Loi Taubira - Mémorial de l'esclavage à Nantes
Nantes en face à face fécond avec son histoire
Avant de participer aujourd’hui à Paris à la commémoration officielle de l’esclavage, la traite et leurs abolitions, en présence de Nicolas Sarkozy, Christiane Taubira a chosi d’aller à nantes pour fêter les dix ans de la loi qui porte son nom.
Quel meilleur endroit que Nantes pouvait choisir Christiane Taubira pour fêter les dix de la loi qui porte son nom ? « Nantes et une ville pionnière qui s’est lancée dans ce face à face avec l’histoire de manière très féconde », a lancé dans un discours très applaudi, hier soir à Nantes, la député de Guyane. Elle sait aussi quel rôle a joué le maire de Nantes, Jean-Marc Ayrault, en tant que président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale à l’époque du débat parlementaire. Accueillie par Octave Cestor, l’un des pères de l’association des anneaux de la mémoire et devenu depuis adjoint au maire chargé des relations Afrique et Caraïbes, Christiane Taubira s’est d’abord rendu au musée des ducs de Bretagne où le conservateur Bertrand Guillet lui a fait visiter quelques salles relatives à la traite, à l’esclavage et à « l’opulent commerce ». La député a ensuite rejoint Jean-Marc Ayrault sur le chantier du mémorial de l’abolition (que d’aucuns auraient préféré voir appelé le mémorial de l’esclavage et de la traite…). Là, entre deux ponts le long de la Loire, la métropole nantaise bâtit un monument d’art contemporain dédié au passé négrier de la ville. Aménagé comme une promenade publique, cet espace mémorial sera parsemé de 2000 plaques au sol portant le nom et les destinations des navires négriers qui ont fait la fortune de la cité au 18e siècle. En dessous du quai, une allée souterraine de 90 mètres d’où émergeront de grandes plaques de verre symbolisant les abolitions.
Pas une oeuvre de repentance mais de lucidité
En face, par une meurtrière, on voit se dresser un autre bâtiment contemporain, le palais de justice de l’architecte Jean Nouvel. « C’est le message du droit », explique Marie-Hélène Jouzeau, responsable du projet. 6,9 millions d’euros ont été investis pour ce mémorial. « C’est le plus important de France, indique Jean-marc Ayrault mais le gouvernement n’a pas voulu y participer. Ca pourrait pourtant être une opportunité pour la France d’avoir un mémorial national. J’en ai parlé à Frédéric Mitterrand, mais je crois que le blocage vient de plus haut. » Il croit pouvoir dire que c’est dû au discours du chef de l’Etat qui refuse toute repentance. « Mais, ce n’est pas une œuvre de repentance, s’exclame l’élu nantais, c’est une œuvre de lucidité ! Nous ne sommes pas comptables du passé, mais du futur ! » Sur la passerelle Victor-Schoelcher qui enjambe la Loire à l’exrêmité est du mémorial, Christiane Taubira et Jean-Marc Ayrault, escorté par la foule et sous le son roulant des tanbous des Amis du bélè, ont jeté des fleurs en hommage aux victimes de l’esclavage. Le maire a évoqué les différentes abolitions, les révoltes avant de déclarer la loi Taubira comme celle qui a « parachevé l’œuvre abolitioniste en France ». « Nous portons une histoire commune, a déclaré la députée de Cayenne, et c’est ensemble que nous avons proclamé qu’elle était un crime contre l’humanité. » Le préfet, dernier à parler selon le protocole, est resté dans son rôle en disant : « Il y a une loi de la République et elle doit s’appliquer. »
FXG à Nantes (agence de presse GHM)
Christianne Taubira au musée
"Nantes est une ville qui ose affronter. Ca ne veut pas dire qu’il n’y a pas de débat à Nantes. On sait qu’il y en a, mais Nantes est une ville qui affronte son passé sans pathos. Oui, elle assume son histoire de port négrier. Pendant la Révolution, elle a assumé 40 % du commerce négrier du commerce de la France ! Et c’est au nom des valeurs humanistes, au nom des idéaux que Nantes a le courage de dire que son histoire est, de toute façon, inscrite dans son espace public. Alors, elle inscrit dans son espace public le fait qu’elle pense aujourd’hui que ce n’était pas juste, que c’était un crime, qu’il faut s’en souvenir, parce que ce qui peut vaincre tout cela, c’est justement le fait que des valeurs nous rassemblent. A une période, on a séparé des hommes sur la couleur, aujourd’hui, ce sont les valeurs qui nous réunissent parce que déjà, à l’époque, ce sont des valeurs qui ont fait que les esclaves et les nègres marons ont reçu la solidarité de philosophes européens mais aussi de citoyens ordinaires."