Théodore, roman chez HC Editions

Le premier roman de Laurent Laviolette cible l’éternité

Theodore qui, littéralement, signifie don de Dieu ou encore Dieu a donné est le titre du premier roman du Martiniquais Laurent Laviolette publié chez HC éditions.

C’est l’histoire d’un amoureux des arts qui voulait tutoyer les plus belles œuvres d’art comme Dieu lui-même. « Théodore, nous dit son auteur, se considère-t-il comme Dieu. Un dieu qui doit se faire homme pour mieux comprendre la condition humaine (clin d'œil à Malraux). » Son nom de famille, Laborie, « pas si éloigné de laborieux, c’est-à-dire qui coûte beaucoup de peine, de travail, en d'autres termes, qu'il est dur d'être un homme, qu'il est dur d'être Dieu », en dit long sur le drame de ce personnage doué d’éternité ou presque. « L’unique différence entre un fou et moi, dit Théodore en citant Salvador Dali, c’est que moi, je ne suis pas fou. »

De la commune de Paris en 1871 jusqu’à 1990 en passant par les deux guerres et la fin de la IVe République, ce roman déroule une période longue de 120 ans comme Hashem, « celui qui porte le nom », selon les Hébreux, a donné à ce héros de vivre, à l’instar de Moïse sauvé des eaux. « Théodore, explique Laviolette, connait comme Moïse sa traversée du désert, et tout comme lui, Théodore est supposé mourir à l'âge de 120 ans. Ces références bibliques, judaïques et parfois musulmanes étaient nécessaires pour ne pas circonscrire Dieu à une seule religion. »

Maintenir les gens en vie dans sa mémoire

On est dans le fantastique, ou plutôt dans le mythe faustien. Laurent Laviolette prolonge la réflexion de Fréderic Nietzsche pour qui « l'Homme n'ayant plus besoin de Dieu s'est érigé en surhomme. En ce sens il y a un peu de Nietzsche en lui, mais Théodore va plus loin : il est Dieu. » Et on le comprend puisque « la plupart des hommes oublient tout, excepté d’être ingrat ».

Théodore nous fait croiser Tchaïkovski comme Thelonious Monk, Chaïm Soutine comme Jackson Pollock ! Mais quelle folie s’est emparé ce technocrate diplômé en droit des affaires, senior manager chez Mazars, chef-adjoint de cabinet du ministre de l’Outre-mer (Marie-Luce Penchard), secrétaire général de l’UGPBan, principal chez Capgemini et encore aujourd’hui directeur des projets à la Société Générale ? « A l'origine de cette fable, nous répond Laurent Laviolette, une remarque de l'une de mes sœurs après le décès de mes parents : "C'est drôle, mais quand on évoque leurs souvenirs, on a l'impression qu'ils sont encore en vie". C'est l'acte de naissance d'un personnage qui maintiendrait les gens en vie dans sa mémoire. Ma mère était profondément croyante, en accompagnant ses derniers jours j'ai sérieusement remis en question l'existence de Dieu. Je ne suis pas un moralisateur, je laisse donc le lecteur faire son propre miel de cette histoire. »

FA Paris

Un auteur martiniquais et un homme libre

Déjà auteur en 2019 chez le même éditeur d’un essai sur le fait d’être Noir, « Les apparences dépouillées », préfacé par Alain Juppé (dont il a été le conseiller Outre-mer pendant les primaires de la droite de 2015-2016), Laurent Laviolette, qui fut secrétaire général de l’année des Outre-mer en France, est originaire du Marin. « Ma "martiniquité" est culturelle avant tout, c'est un peu comme la prose pour Monsieur Jourdain, je la vis comme une évidence. Elle est le résultat de mon éducation et de mes fréquentations amicales, familiales, professionnelles et je l'entretiens. Elle ne se traduit pas systématiquement dans ce que j'écris. Un magazine m'a récemment posé cette question : "Pourquoi ne parlez-vous pas des Antilles dans votre roman ?" J'ai d'abord pensé répondre en créole, mais j'aurais été désobligeant. J'ai donc fini par dire que j'étais un homme libre. » Reste que dans Théodore, il est quand même question, brièvement certes, de la Guyane, du bagne de Saint-Laurent et de la frontière avec le Surinam !

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