Le 11 septembre, vingt ans après

Vient de paraître chez Idem éditions, Vingt ans après le 9/11, sous la direction de Suzanne Dracius. Interview.

« J’ai demandé à chacun d’évoquer l'impact colossal de ce jour funeste sur nos vies et sur le monde »

Quels sont les auteurs que vous avez convoqués pour évoquer cet anniversaire ?

Cet ouvrage collectif bilingue français-anglais, est à la fois un essai politico-philosophique, à la fois un recueil de nouvelles et anthologie poétique. Toutes et tous des amis de mon choix, parmi lesquels mes traductrices et traducteurs, réunis par mes soins dans ce livre, nous sommes douze. Il n’y a pas de coïncidences, que des correspondances – autocitation de Rue Monte au ciel. Sans nous prendre pour des apôtres ni que ce soit parole d’Evangile « bonne nouvelle », nous apportons, en mode contemporain, de bonnes nouvelles, contre vents et virus, en cette macabre mascarade ! J’ai demandé à chacun d’évoquer l'impact colossal de ce jour funeste sur nos vies et sur le monde. Dragan Kujundžić, professeur d'études juives à l'Université de Floride, revient sur les analyses de Derrida qui font du régime de Bush le principal bénéficiaire financier et politique du 11 septembre, le New-yorkais Thomas Spear décrit les « Métamorphoses à Manhattan ». La Caribéenne Émeline Pierre présente une analogie entre un confinement qui ne disait pas son nom, au lendemain du 9/11, et celui de mars 2020 avec la pandémie. L’universitaire américain Adlai Murdoch, originaire d’Antigua, analyse l’extraordinaire succès international du groupe antillais Kassav, et la Martiniquaise Muriel Wiltord, qui vit à New York depuis des décennies, livre son témoignage bouleversant d’où émerge la chanson créole « Lévé lévé lévé »…

L’impact des 20 ans du 11 septembre est-il aussi prégnant aux Antilles qu’en Afghanistan ?

Hormis l’héritage du 11 septembre, vécu jusqu’à présent par chaque voyageur qui prend l’avion, à travers la sécurité renforcée lors de chaque embarquement, le drame vécu par la population afghane, dont les premières victimes sont et seront les femmes, vient ponctuer de manière saisissante ce terrifique anniversaire. Aujourd’hui comme en 2018 dans le recueil Scripta Manent je clame mon engagement féministe, notamment dans mon poème « Sentir le vent dans sa chevelure » : « Au nez et à la barbe barbare des obsédés et obscurantistes de tout poil. Pas un lamento, un irréfragable mémento pérenne, incantatoire, propitiatoire : elle a le droit d’aller à l’école, de ne pas avoir les doigts tranchés par son mari, seigneur et maître, pour l’empêcher de continuer à étudier ». La phrase de Fanon dans les Damnés de la terre prend tout son sens : « Nous ne sommes rien sur terre, si nous ne sommes pas d’abord l’esclave d’une cause, celle des peuples et celle de la justice et de la liberté ».

Finalement le XX^e siècle a-t-il pris fin à cette date du 11 septembre 2001 ?

Peut-être, en quelque sorte, mutatis mutandis, le XXI^e siècle a-t-il commencé là ? Ces attentats ont durablement modifié les relations géopolitiques, le rapport entre l’Orient et l’Occident… Surveiller et punir, comme l’énonce Michel Foucault… Ces vingt dernières années ont été le bilan de la lutte des États-Unis contre le terrorisme, idéologie mortifère, intimidation qui a généré une confusion totale, prôné la rhétorique de la guerre contre le terrorisme islamiste où l’on est contraint de noter au passage qu’elle a surtout donné lieu à l’enrichissement du lobby des armes, mais aussi une redistribution des données stratégiques… Vu la doxa, peut-on parler de choc des civilisations ? Nos démocraties occidentales vont-elles vaciller ? « Nous avançons de pied ferme, malgré les guerres, les séismes et les eaux de la mer qui montent. Prenons une pause pour admirer la vue, pour honorer les morts et pour respirer. Ce n’est pas demain que tout le monde va pouvoir breathe free. Il faut qu’on se parle, Lady Liberty ».

Propos recueillis par FXG

#fxgpariscaraibe