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Publié par fxg

Annick Girardin le 19 avril 2018

Annick Girardin le 19 avril 2018

INTERVIEW : Annick Girardin, ministre des Outre-mer

"Le gouvernement souhaite donner de la visibilité à la défiscalisation jusqu'à 2030"

Pouvez-vous nous assurer que la réforme des aides économiques n'a pas été l'occasion pour Bercy de donner un coup de rabot dans l'enveloppe globale des 2,5 milliards d'aide ?

Le Premier ministre a souhaité que je conduise cette réforme à périmètre au moins constant, dans le respect bien sûr des contraintes budgétaires. Il y a eu des coups de rabot en 2013, c'est vrai. Mais ici, ce n'est pas vrai ! Il n'y a pas de coup de rabot parce que ce n'est pas l'esprit de la réforme. Et entre nous,  « Bercy », comme vous dites, n’a pas besoin de prétexte pour en faire, c’est sa vocation.
Plaider la cause de l'économie ultramarine dans un contexte budgétaire tendu a-t-il été facile ?

La cause ultramarine, elle se plaide ! Les spécificités, la prise en compte de la différence, ça se plaide avec toujours autant de difficultés. Les débats budgétaires n’ont jamais été faciles. J'ai été quatre ans ministre et je peux vous le confirmer, et les anciens ministres des outre-mer peuvent en témoigner. Le gouvernement dans son ensemble est intéressé à la question des Outre-mer et le président de la République a voulu les assises pour co-construire avec les territoires des réponses plus adaptées. Ca ne veut pas dire pour autant que nous aurons un budget illimité ! Ca veut dire que lorsque l'on a des propositions sérieuses, au service des territoires et de leurs transformations, alors on trouve des alliés dans le gouvernement ! C’est l’écosystème économique que nous réformons. Ces aides sont indispensables aux entreprises de nos territoires. Nous devons les adapter, en créer de nouvelles, mais surtout sécuriser dans le temps, c'est que nous demandent les entreprises.

La Lodeom a-t-elle vocation à être remplacée ?

Oui et non ! Oui car je souhaite renouveler et prolonger ses outils. Non car à ce stade je ne pense pas qu'une grande loi de programmation soit utile. Tout peut se passer en loi de finances même si beaucoup de parlementaires préfèreraient une loi type LODEOM2. Mais dans tous les cas, c'est la loi de finance qui va clore le débat !

Au niveau des aides à l'investissement, qu'en est-il de la future défiscalisation et de sa lisibilité dans le temps ?

La défiscalisation est une aide d'Etat pour une période donnée. La période actuelle prend fin en 2020. Il n'est pas évident que l'on puisse inscrire les choses dans un temps beaucoup plus long, mais tout le monde au gouvernement souhaite donner de la visibilité à ce dispositif. Moi qui suis très attachée à l'accord de Paris et aux 17 objectifs de développement durables qui ont pour échéance 2025 et 2030, j’aimerai caler ces réformes sur ces deux grands rendez-vous, qu’on puisse s’inscrire dans ce même temps.

La TVANPR est-elle suprimée, si oui sera-t-elle remplacée ?

La TVA NPR a été initiée en 1953. Le dispositif a été retravaillé depuis, mais je crois que nous devons nous interroger sur son efficacité. C'est un outil dont les montants restent stables d'année en année dans les documents budgétaires, c'est 100 millions... Il faut réactiver cette dépense et créer un nouvel outil plus dynamique et qui soutienne les entreprises dans le développement, l'ingénierie et le financement. Le montant sera équivalent et le dispositif à la hauteur des besoins. Ce nouvel outil sera en outre accessible à la Guyane et à Mayotte qui était exclue de la TVA NPR.

Quels seront les contours du futur fonds d'investissement d'Etat ? Comment les entreprises ultramarines pourront-elles y prétendre ?

Des territoires ont déjà des fonds d'investissement, je ne sais pas si nous devons en faire un directement à la main de l’État. Ce qui est sûr, c'est que la palette d'outils ne permet pas d'intervenir au capital des entreprises, c'est pourtant essentiel. Nous devons construire avec les acteurs économiques des partenariats de développement sous forme de subventions, de garanties bancaires ou de capitalisation. Il n' y a pas d'un côté l'Etat, de l'autre les entreprises, il faut une communauté de destin entre les entreprises et les territoires, c'est essentiel pour donner un élan économique, créer de la valeur et donc de l'emploi. Le fond d'investissement ou tout autre moyen d'intervention au capital est un bon moyen de répondre à cet enjeu.

L'aide au fret est-elle maintenue ?

Il y a deux aides au fret, l'aide au fret portée par les fonds européens, qui continue à fonctionner, et l'aide au fret de l’État réactivée par la loi EROM. 5M€ sont budgétisés sur cette ligne, et nous n'avons pas l'intention de le remettre en cause.

Comment a été arrêté le montant définitif du CICE et par quoi va-il être remplacé ?

Le CICE a été apprécié par les services fiscaux qui se sont appuyés sur les déclarations des entreprises, ce sont des vrais chiffres, pas des estimations. Je sais la polémique sur l'écart présumé entre le montant exigé et le montant exigible, je l'entends. Le CICE sera aussi supprimé dans l’Hexagone : il a été pensé ainsi. Rien ne justifie que nous ayons un écart de méthode. Je crois que nos chiffres en projection pour 2019 convergent avec ceux des socioprofessionnels, je suis sûre de pouvoir les rassurer sur ce point dès que nous annoncerons les sommes...

Environ ?

Un peu plus de 500 millions d'euros.

Qu'en sera-t-il des exonérations de charges sociales ?
Il y a aujourd'hui huit dispositifs d’exonération de charges, c'est assez peu clair et assez peu lisible. En y réinjectant le CICE, se sont près de 1,8 milliard qui sont dévolus à la baisse du coût du travail en outre mer. L'effort est considérable quand on le compare à la masse salariale globale outre-mer qui est de 8,6 Md€, soit 20 %. Nous souhaitons des dispositifs plus clairs tout en maximisant l'efficacité de ces mesures sur la compétitivité des entreprises et l'emploi.  Nous finalisons nos propositions avant d'échanger avec les parlementaires et les socioprofessionnels, permettez moi de leur réserver la primeur de nos propositions.

Que deviennent les dispositifs zonés (ZFA, ZFU, ZRR) ?
Même réponse. Nous finalisons nos travaux de co-construction et je réserve mes réponses. Je peux dire que les dispositifs zonés doivent permettre aux territoires d'être attractifs pour les investissements extérieurs, mais également permettre d'encourager des activités nouvelles, notamment vers l'export. Sur le fond, mon avis est que le zonage sur des tous petits territoires n’a pas grand sens et qu'il faut une mesure qui concerne l'ensemble du territoire. 

Les professionnels et les parlementaires réclament le rétablissement de de l'APL Accession. Quelle est la position du ministère sur ce dossier ?

A la demande des parlementaires, nous avons établi un diagnostic précis des ménages concernés (environ 1350 sur l'ensemble des outre-mer, 376 à la Réunion). Le gouvernement présentera prochainement ses décisions pour prendre en compte et traiter au mieux les opérations en cours. A plus long terme, je proposerai des solutions innovantes pour repenser les parcours résidentiels avec les collectivités, dans un projet plus global de relance du plan logement outre-mer.

Vos prédécesseurs et anciens collègues au gouvernement précédent, Victorin Lurel et Ericka Bareigts vous ont dans leur ligne de mire, Comment vivez-vous leurs attaques vives et régulières ?

J’ai accueilli Ericka à son arrivée à l’Assemblée et elle a été ma collègue au gouvernement pendant un an. J'ai siégé de nombreuses années aux côtés de Victorin Lurel à l'Assemblée. Quand je suis entrée dans le gouvernement de François Hollande, Victorin Lurel en sortait. Il a été très impliqué sur de nombreux dossiers sur lesquels nous nous sommes retrouvés. Ericka Bareigts partage ma vision ambitieuse de la France océanique. Son engagement sans faille pour les outre mer est une chance pour nos territoires et la représentation nationale. Elle est investie à 100% pour les outre-mer. Je travaille avec tous les élus, d’autant plus quand ils ont été ministre des outre-mer et qu’ils ont un regard et une expérience à partager. Avec Ericka Bareigts et Victorin Lurel, on est des insulaires. On peut avoir le sang chaud, mais l’intérêt de nos territoires prévaut toujours.

 

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