La cérémonie nationale et officielle du 10 mai
Un 10 mai en toute humilité
On était loin de la grandeur de la cérémonie de mai 2007, en présence des présidents Chirac et Sarkozy, et loin de celle du 10 mai 2008 que le président Sarkozy avait présidée. Mais après une échappée bordelaise en 2009, la journée nationale de la commémoration de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions est revenue à Paris, au jardin du Luxembourg, devant la sculpture de Fabrice Ibert représentant trois maillons d’une chaîne brisée. Mais sans le président de la République. Il a travaillé jusqu’à 1h 30 pour la gestion de la crise de l’euro et il réunit le sommet social à l’Elysée cet après-midi », a expliqué un de ses collaborateurs qui assure qu’est lancée une réflexion sur « l’hypothèse de sa présence » l’an prochain pour les dix ans de la loi… Peu de public hier, seulement des invités. Et un programme chiche. « Ils se sont bougés parce que je les ai secoués en avril », avance Christiane Taubira. Le président du Sénat, puissance invitante, est arrivé à 11 heures, escorté des ministres Brice Hortefeux et Marie-Luce Penchard, du préfet de police Michel Gaudin, de Françoise Vergès, présidente du comité pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage, et de Patrick Karam. Dans la petite foule, il y avait tous les parlementaires de Guyane, les sénateurs Larcher de Martinique et Detcheverry de Saint-Pierre et Miquelon, Lilian Thuram, Jacques Martial ou encore Jacques Toubon, président du musée de l’Immigration. Le conseiller outre-mer du président Sarkozy était également présent ainsi qu’une quarantaine d’élèves du lycée Buffon. Gérard Larcher s’est exprimé le premier pour rappeler la création de cette journée il y a cinq ans, la première abolition de l’abbé Grégoire, la loi du 27 avril 1848 qui a « mis un terme définitif à cette funeste infamie » A son tour, le ministre de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l’Outre-mer est venu au micro lire un message du président de la République. Il a été question de « refuser l'oubli, car un pays comme le nôtre est d'autant plus fort qu'il sait assumer son passé, tout son passé, y compris ses pages les plus sombres ». Le président a rendu hommage à la loi Taubira (sans citer la députée de Guyane) et aux nombreuses manifestations qui se déroulent ce 10 mai et qui « contribuent à construire une mémoire lucide, mais apaisée », appelé à « ne pas baisser la garde » et veiller à poursuivre le combat contre l’esclavage moderne. Pour conclure, le président a cité un de ses illustres prédécesseurs, Charles de Gaulle : « Il y a un pacte vingt fois séculaire entre la grandeur de la France et la liberté du monde. » Davy Sicart, le chanteur réunionnais a ensuite entonné une chanson, « Au nom de mes pères, de ses fils et des sains d’esprits » La chanteur, un moment, a salué comme un militaire en déclamant au sujet de la liberté : « Allons enfants de la colonie, son heure de gloire est arrivée… » Les ministres et les officiels sont ensuite allés inaugurer l’exposition du collectif Memorixxx. A midi, c’était plié.
L'artiste guadeloupéo-parisien Shuck one du collectif Memorixx avec les ministres Penchard et Hortefeux, le président larcher, et la présidente du CPMHE, François Vergès.
FXG (Agence de presse GHM)
Trois questions à Lilian Thuram
« Comprendre les séquelles de cette histoire dans la société française »
Cette cérémonie nationale vous semble-t-elle importante ?
L’important, ce sont les questions que l’on se pose autour du 10 mai. Avoir la réflexion sur l’esclavage pour s’enfermer dans une certaine victimisation, une certaine culpabilité, ce n’est pas bon, mais essayer de comprendre quelles sont les séquelles de cette histoire dans la société française d’aujourd’hui, oui je pense que c’est utile.
Pourra-t-on un jour s’en priver ?
Tant que pour la plupart des personnes, le point de départ de la rencontre avec les populations noires, ce sera l’esclavage, il y aura encore des préjugés….
Regrettez-vous que la cérémonie ne soit accessible que sur invitation ?
C’aurait été une très bonne chose que ce soit ouvert à tous. C’est une date qui appartient à tout ceux qui veulent y participer donc c’est un peu dommage que ce soit limité.
Propos recueillis par FXG
Trois questions à Christiane Taubira, député et auteur de la loi du 10 mai 2001
« Les autorités assument le ton qu’elles donnent à cette cérémonie »
Comment avez-vous trouvé la cérémonie ?
Je ne pense pas que ce soit une bonne idée de faire une cérémonie sur invitations. C’est une histoire qui a concerné les peuples de l’Europe, de l’Afrique, des Amériques et des Caraïbes et le moindre des signes d’une appropriation collective serait justement la présence de tout ceux qui souhaitent assister à cette cérémonie. Ca me gêne profondément. Pour le reste, les autorités officielles assument le ton qu’elles donnent à cette cérémonie.
Neuf ans après le vote de votre loi, comment est-elle appliquée ?
Neuf ans… Mais ce n’est que la cinquième cérémonie, ce qui veut dire qu’il a fallu quatre ans avant sue le président de la République de l’époque, Jacques Chirac n’exécute une des dispositions de la loi, le choix d’une date. Il y a quand même une effervescence, un foisonnement dans le pays pour une connaissance de cette histoire, une compréhension pour ses enseignements et une capacité à comprendre ce qu’est devenue la Nation française. Ca avance. J’aurai aimé que ça avance différemment, qu’il y ait une impulsion officielle plus forte. Alors, dans les programmes scolaires, les choses sont nettes : tout le cursus est parcouru par l’enseignement de cette histoire. Il faut encourager les recherches universitaires, c’est ce que prévoit l’article 2 de la loi… Mais une impulsion officielle aurait aidé à coordonner tout cela et à donner à cette commémoration non pas cette espèce de patchwork de bonnes initiatives et de bonnes volontés déconnectées les unes des autres, mais d’en faire un événement national qu’il n’est pas encore.
Louis Sala-Molins et quelques autres voudraient que la Hollande, le Portugal, l’Angleterre et le Danemark reconnaissent l’esclavage comme un crime contre l’humanité. Vous associez-vous à eux ?
Bien entendu ! La rédaction originale de la proposition de loi prévoyait d’inclure les puissances européennes mais le gouvernement de l’époque m’ opposé le fait qu’on ne pouvait inscrire dans une loi française des éléments concernant des puissances étrangères. J’en ai pris acte mais il est évident que le commerce triangulaire a engagé pratiquement la totalité de l’Europe, a bouleversé la situation de tout le continent africain, et a modifié la démographie, la sociologie et les cultures mêmes des peuples des Amériques et des Caraïbes. C’est quand même l’histoire de l’humanité et c’est un crime contre l’humanité qui doit être qualifié pas seulement par la France et le Sénégal, mais par l’ensemble des puissances européennes.
Propos recueillis par FXG (agence de presse GHM)
Ils étaient là
Arrivée, un peu à la bourre, de la députée de Guyane, Chantal Berthelot.
La comédienne Nathalie Coualy.
Isabelle Saint-Félix et le comédien et musicien Pierre Saintons.
Patrick Karam et Olivier Biancarelli.
L'animatrice de France O, Marijosée Alie.L'assistant parlementaire du sénateur de Mayotte et le directeur de LADOM, François-Xavier Bieuville.Sudel Fuma, directeur de la chaire UNESCO à l'université de la Réunion, concepteur du programme "les routes de l'esclave et de l'engagé dans l'océan Indien, Davy Sicart, Christiane Taubira et Fernand Payet.Lilian Thuram, Marie-Thérèse Lacombe, représentante du maire du 6e arrondissement, et Ly Djenaba.
A Vigneux-sur-Seine aussi...
De nombreuses cérémonies de commémoration de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions, ont eu lieu un peu partout en France. Dans la commune de Vigneux-sur-Seine, dans l'Essonne, elle a revêtu un caractère très républicain avec la présence des anciens combattants, un dépôt de gerbe, une minute de silence, quelques allocutions et la Marseillaise. La cérémonie était organisée par la mairie et l'association Mémoire du passé, espoir pour demain. Sur la photo, le président de l'association Théo Laplume tient la gerbe. Derrière lui, le maire Serge Poinsot, le député gaulliste Nicolas Dupont-Aignan et le délégué interministériel Patrick Karam.