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Publié par fxg

Léon Léon nègres des AmériquesLeon-Leon.jpg

Après deux tournées en Guyane et les fameuses brigades d’intervention poétique, après 24 représentations au théâtre du verbe incarné à Avignon en juillet dernier, la pièce « Léon, Léon, nègres des Amériques », mise en scène par Valérie Goma, sera en octobre en Martinique et en Guadeloupe avant Haïti.

Valerie-Goma.jpg« Je trouve que c’est une parole extrêmement moderne. Je n’ai rien écrit dans ce texte ! » Valérie Goma fait la modeste et elle a raison puisque le propre d’un metteur en scène est d’insuffler la vie aux mots du poète, à ceux du conteur. Ici, poète et conteur se prénomment tous les deux Léon. L’un est Léon Walter Tillage, fils de paysan nègre de Caroline du Nord aux Etats-Unis, témoin et victime de la ségrégation, l’autre est Léon Damas, poète de la négritude et grand pourfendeur de l’assimilationnisme. « Il y en a un qui parle – et qu’est-ce qu’il parle bien ! – raconte Valérie Goma, parce qu’il a la liberté de parole, l’autre ne parlera que bien plus tard, une fois qu’il aura vécu puis digéré les affres de la ségrégation. » Si l’un use de salves très syncopées, de mots courts mais très efficaces, l’autre avance tout doucement dans son récit de vie.  Effarant. Le génie de la metteuse en scène qui a réuni les mots de ces deux Léon, c’est de nous faire penser que les mots de Damas ont traversé les océans et le temps et qu’il a secrètement entendu ceux de l’autre Léon comme ce dernier a entendu les siens. A l’inverse des fulgurances de Damas, Walter Tillage est un vieux monsieur qui avance lentement. Il explique d’ailleurs dans son récit pourquoi il n’agit pas tout de suite, pourquoi il a attendu quasiment toute sa vie pour nous livrer son témoignage. « Il n’est pas con, s’exclame Valérie Goma, s’il n’a pas parlé avant, c’est parce que ce n’était pas possible ! » Et pourtant, on ressort de ce spectacle avec la sensation que peut-être Walter Tillage et ses frères américains ont avancé beaucoup plus vite que « nos Français qui ont si bien parlé», pour reprendre Valérie Goma. Elle est partie d’une idée toute simple, le centenaire de Léon Damas. Roland-Zeliam.jpg« On avait envie de s’y coller, c’est un incontournable chez nous, Roland  Zéliam surtout… Mais moi, je sentais que pour Roland, il fallait travailler sur un autre personnage, un personnage qui aurait un récit tenu, parce que dire de la poésie, ce n’est pas donné à tout le monde et puis, ce n’est pas théâtral. En revanche pour dire de la poésie, il fallait trouver un artiste qui soit plutôt un musicien, plutôt un slameur, un poète d’aujourd’hui et quelqu’un qui ait comme ça cette écorchure vive qu’a Dgiz, avec une autre question d’identité et peu importe laquelle, mais qu’il puisse intérioriser cette traversée entre plusieurs cultures et toujours le sentiment, hélas, d’être un peu floué. » Sur scène, le duo fonctionne à merveille et autant les mots de Damas nous emportent, autant le récit de Walter Tillage nous terrasse. Avec une question lancinante, le modèle français d’intégration vaut-il mieux que celui des Etats-Unis ?

FXG, à Paris


Trois questions à Dgiz, contrebassiste, slameur et comédien

Dgiz.jpg« Je préfère une petite vérité qui blesse qu’un mensonge qui tue »

Comment êtes-vous entré dans les mots de Léon Gontran Damas ?

Damas est d’actualité et je pense même qu’il était en avance sur son temps. Sa langue est très similaire à l’écriture rap, voire slam, d’aujourd’hui. Il a une manière de ciseler ses textes et de leur donner du souffle, parfois d’une ligne à l’autre. Je respecte ça dans le spectacle, bien sûr. Ces mots ne sont pas d’une autre époque et restent présents dans notre vocabulaire.

Vous avez en commun d’être ou d’avoir été des écorchés vifs…

A une époque de sa vie, il a été un peu plus écorché que les autres et ça correspond peut-être aussi à une période de ma vie. Nous partageons aussi d’être antisystème… Oui, quelque part. Après, c’est à doser ! Il ne faut pas non plus être extrémiste ou radical, fasciste de sa pensée et l’imposer aux autres. Il y a des choses qui me révoltent aussi et j’utilise mon art pour le dire, mais pas comme un pouvoir pour véhiculer des doctrines ou des philosophies, mais plutôt pour questionner, ramener à la réalité des choses et, qu’elle choque ou pas, se demander ce qu’on en fait. En tout cas, on se dit les choses. Il n’y a rien de pire que les non-dits et ces poches de création qu’on essaie d’étouffer avec des choses bien mielleuses, bien pensées à l’avance. Je sais que Damas n’avait pas sa langue dans sa poche et, comme moi, il n’avait pas que des amis, puisque parfois nous disons des petites vérités… Si je me trompe, tant mieux, j’assume. Je préfère une petite vérité qui blesse qu’un mensonge qui tue.

Et comment vous êtes-vous trouvés Roland Zeliam et vous ?

On est des frères ! On est né le même jour. Il m’a trop bien accueilli en Guyane et je lui ai rendu en métropole. C’est une très grand comédien, une figure locale et il m’a appris beaucoup de choses.

Propos recueillis par FXG, à Avignon

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