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Publié par fxg

Audition de la Martinique dans le dossier chlordécone

La « légitimité d’un peuple empoisonné » entendue à Paris

Brigitte Jolivet et Fanny Bussac, les deux juges d’instruction du pôle santé du tribunal judiciaire de Paris en charge de la plainte pour empoisonnement au chlordécone ont reçu jeudi à 11 heures Me Alex Ursulet, partie civile au nom de la Collectivité territoriale de Martinique.

L'audition de l’acocat de la CTM a duré quelque 45 minutes hier. Les 15 premières minutes ont été un peu tendues, nous a indiqué Me Ursulet à l’issue de la rencontre. En effet, s’est installé un rapport de force incompréhensible pour l’avocat : face aux deux magistrates, d'abord raides comme la justice, maître Ursulet a commencé par leur parler des Martiniquais comme un peuple résilient qui avait connu beaucoup d’horreurs dans son histoire, mais que celle-ci qui touchait à leur santé, était encore une humiliation, tout comme le traitement judiciaire de cette plainte, et que celle-ci était la goutte d’eau qui faisait débordait le vase. Alors qu’il défendait l’identité martiniquaise et demandait qu’on cesse les stigmatisations méprisantes, notamment sur les critiques émises depuis l’Hexagone, dont font preuve les Martiniquais quant à leur réticence vis-à-vis de la vaccination, et alors qu’il exposait le lien entre cette attitude et l’usage autorisé en toute connaissance de cause de la toxicité du chlordécone pour l’homme et l’environnement, une des magistrates lui aurait déclaré : « Il n’y a pas de défense dans ce dossier, maître. » « Ca m’a mis dans une colère froide, a commenté Me Ursulet qui parlait de la défense des parties civiles. Il a pointé du doigt le problème dans ce dossier : « Il n’y a pas de défense. Il y a deux juges d’instruction, un procureur de la République, quinze ans d’instruction, de nombreuses parties civiles, un poison qui a fait des milliers de victimes… Il n’y a pas de défense, parce qu’il n’y a pas de prévenus, pas de coupables, pas de responsables, alors même que ce sont des ministres de la République qui ont accordé les dérogations qui ont prolongé le malheur. Cerise sur le gâteau, les planteurs qui ont importé, acheté et confié le chlordécone à leurs ouvriers agricoles, se sont eux aussi constitués partie civile… » Visiblement conscientes de cet étrange état de fait, les magistrates se sont alors montrées plus à l’écoute. Elles ont d’abord accepté le principe de recevoir le président Serge Létchimy, déjà entendu comme président de la commission d’enquête, cette fois en sa qualité de président de la Collectivité. Elles ont même émis un avis favorable à la proposition de Me Ursulet de se transporter en Martinique. « L’instruction ne peut se faire éternellement les yeux rivés sur le code pénal, dans les murs du palais de justice de Paris, véritable bunker aseptisé, loin des victimes, des sols et des eaux contaminés de la Martinique et de la Guadeloupe, a-t-il conclu. L’intervention de l’avocat s’est volontairement située dans le prisme compris entre la légitimité d’un peuple blessé et l’irresponsabilité de l’Etat qui non seulement a autorisé le poison, mais en plus a laissé pourrir la plainte.

Me Ursulet qui semblait inquiet avant l’audition semblait rasséréné à l’issue de celle-ci : « Si tant qu’il y ait un peu d’humanité dans cette machine, a-t-il déclaré, la suite des événements devraient être plus respectueuse de cette blessure sacrée qu’habitent les Martiniquais. »

FXG

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