. » Cette jeune fille, née à Calabar d’une mère nigériane et d’un père diplomate et qui a fait une hypokhâgne à Paris, se définit comme une « workoholic », dépendante au travail ! « Je n’ai pas encore trouvé la vitesse de croisière, mais ça devient un vrai plaisir et moins une douleur quotidienne. » Passée d’une chaîne encore confidentielle à une émission bien lancée qui marche très bien et qui brasse 300 000 téléspectateurs, elle prend sa mission très à cœur. « Je me lève à 2 heures et demi, j’arrive au bureau une heure plus tard. Mon chef d’édition est déjà là et nous préparons le premier journal en trois heures. » Beaucoup de politique au menu, campagne présidentielle oblige, et beaucoup de sujets France. « J’essaie de ne pas trop donner dans le fait-divers sauf si ça rapproche d’un phénomène sociétal plus large. Malheureusement, je n’aborde pas la culture car c’est le rôle de la chroniqueuse Marie Colmant. »
C’est Alain, le réalisateur de l’émission, qui l’a repérée en avril dernier alors qu’elle présentait les matinales de Direct 8 avec Mikael Guedj. « Je suis entrée à Direct 8 grâce à la comédienne Delphine Devost en charge d’une émission pour la jeunesse. C’était parti pour être éphémère et j’ai aimé la télé, c’est devenu une aventure rigolote. » Elle voulait mettre en place un JT enfant, en vain, mais on lui a demandé de faire un essai à la rédaction qu’elle n’a plus quittée. « Formidable, j’avais trouvé ce que je voulais faire ! » Personnalité réservée au premier abord, Ele a pris un peu de bouteille au contact de poids-lourds de la politique comme Balkany ou Devedjan. « La réserve et la courtoisie, ça ne marche pas avec tout le monde», avance celle qui pratique depuis le rentre dedans et l’insolence.
Ele pensait devenir fonctionnaire européen et, marchant sur les traces de son père, se voyait évoluer dans l’image et la culture. « Je ne me voyais pas devant la caméra ! » Elle débute par un stage chez Film Distribution, puis rentre au ministère de la Culture où elle s’occupe des arts de la rue et du cirque. C’est comme ça qu’elle a rencontré Delphine Devost et commencé une carrière télévisuelle qui ne semble pas prêt de finir !
Interview
« J’ai eu accès à l’arme fatale, la culture »
Avez-vous eu à souffrir du racisme en France ?
Je suis un cas atypique. J’ai été élevée dans un milieu mixte avec une mère nigériane et un père français. Je n’ai pas été élevée, ni focalisée sur la couleur de la peau des gens. J’ai eu comme tout le monde des problèmes personnels mais je n’ai pas souffert du racisme, pas que je sache.
Comment avez-vous ressenti le débat sur la visibilité des minorités visibles à la télévision et le battage médiatique et politique autour de la nomination d’Harry Roselmack au 20 heures de TF1, l’été dernier ?
C’est artificiel même si dans l’absolu, ce n’est pas une mauvaise chose. Ce débat n’est pas une mauvaise chose. Harry Roselmack à cette place, ça donne à voir que c’est une possibilité réelle. Ca ouvre des possibles auxquels nous, Antillais, Africains ou Maghrébins, nous nous disions : « Ce n’est pas pour nous. » Donc, c’est positif. J’ai regardé le premier JT d’Harry. Il est super et il est comme nous. Le seul que j’avais vu avant à la télé, c’était Charly Nestor. Auparavant, appartenant à une minorité, on était obligé de réussir dans la musique ou le sport. Maintenant, il y a une autre option et c’est bien que les gens le sachent. Maintenant suis-je très représentative ? Je considère que j’ai eu accès à l’arme fatale, la culture.
Votre visibilité à l’antenne a-t-elle changé votre vie ?
Il y a un mois, j’aurais dit non. En fait, oui. Pour mes proches, ça ne change rien, mais poiur le reste… Je continue à ne pas connaître les gens que je rencontre et qui me connaissent déjà, croient-ils… C’est assez flippant. Je commence à peine à réaliser que je travaille pour une grosse chaîne. Quand j’entends dans un restaurant des gens dire : « C’est la fille de Canal », je me retourne, je crois encore qu’ils parlent de quelqu’un d’autre. Je ne voulais pas faire d’antenne à Direct 8, je voulais travailler sur les contenus et ne pas m’exposer. Mais je n’ai pas de regret. C’est un métier ludique et j’ai eu beaucoup de chance car je me suis retrouvée avec des gens super. Les requins dont on m’avait parlés, je ne les ai pas rencontrés et on ne m’a pas demandé d’être autrement que ce que je suis.
Connaissez-vous les Antilles ?
A l’âge de dix ans, j’ai suivi mon père qui était conseiller culturel à Trinidad où j’ai vécu six ans. A cette époque-là, nous sommes venus passer trois mois en Martinique. Mon père s’occupait de la réorganisation des centres culturels et alliances françaises. Je devais avoir 12 ou 13 ans. J’en garde un souvenir agréable qui ne doit pas dire grand chose, juste des souvenirs d’enfance. Après nous sommes partis en Ethiopie.