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Publié par fxg

Patient Vs Migaud

Georges Patient, spécialiste des finances locales au Sénat, a profité de la venue de Didier Migaud, premier président de la Cour des compte, à Cayenne la semaine dernière, à l'occasion de la rentrée solennelle de la chambre régionale des comptes des Antilles-Guyane, pour tordre le cou à certaines idées que l'on se fait à Paris sur la gestion financière des élus d'outre-mer. Interview

"Réduire la prime de vie chère amorcerait une spirale de la pauvreté"

La Cour des comptes n'a pas épargné la gestion des collectivités d'outre-mer dans son dernier rapport annuel. Pourquoi estimez-vous ses critiques injustifiées ?

Ce rapport était d'une charge rare contre les élus d'outre-mer, sans compter que, dans la foulée, le président de la Chambre régionale des Comptes (CRC) des Antilles-Guyane a appelé la population, dans une interview accordée au quotidien France Antilles, à sanctionner les élus en place. Depuis mon arrivée au Sénat, je souligne à chaque débat financier que les villes d’Outre-mer et de Guyane en particulier sont discriminées : dotation superficière, prélèvement sur l’octroi de mer, recensement non exhaustif de la population... C’est seulement lors de la loi Egalité réelle outre-mer qu’ont été prises des mesures venant corriger en partie cette situation.

La Cour reconnaît au moins que nos communes sont pénalisées dans le calcul de leurs dotations de péréquation à hauteur de 50 euros par habitant, soit 135 millions au total...

C'est une avancée majeure ! Beaucoup de communes sont en déficit, mais si elles avaient pu bénéficier des dotations de péréquation à leur juste niveau et des 27 millions d'euros de recettes d'octroi de mer indument transférées au Conseil général, elles ne seraient pas sinistrées. Pourtant, la CRC continue de leur demander des efforts qui seront payés in fine par la population, soit par une pression fiscale plus forte, soit par une réduction des services publics rendus.

Les charges de personnel se montent à 427 euros par habitant en Guyane contre une moyenne de 183 euros en métropole. Pourquoi ?

Ceci est en contradiction avec le constat de la Cour sur l'insuffisance des dotations. Elle jette l'opprobre sur toutes les communes d'outre-mer en disant qu'elles sont trop riches et qu'elles dépensent trop. Saint-Denis, dans le 93, consacre 63% de ses dépenses de fonctionnement aux frais de personnel ! La Cour compare avec l'Hexagone alors que la taille moyenne des communes dans les DOM est de 18 000 habitants contre 900 ! Nos coûts de fonctionnement sont plus élevés et nos défis plus lourds à relever parce que la contrainte sociale et économique est plus forte. Et si nous bénéficions de ressources plus élevées que dans l'Hexagone, c'est du fait de la fiscalité locale indirecte (octroi de mer, taxe sur les carburants) payée par le contribuable ultra-marin qui vient compenser partiellement la faiblesse de la fiscalité directe locale qui est moitié moins élevée que dans l’Hexagone. Il manque clairement des ressources à nos communes !

L'octroi de mer ne devrait-il pas payer l'investissement plutôt que les charges salariales ?

Affecter les recettes de l'octroi de mer au budget d'investissement des communes pour favoriser le développement économique est une fausse bonne idée et même dangereuse eu égard à la situation sociale. Il faut d'abord mettre à niveau les recettes de fonctionnement notamment par une péréquation plus équitable et nos communes pourront dégager des marges d'autofinancement pour l'investissement.

Le préfet critique lui aussi les élus locaux pour ne pas assez consommer les crédits publics. N'est-ce pas contradictoire ?

Le système administratif français et européen est tel que plus une collectivité est en difficulté, moins elle peut mobiliser les aides. Nos communes sont étranglées financièrement avec des délais de paiement énormes (jusqu'à 10 ans !), sans trésorerie et parfois insolvables. Les appels à projets nationaux et européens ne correspondent pas forcément à la satisfaction de leurs besoins immédiats. Quand elles font une demande de subvention elles doivent aussi préfinancer les travaux et payer les fournisseurs dans des délais requis pour être remboursées. Or, quand elles ont des liquidités, elles paieront plutôt les anciens fournisseurs en difficulté et du coup, ne respectant pas les délais, elles perdent leurs subventions ! Sans compter que les procédures mises en œuvre pour les mobiliser visent à en limiter la consommation et in fine préserver le budget de l'Etat. La crise des finances locales conduit logiquement à une sous-consommation des crédits.

M. Migaud est pour la suppression de la sur-rémunération des fonctionnaires. Qu'en pensez-vous ?

La Cour critique la prime de vie chère qui augmente les dépenses salariales des collectivités locales, mais la Cour cible en réalité la prime de vie chère que l'Etat verse à ses propres fonctionnaires pour un montant d'environ un milliard d'euros. Philipe Seguin se demandait pourquoi la réduction des avantages acquis aurait plus de chance de réussir en outre-mer qu'ailleurs ? Puisque l'objectif est de faire des économies, pourquoi ne pas raboter l'ensemble des primes versées aux 2,5 millions de fonctionnaires plutôt que faire supporter une perte de revenus d'un milliard d'euros aux seuls 90 000 fonctionnaires d'outre-mer ? Réduire la prime de vie chère, c'est diminuer le pouvoir d'achat d’un quart des actifs avec un impact sur le tissu économique et les ressources fiscales des collectivités. Ce serait amorcer une spirale de la pauvreté.

Didier Migaud est socialiste comme vous et vous semblez préférer le regard que portait sur les outre-mer son prédécesseur de droite Philippe Seguin, pourquoi ?

Philippe Seguin invitait à engager une réflexion sur ces lauses structurelles (charges de personnel sur laquelle les élus n'ont pas prise, adaptation des dotations de droit commun et prise en compte de la superficie des communes, retard d'équipement et potentiels fiscaux inférieurs), sauf à ce que soit remise en cause la décentralisation dans outre-mer. Didier Migaud considère que les communes ont des ressources suffisantes mais qu'elles doivent actualiser leurs bases cadastrales. Il met le doigt sur des dépenses privilégiant l'emploi public au détriment de l'investissement en estimant que "ces choix de politique communale [sont] difficilement soutenables à terme" et conteste le rôle "d'employeur social" des communes. Mais au-delà du clivage droite-gauche, je crois que les politiques publiques n'étaient alors pas déterminées par un succession de ratios. Peut-être Philippe Seguin était-il davantage familiarisé avec l'outre-mer... C'est pourquoi j'attends beaucoup de la venue du président Migaud en Guyane.

Propos recueillis par FXG, à Paris

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