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Publié par fxg

Caroline Méjean, chercheuse à l'INRA

Caroline Méjean, chercheuse à l'INRA

La transition nutritionnelle aux Antilles-Guyane

Un séminaire dédié à l’apport des travaux d’évaluation, de prospective et de recherche, sur le thème de la nutrition-santé dans les Outre-mer s’est tenu au ministère des Outre-mer à l’occasion de la journée mondiale de l’alimentation. Caroline Méjean, chercheuse à l’INRA de Montpellier, a coordonné une étude sur l’état nutritionnel et l’alimentation des populations dans les DROM. Elle s’est particulièrement intéressée à la transition nutritionnelle aux Antilles entre 2007 et 2022.

Depuis 2000, l’état nutritionnel des Antillais s’est dégradé avec une augmentation du nombre de personnes en surpoids, diabétiques et hypertendus.  Les données de l’enquête Podium en 2008 montrent que la prévalence de l'hypertension artérielle été de 18 % en Guyane, 27,6 en Martinique et 29,2 en Guadeloupe. Parmi les autres pathologies, l'enquête a montré que 39% des Guadeloupéens adultes 42% des Martiniquais souffraient d'hypertension artérielle en 2013.

Les populations les plus exposées au risque nutritionnel sont les jeunes de moins de 30 ans. Ils ont un régime de faible qualité nutritionnelle avec une part élevée d’aliments ultra-transformés, une forte fréquence de prises hors des trois repas principaux quotidiens, une forte exposition et des préférences sensorielles pour le gras et le sucré. Les femmes de catégories sociales défavorisées sont également des personnes à risque. Les écarts de prévalences entre classes sociales sont de 12 à 20 points.

Merci les importateurs !

La moitié de la population mange sainement. 50 % d’entre elle, en majorité des personnes âgées, a un régime antillais traditionnel sain. 31 % ont un régime dit « moderne » de faible qualité nutritionnelle, et 20%, des jeunes essentiellement, ont un régime dit de transition de qualité moyenne.

Il apparaît que si la part des dépenses alimentaires dans le revenu des ménages est plus importante chez nous que dans l’Hexagone, la structure des prix ne rend pas nécessairement plus couteux un régime de meilleure qualité nutritionnelle. Pour un régime de basse qualité, on dépensera dans nos territoires un minimum moyen de 7,71 euros par jour contre 6,24 pour un régime de bonne qualité. Malgré la loi Lurel, les produits offerts à la consommation restent plus sucrés aux Antilles qu’en France hexagonale. Les boissons sucrées, le jus et nectars ainsi que les biscuits et les gâteaux sont plus sucrés de l’ordre de 3 à 5 %. Pour les produits laitiers sucrés, cet écart est de 13 %. Les produits fabriqués localement sont également plus sucrés que ceux qui sont importés. On observe par ailleurs que la teneur en sucre est associée à un prix plus élevé.

L’évolution de la santé de la population s’est faite parallèlement à un changement profond de modèle et de régime alimentaire. L’augmentation des importations et l’extension de la grande distribution ont conduit à introduire dans l’alimentation plus de protéines animales, des acides gras, saturés et sucrés, des produits salés. Cette transition nutritionnelle s’observe également dans l’Hexagone, mais elle est bien plus rapide aux Antilles

FXG

Les risques nutritionnels en chiffres

En Martinique plus de la moitié de la population adulte est en surcharge pondérale dont 33% en surpoids et 20% en obésité avec pour l'obésité près de deux fois plus de femmes concernées : 26% des femmes contre 14% d'hommes. Les prévalences ont augmenté en une décennie comme l'indique l'enquête Kanari en 2013 avec une progression de 8 points pour l'obésité. Chez les adultes de 16 ans et plus la surcharge pondérale touche 52% des hommes contre 64% des femmes.

Chez les enfants, 35% sont en surcharge pondérale et près de 10% obèses.

D'après l'enquête Kanari, en Guadeloupe on observe une surcharge pondérale chez plus de la moitié des individus de 16 ans et plus (57%). Elle augmente avec l'âge : la prévalence varie de 25% chez les adultes âgés de 16 à 24 ans à 75% chez les personnes de 65 ans ou plus.

Les femmes sont davantage touchées que les hommes par l'obésité avec plus du double de femmes concernées : 31% de femmes contre 12% d'hommes.

Pour la population infantile, la prévalence globale de l'obésité et du surpoids atteinit 22% des enfants de 5 à 14 ans.

En Guyane il existe très peu d'études sur la situation pondérale de la population. Les données disponibles sont anciennes. La prévalence de surcharge pondérale chez les enfants touche 18% des 5-14 ans d'après l’enquête Podium en 2008 et 19% des 7-11 ans selon l'étude Nutriel en 2009-2010. Tout comme dans les autres DROM, l'obésité touchée en 2008 plus fortement les femmes que les hommes : 23% contre 13%

Le goût de l’espoir

Parmi les changements récents, il faut souligner la montée de consommation des produits issus de l'agriculture biologique. En Guadeloupe cette consommation concerne spécialement les consommateurs d'un niveau social élevé. Ils sont près de deux fois plus nombreux que ceux à revenu plus faible à se tourner vers le bio. Parallèlement, la consommation d'aliments locaux connaît un réel engouement qui s'explique pour une majorité de Guadeloupéens par les bénéfices attendus pour la santé, le soutien de la filière locale et la valorisation de la tradition.

L’appétence de la population martiniquaise pour les produits biologiques trouve son origine dans la volonté de traçabilité face aux pollutions par pesticides mais aussi dans l'envie de préservation environnementale, des bénéfices pour la santé et d'une qualité gustative des produits. A côté de cette tendance, les jeunes martiniquais consomment beaucoup de viande de poisson sucre et alcoolisées de produits tout près éloignés des pratiques traditionnelles.

Que peut l’agriculture locale ?

L’autonomie alimentaire est au cœur du discours présidentiel depuis qu’Emmanuel Macron l’a promise à la Réunion pour 2030. Il s’agit d’aller vers des modes de production conformes aux attentes des populations avec des produits innovants et de qualité. Le 5 novembre 2020, les ministres des Outre-mer et de l’Agriculture ont réuni les comités de transformation agricole, puis les préfets ont piloté les comités de transformation locaux. La synthèse de leurs travaux a été présentée en juin 2021.

Pour les fruits et légumes, l’autonomie est déjà sur plusieurs productions en Guyane et à Mayotte, 75 % à la Réunion et seulement 20 à 50 % aux Antilles. Pour ce qui est des protéines. Les territoires sont autonomes à 100 % pour les œufs. Pour la viande, la Réunion est autonome à 40 %, la Guyane de 5 à 25 %, les Antilles de 10 à 30 % et Mayotte de 1 à 10 %. On observe toutefois que tous les territoires sont dépendants des importations pour l’alimentation animale.

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