Claudy Siar, Nicolas Sarkozy, Victorin Lurel...
Claudy Siar, délégué interministériel à l’égalité des chances des Français d’outre-mer, fait le point sur son positionnement politique avec Sarkozy, avec Lurel...
« Ce président de la République a fait ce que d’autres n’ont jamais fait. »
La campagne pour les présidentielles bat son plein, qu’en est-il de votre positionnement politique ?
J’ai toujours dit dès mon entrée en fonction que je ne ferai pas de campagne présidentielle, mais dans le même temps, j’ai été appelé par le président de la République qui, lui m’a demandé de faire un travail pour les originaires d’outre-mer que j’ai accepté. Pour moi, ce président de la République est celui qui, pas seulement de manière symbolique, mais également factuelle, a donné des gages à l’outre-mer pour sortir du paternalisme et pour, enfin, établir une relation très claire, d’égal à égal, et non plus comme on a souvent considéré l’outre-mer comme les confettis de l’Empire colonial français. Ce président de la République a fait ce que d’autres n’ont jamais fait.
Est-il vrai que vous avez fait une offre de service à Victorin Lurel à l’issue de ce déjeuner qui a suivi la convention pour l’outre-mer de l’UMP en novembre dernier ?
Nous avons abordé lors de ce déjeuner trois sujets. Nous avons analysé la vie politique française et pas seulement celle de la communauté. Mais le premier sujet, et c’est pour ça que nous nous sommes vus, c’est sur la mémoire et l’histoire de l’esclavage. Comment faire pour que cette histoire de l’esclavage soit partagée. Comment faire pour que d’autres communautés s’y associent pour permettre un autre regard sur la mémoire de l’esclavage et comprendre que c’est l’histoire de tous et pas seulement l’histoire des Noirs. Ca fait trois ans que j’ambitionne d’organiser avec le CRIJF, un déplacement de ses plus hautes instances pour qu’elles viennent se recueillir en Guadeloupe sur les lieux où a été perpétré le crime de l’esclavage. Lors du dernier dîner du CRIJF, le président, Richard Pasquier a parlé de cet événement que nous devons réaliser. Ce voyage aurait dû se dérouler du 19 au 22 mars. Il est reporté parce que, là encore, j’ai tellement peur que les uns et les autres y voient une manipulation politique ou une instrumentalisation que j’ai préféré décaler après les élections. Nous avons encore parlé de ce rapport sur la délinquance en Guadeloupe où l’on stigmatisait les Guadeloupéens d’ascendance africaine. Nous avons parlé de cela et j’ai dit à Victorin Lurel qu’il n’était pas exclu que je ne réagisse pas. Et lorsque j’ai vu le rapport, j’ai cru que j’allais m’étouffer…
Donc il n’a jamais été question de rapprochement politique entre Claudy Siar et Victorin Lurel ?
Jamais de la vie. Je n’ai jamais été encarté à gauche, jamais encarté à droite et cette liberté-là me permet de dire aux uns et aux autres ce que je pense.
On ne vous a pas entendu après les déclarations de Claude Guéant sur les civilisations. Fallait-il que le délégué réagisse ou non ?
Je pense que le délégué n’avait pas à réagir. Certains l’ont fait. Je me suis contenté de dire via mon compte Twitter que le terme de « civilisation » n’était pas le terme approprié. Nos concitoyens français blancs originaires de l’Hexagone n’ont forcément pas la même lecture que les originaires d’outre-mer ou du Maghreb qui ont le sentiment d’être encore dans cette logique de choc des civilisations. J’ai compris la réaction de Serge Létchimy et puis, j’ai entendu aussi les explications de Claude Guéant. Ce qui m’a choqué, le jour de l’intervention de Serge Létchimy à l’Assemblée nationale, c’est François Hollande. Quand David Pujadas au 20 heures de France 2 lui demande si l’élu martiniquais n’est pas allé trop loin, il répond : « Regardez d’où il vient et vous comprendrez pourquoi… » Ca m’a beaucoup gêné parce que ce n’est pas seulement l’appartenance régionale de Serge Létchimy qui explique son propos, mais bien ses convictions. Des personnes de mon entourage, Guadeloupéennes, m’ont dit être d’accord avec Claude Guéant. Ce n’est donc pas la région ou l’origine de la personne qui peut expliquer ce type de propos, mais bien les convictions d’une personne.
On ne vous a pas non plus entendu après le suicide du CRS d’origine guadeloupéenne. Pourquoi ?
Je pourrais réagir sur tout et ne faire que de la communication… A chaque fois qu’il y a ce type d’événement, de tragédie, je travaille derrière, j’essaie de voir avec les différents services, ce qui s’est passé, ce que nous pouvons faire. Là, il y a mort d’homme, donc il faut faire attention. Pour le Champagne dénommé Code noir, j’ai trouvé la solution, mais sur la mort de quelqu’un on ne peut pas juste bomber le torse et dire : « Je suis scandalisé. » L’important est de trouver les tenants et les aboutissants mais surtout de faire en sorte que ça ne se reproduise plus parce que nous ne pourrons pas ressusciter cette personne.
Dans le livre noir du sarkozysme outre-mer, le PS vous reproche de travailler avec une société où votre frère est impliqué, et encore de dépenser trop d’argent pour un Noël pour enfants…
Que ceux qui m’ont attaqué donnent les chiffres des arbres de Noël organisés par telle ou telle collectivité… Nous avons dépensé, hormis la commission de la société prestataire de l’Etat, Carlson Wagon-lit, 87 000 €, en fait 75 000. On aide les uns et les autres pour une somme qui est dérisoire. Des cadeaux pour 840 enfants et une fête pour 380… Mon frère était là à titre bénévole. Ce n’est pas la société qui a travaillé et comme mon frère est toujours avec moi, dans les domaines qu’il connaît, il me donne des coups de main. Lorsque vous travaillez avec des personnes que vous connaissez, forcément, les prix sont moins chers. Je suis soucieux des deniers publics. Cette attaque n’est pas digne des personnes qui m’ont attaqué. Et c’est venu parce que j’ai fait un communiqué de presse sur le rapport sur la délinquance en Guadeloupe…
On est à moins de cinquante jours de l’élection, donc, du terme de votre mandat de délégué…
Non, tout le monde se trompe. Je vais vous dire quand je quitterai la délégation puisque maintenant je me suis fixé une date très précise. Un délégué interministériel ne tombe pas à l’issue du second tour. La délégation continue. J’ai donc décidé, au regard des dossiers en cours, d’attendre début juin pour partir.
Que ferez-vous après ?
Je souhaite, quel que soit le résultat de l’élection présidentielle, que la délégation subsiste. Même si elle n’a pas beaucoup de moyens, elle est importante pour faire entendre une voix, organiser les gens, faire comprendre aux originaires d’outre-mer qu’il faut que nous soyons organisés, que nous nous repensions au sein de la société française. En voyant des originaires d’outre-mer graviter dans les sphères du pouvoir, je comprends pourquoi nous sommes en là, pourquoi nos dossiers n’avancent pas. Il y a une volonté chez certains de faire carrière plutôt que de s’engager totalement avec abnégation pour les originaires d’outre-mer…
C’est exactement ce que certains vous reprochent…
Je connais bien les Domiens et c’est pour ça que dès le départ j’ai dit : je sais à quel moment j’entre en fonction, je sais à quel moment, je quitte mes fonctions pour reprendre ma vie professionnelle.
Alors, ce sera un retour à la radio, à la télé ?
Je reprendrai mon poste de producteur et animateur à RFI, je reviendrai à la tête de la Tropiques FM, et je vais reprendre la télévision. Jusque là, j’étais à Canal + pour l’Afrique et j’avais entamé des discussions pour de gros projets à France Télévisions. Si je n’avais pas été délégué, j’aurai dû être chroniqueur du Grand Journal. C’est par militantisme que je l’ai fait. Il n’y avait évidemment pas l’appât du gain parce que je gagnais mieux ma vie à l’extérieur. Je n’ai pas entamé une carrière d’homme politique. Une personne m’a suivie depuis que je suis entrée à la délégation et elle va écrire un ouvrage (Roland Brival, NDLR) dans lequel je vais livrer ce que j’ai vécu, compris et ce que je crois qu’il faut faire aujourd’hui.
Propos recueillis par FXG (agence de presse GHM)
La téléphonie mobile
« C’est un dossier que j’espère régler dans le mois qui vient, avant le 1er tour, ou en tout cas, avoir une décision. Depuis trop longtemps, en mars 1991, on a scellé le sort de l’Outre-mer ; les opérateurs ont fait des marges d’une insolence inacceptable. C’est aussi de la responsabilité de l’Etat car à travers ces licences spécifiques à l’Outre-mer, on a fait en sorte que l’Outre-mer et l’Hexagone soient deux territoires étrangers l’un à l’autre. On ne peut pas continuer à faire en sorte que les populations d’outre-mer soient des vaches à lait ; ça suffit ! »