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Publié par fxg

Sourya Adèle, Jean d'Amérique, Mâwa-Kiese Mawawa, Rodney Saint-Eloi, Aurélie Levy, Mariann Mathéus @ Alfred Jocksan.jpg

Sourya Adèle, Jean d'Amérique, Mâwa-Kiese Mawawa, Rodney Saint-Eloi, Aurélie Levy, Mariann Mathéus @ Alfred Jocksan.jpg

Le Kongo historique, Port-au-Prince et Queenie de Harlem honorés

Le palmarès du 18e prix Fetkann’-Maryse Condé a été révélé mercredi 24 novembre au café de Flore à Paris. Ce prix littéraire qui entend valoriser la mémoire des pays du Sud et la mémoire de l’Humanité a été créé par l’association CIFORDOM et son président José Pentoscrope au lendemain de l’adoption de la loi Taubira qui préconise d’accorder à l’histoire de l’esclavage toute la place qu’elle mérite.

Le prix du livre jeunesse a ainsi été décerné au roman graphique d’Elizabeth Colomba et Aurélie Levy, « Queenie, marraine de Harlem » (édition Anne Carrère), l’histoire de Stéphanie Saint-Clair, née miséreuse en Martinique et devenue la célèbre Queenie de Harlem, à la tête d’un véritable empire criminel dans le New-York de la prohibition et du ragtime. « C’est la première fois qu’on reçoit quelque chose », s’est exclamée Aurélie Lévy la co-autrice !

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Jean d'Amérique

Le prix de la poésie a été attribué au recueil « Rhapsodie rouge » (édition Cheyne, Quebec) du poète haïtien Jean d’Amérique. « J’ai essayé de composer une sorte de chant à deux voix, dont une voix du collectif, une voix du peuple qui surgit dans ce poème. » Le jeune prodige de 27 ans a pris le temps d’en lire quelques vers qui s’achèvent ainsi : « Rhapsodie rouge, cerise de juillet ou communisme… »

Le prix Fetkann’ de la recherche a été attribué à l’ouvrage érudit de l’historien lusophone Lussunzi Vita M’Bala, « La société Kongo face à la colonisation portugaise 1885-1961. Un peuple et une culture en mutation » (éditions Paari). L’auteur et universitaire se penche sur le Kintotila (l’empire Kongo), « une société d’égalité parfaite », jusqu’à son arrêt de mort qui inversa le cours de l’histoire de l’Afrique noire, dans la première moitié du 16ème siècle, avec l’intrusion européenne et ses deux impacts importants : la traite négrière et l’évangélisation des populations locales.

Ces deux phénomènes occasionnèrent non seulement la fin du pouvoir d’État organisé sur un grand espace, mais aussi des ruptures socio-culturelles irréversibles. La force de ce travail a été de privilégier une vision dans laquelle l’Africain cesse d’être considéré comme un simple objet de l’histoire, pour devenir un sujet de l’histoire. L’auteur a donc refusé l’emploi des concepts tels que « tribu », « ethnie », « Blanc », « Nègre », « mission civilisatrice », « ethnologie » qui ont meublé en Europe la « Science coloniale », dès le début du 19ème siècle.

Rodney Saint-Eloi

Une mention spéciale dans la catégorie « Mémoire » a été accordée à Mohamed Mbougar Sarr, pour « La plus secrète mémoire des hommes », édition Philippe Rey, déjà lauréat du Goncourt. Le grand prix Fetkann’ est échu à l’Haïtienne Emmelie Prophete, Les villages de Dieu, édition Mémoire d’Encrier (Québec). L’autrice dresse un portrait sans fard de la vie à Port-au-Prince où la violence, la drogue, l’alcool, le viol, la prostitution et la mort sont le lot quotidien de la jeunesse. Un espoir existe malgré tout, bien sûr porté par les femmes… « Ce livre, a déclaré la lauréate via son éditeur Rodney Saint-Eloi, raconte une ville livrée à ses démons. On a parlé de Guadeloupe, de Martinique et aujourd’hui on peut mettre Port-au-Prince parmi les villes qui ont besoin de solidarité, qui ont besoin de votre humanité. » Rodney Saint-Eloi a conclu la cérémonie en déclarant que « ces prix littéraires, tel le Fetkann’, rappellent d’abord que quelles que soient nos différences, nous sommes d’abord et toujours des êtres humains ».

FXG

Trois questions à Laure Lévy, co-autrice de Queenie, marraine de Harlem, lauréat du prix jeunesse Fetkann’2021.

« Enfin une martiniquaise va devenir une grande héroïne hollywoodienne ! »

Qui était Queenie ?

Stéphanie Saint-Clair ! Une femme incroyable, effacée de l'histoire, martiniquaise d'origine qui marque Harlem dans les années 1920 et qui devient une des grandes gangsters de la prohibition. On se souvient tous d'Al Capone mais pas de Stéphanie Saint-Clair qui pourtant menait d'une main de fer son business de loterie clandestine, qui aidait les gens de Harlem à arrondir leurs fins de mois puisque à l'époque ils n'avaient pas accès aux prêts ou au crédit. Elle était aussi une défenseuse des droits civiques et a beaucoup aidé sa communauté d'où son surnom de marraine. Elle a été une des premières femmes à dénoncer les violences policières et a même fait arrêter un flic blanc ! Enfin, c'est une des seules gangsters à être morte dans son lit là où tous les autres se sont entretués ! Queenie parlaient cinq langues avec un accent français à couper au couteau ! Je me demande même si ce n'est pas cela qui l'a sauvée et qui la différenciait des autres. Le monde entier devrait connaître l'histoire de cette femme et je suis très fière d'annoncer que les droits de l'histoire de Queenie ont été achetés par un grand studio américain. Enfin une martiniquaise va devenir une grande héroïne hollywoodienne !

Comment avez-vous eu connaissance de cette femme ?

Elisabeth Colomba est une grande peintre d'origine martiniquaise qui s'est fait un nom aux États-Unis dans la black portraiture. C'est sa maman qui lui a parlé de ce personnage. Elizabeth a voulu faire son portrait et c'est comme ça qu'elle s'est rendue compte que son histoire était si riche et qu'il fallait un médium plus large que la peinture pour la raconter. C'est ainsi qu'on a décidé d'en faire ce roman graphique ! On a fait énormément de recherches à Harlem, écrit un scénario de long-métrage, et c'est sur la base de ce scénario quÉlizabeth a croqué les premiers dessins à l'origine de cet ouvrage magnifique.

D'où venait Stéphanie Saint-Clair en Martinique ?

Martinique, Guadeloupe… C'est un peu trouble parce que Stéphanie Saint-Clair a un peu réinventé son histoire, mais dans notre livre, elle a le parcours typique d'une jeune antillaise de l'époque. Elle travaillait dans une maison, a été abusée par son patron… Mais, je vous laisse découvrir la bédé !

Propos recueillis par FXG

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