C'est pas du jazz a Montreuil - Michel Alibo
C’est pas du jazz
Qu’y a-t-il de commun entre Yann Cléry (Guyane), Eric Ildefonse (Martinique), Dominique Leblanc (Guadeloupe/Guyane), Fanfaraï (Algérie, Maroc, France), Chris Combette (Guyane/Martinique) ou Jowee Omicil (Haïti/Canada) ? Ils seront tous réunis à Montreuil, au marché de la Croix de Chavaux, du 6 au 8 juin pour « C’est pas du Jazz », le festival organisé par Bakfoul, l’association de Steeve Delblond. Une programmation hybride, teintée d’influences afro-caribéennes, arabo-andalouses et de musiques traditionnelles évolutives, véritable vitrine d’exposition des projets d’artistes à la musique trop souvent classée…inclassable ! D’où l’appellation de l’événement. Le parrain de cette manifestation est le bassiste martiniquais Michel Alibo. Interview
Michel Alibo, bassiste et parrain du festival C’est pas du jazz
« Le jazz, c’est la liberté »
Pourquoi parrain du festival et non pas à l’affiche ?
C’est mon côté rebelle… J’appartiens à un courant créatif et Steeve Delblond m’a trouvé à l’image de son concept. Quand on est parrain, on ne cherche pas spécialement à jouer ; on est en osmose totale avec les artistes à l’affiche. J’aurai pu jouer avec eux ; ils sont les artistes qui font l’actualité musicale de la Caraïbe entre autres. Je serai là avec mon instrument pas loin et s’il y a une jam session, je suis prêt, la basse entre les dents !
Pourquoi ce titre, C’est pas du jazz ?
C’est un pied de nez à la réponse récurrente qu’on lui fait quand Steeve Delblond propose ses artistes issus de la Caraïbe ou d’ailleurs à des organisateurs de spectacle de jazz : « C’est pas du jazz… » Lui pensait taper aux portes de l’esprit jazz et… non.
Est-ce à dire que la fusion jazz caraïbe n’est pas reconnue ?
C’est un petit point d’interrogation… Il y a des gens qui font des choses qui surprennent, qui interpellent et le but, c’est de dire que ces musiques ne sont pas cataloguées. Pour nous, le jazz, c’est la liberté.
Pourtant, n’était ce pas cela la force du jazz quand il est né ?
Libre, inclassable, le jazz cassait tous les codes. C’était une musique rebelle sur laquelle on dansait alors qu’aujourd’hui, les gens sont dans une écoute attentive du talent des musiciens. Pourtant, de Duke Ellington à Charlie Parker, c’était déjà inclassable puisqu’ils créaient de nouveaux courants. Il y a encore de la place et il faut la prendre !
Vous connaissez tous les artistes programmés, parlez-nous de leur jazz…
Dominique Leblanc est un Guadeloupéen qui vit en Guyane ; son jazz est totalement latino, mais aussi issu des traditions antillaises. Yann Cléry que je connais un peu moins, est un flûtiste guyanais. Chris Combette est au carrefour, à la confluence des musiques, avec des textes soignés, porteurs d’une certaine rébellion. Eric Ildefonse joue avec une bonne équipe parmi lesquels le saxophoniste Sainte-Lucien, Luther François, ou le latino Felipe Cabrera. Ils font un jazz très caribéen et en même temps latin jazz… Kannigwé, que j’ai rencontré en studio avec Franck Nicolas, est un spécialiste du Bélè, un de nos rythmes antillais les plus africains. Jowee Omicil est un saxophoniste haïtien qui évolue entre Montréal et New York. C’est une bombe atomique. Son jazz me rappelle les Groover Washington avec une empreinte caribéenne et, évidemment très américaine. Il a eu droit à une invitation à la Maison blanche par Barack Obama ! Et puis, il y a Fanfaraï, la fanfare raï… Alors, c’est pas du jazz, mais c’est dans la plus pure tradition New Orleans. Et puis, DJ Suga Kan, un défricheur de sons.
Et de votre côté, quelle est votre actualité musicale ?
Je travaille avec le pianiste réunionnais Meddy Gerville sur son prochain album et son Olympia en octobre et nous partons en tournée en Chine, en Amérique du sud et, on est en train de voir, du côté de l’océan Indien, de l’Australie et de la Nouvelle-Calédonie.
Et où en est Sixun ?
On est en train de composer et on devait enregistrer en avril. Notre pianiste a eu un souci de santé et on a reporté l’enregistrement à la rentrée pour une sortie en 2014.
Propos recueillis par FXG, à Paris
Les alibis d’Alibo
Né à Paris de parents martiniquais, Michel Alibo (54 ans) a rencontré la musique quand il allait en vacances aux Antilles. A Paris, il découvre la musique africaine et des artistes comme Cool and the gang, James Brown ou Jimmy Hendricks. Son éveil musical a été fait par le rythme and blues des seventies, comme les Groover Washington qu’il intégrait aux musiques antillaises et africaines. Il n’a que 14 ans quand son grand frère achète une basse, une platine et plein de vinyles. Un disque de James Brown, Michel emprunte l’instrument et trouve rapidement les lignes de basse… « Je faisais croire à ma mère que j’allais au sport et j’allais chez mon frère jouer de la basse. » En 1976, le gamin part pour sa première tournée avec Elvis Kemaya au Cameroun. Le jeune Alibo tient la basse aux cotes des Gibbson brothers aux claviers et batterie. Ils apprennent lors de la tournée le succès de leur tube, Cuba. En 1978, Michel Alibo rejoint Manu Dibango ; il joue avec Claude Vamur et Jean-Claude Naimro. Plus tard, il enregistrera avec Kassav… En 1985, Sixun, son groupe fétiche, sort son premier album. Deux ans plus tard, il lance Sakiyo. Il joue aussi avec Jonasz, Nicolle Croisille, Eddy Louis et, en 1997, il monte, avec Canonge et Narel, Sakecho.
FXG