Astéix en créole réunionnais
Après Gran Kannal la, l'Astérix en créole guadeloupéen ET martiniquais, Caraïbéditions sort La kaz Razade, version réunionaise de Astérix chez Razade. Interview avec Albert Uderzo à son domicile de Neuilly sur Seine
Photos Hervé Pruvost
« Traduire Astérix est peut-être plus difficile que de traduire Victor Hugo »
Après Astérix en créole antillais, vous nous offrez Astérix en créole réunionnais…
Je ne voulais pas provoquer une guerre d’îles ! (rires…) Je ne savais pas qu’il existait différents créoles d’une île à l’autre, c’est assez étonnant ! J’ai un fils qui parle 107 langues maintenant et moi j’en parle à peine une… C’est un peu décourageant ! Heureusement que j’arrive à me faire comprendre par le dessin. C’est universel.
Pourquoi avoir traduit cet album particulièrement ?
Je ne suis pas apte à savoir ce qui pourrait le mieux s’adapter dans une langue ou un dialecte, c’est à celui qui décide de faire la traduction et l’édition de choisir l’album. Il y en a 33, un sacré choix ! Là, ca aurait pu être un dialecte indien vu que ça se passe aux Indes.
C’est la 111e langue ou dialecte adaptée à votre personnage.
Je suis vraiment très fier et très honoré qu’on essaie d’adapter dans des pays aussi lointains notre personnage qui n’a pas du tout été fait pour ça au départ. Maintenant, c’est différent de voir écrite une langue que je croyais connaître. En Martinique et en Guadeloupe, je comprenais tout le monde. Donc, il me semblait que le créole était facile à lire et je me suis rendu compte qu’il y avait quelques petites différences. On comprendrait peut-être mieux si c’était écrit phonétiquement…
Cette version créole est déjà recherchée par les collectionneurs… Qu’est-ce que ça vous inspire ?
Nous sommes dans une époque très collector. Tout devient matière à collection. A mon époque, il y avait des gens qui collectionnaient des boîtes de fromages… La bande dessinée a attiré des sympathisants et nous sommes partis dans un domaine qui n’était pas du tout ce que nous recherchions. On était loin de se douter qu’un jour, on achèterait un album très cher parce que plus rare qu’un autre. C’est ce qui s’est passé avec le premier album d’Astérix qui est sorti en 1961. L’éditeur n’y croyait pas tellement et il est sorti à 6000 exemplaires. Donc, ça a fait monter la côte de l’album. Moi-même, je n’en avais pas gardé et mes collaborateurs ont eu la gentillesse de se cotiser pour m’en offrir un.
Quel est le cahier des charges que vous exigez lorsqu’il y a une traduction ?
En général, lorsque l’on a fait traduire dans la langue choisie, on refait une traduction en français pour voir si le résultat n’est pas trop proche de l’original en français. Si c’est trop près, ça ne vaut pas. Moi-même quand j’ai mis le nez sur la traduction, je n’ai pas compris grand chose. Donc j’imagine qu’il doit y avoir à chaque fois une adaptation pour faire en sorte que les lecteurs de chaque pays puissent au moins s’amuser quand il y a des jeux de mot. Si c’est trop près d’un jeu de mot français, ça ne veut plus rien dire… D’où la nécessité, pour le traducteur, de faire un travail d’adaptation. Traduire Astérix est peut-être plus difficile que de traduire du Victor Hugo !
Y a t-il eu des traductions refusées ?
Non, jamais. Mais nous avons toujours essayé d’être apolitique et d’éviter les rencontres possibles avec les indépendantistes. Jamais les Corses n’ont voulu se servir d’Astérix. Comme on sait que ce sont les plus virulents… Je les aime bien ! Ils ont du caractère, comme les Basques... Mais il n’y a jamais eu de problème de ce côté-là.L’Amérique résiste encore et toujours à Astérix…
Pour la bande dessinée française, l’Amérique a toujours été un problème. Comme les Japonais également. Impossible de pénétrer leur territoire. On a fait une tentative avec un Américain qui dirigeait un syndicat. Il avait entendu parler du succès d’Astérix en Europe et nous demandé de lui faire des traductions. Mais les bandes qui passent dans les revues américaines sont beaucoup plus petites et larges. Un dessinateur devait rajouter du décor sur les côtés et à l’intérieur de l’image, tout ce qu’il y avait était infiniment petit… Les dialogues étaient illisibles. En Amérique, les dialogues sont brefs. Un épisode est sorti et puis l’Américain est venu nous dire : « On est désolé, ça n’a pas marché… Par contre si vous venez aux Etats-Unis, peut-être ça marchera bien. » Gosciny qui avait longtemps vécu là-bas ¬— il avait un peu souffert dans ce pays — a dit : « On est très bien chez nous. » D’ailleurs vous savez, les Américains ne savent pas ce que c’est qu’un Gaulois. Pour eux, c’est un Viking ! Et si avec cet indicatif, je peux faire mieux connaître ce qu’étaient nos ancêtres, pourquoi pas… Je parle de mes ancêtres alors que moi je suis d’origine italienne ! Mal placé pour parler des Romains… On est tous frères.
Vous dessinez toujours ?Ah ! Toujours. C’est une vieille maladie qui ne me quitte pas. Je n’ai pas beaucoup de temps pour le moment parce que je suis très occupé. Nous préparons pour l’année prochaine, je ne sais si c’est un scoop, quelque chose pour le cinquantième anniversaire du personnage puisqu’il est né le 26 octobre 1959. L’an prochain, il aura un demi-siècle. J’en suis très heureux mais ça ne me rajeunit pas.
C’est un nouvel album ?
Oui, un album qui va parler d’un tas de choses historiques. Je peux pas vous dire exactement ce qu’on va y mettre parce que c’est quelque chose que le lecteur pourra découvrir et, j’espère, appréciera. Je ne travaille pas seul là-dedans. J’ai des collaborateurs qui s’occupent beaucoup de ça… Ben, vous verrez !
Photos Hervé Pruvost
« Traduire Astérix est peut-être plus difficile que de traduire Victor Hugo »
Après Astérix en créole antillais, vous nous offrez Astérix en créole réunionnais…
Je ne voulais pas provoquer une guerre d’îles ! (rires…) Je ne savais pas qu’il existait différents créoles d’une île à l’autre, c’est assez étonnant ! J’ai un fils qui parle 107 langues maintenant et moi j’en parle à peine une… C’est un peu décourageant ! Heureusement que j’arrive à me faire comprendre par le dessin. C’est universel.
Pourquoi avoir traduit cet album particulièrement ?
Je ne suis pas apte à savoir ce qui pourrait le mieux s’adapter dans une langue ou un dialecte, c’est à celui qui décide de faire la traduction et l’édition de choisir l’album. Il y en a 33, un sacré choix ! Là, ca aurait pu être un dialecte indien vu que ça se passe aux Indes.
C’est la 111e langue ou dialecte adaptée à votre personnage.
Je suis vraiment très fier et très honoré qu’on essaie d’adapter dans des pays aussi lointains notre personnage qui n’a pas du tout été fait pour ça au départ. Maintenant, c’est différent de voir écrite une langue que je croyais connaître. En Martinique et en Guadeloupe, je comprenais tout le monde. Donc, il me semblait que le créole était facile à lire et je me suis rendu compte qu’il y avait quelques petites différences. On comprendrait peut-être mieux si c’était écrit phonétiquement…
Cette version créole est déjà recherchée par les collectionneurs… Qu’est-ce que ça vous inspire ?
Nous sommes dans une époque très collector. Tout devient matière à collection. A mon époque, il y avait des gens qui collectionnaient des boîtes de fromages… La bande dessinée a attiré des sympathisants et nous sommes partis dans un domaine qui n’était pas du tout ce que nous recherchions. On était loin de se douter qu’un jour, on achèterait un album très cher parce que plus rare qu’un autre. C’est ce qui s’est passé avec le premier album d’Astérix qui est sorti en 1961. L’éditeur n’y croyait pas tellement et il est sorti à 6000 exemplaires. Donc, ça a fait monter la côte de l’album. Moi-même, je n’en avais pas gardé et mes collaborateurs ont eu la gentillesse de se cotiser pour m’en offrir un.
Quel est le cahier des charges que vous exigez lorsqu’il y a une traduction ?
En général, lorsque l’on a fait traduire dans la langue choisie, on refait une traduction en français pour voir si le résultat n’est pas trop proche de l’original en français. Si c’est trop près, ça ne vaut pas. Moi-même quand j’ai mis le nez sur la traduction, je n’ai pas compris grand chose. Donc j’imagine qu’il doit y avoir à chaque fois une adaptation pour faire en sorte que les lecteurs de chaque pays puissent au moins s’amuser quand il y a des jeux de mot. Si c’est trop près d’un jeu de mot français, ça ne veut plus rien dire… D’où la nécessité, pour le traducteur, de faire un travail d’adaptation. Traduire Astérix est peut-être plus difficile que de traduire du Victor Hugo !
Y a t-il eu des traductions refusées ?
Non, jamais. Mais nous avons toujours essayé d’être apolitique et d’éviter les rencontres possibles avec les indépendantistes. Jamais les Corses n’ont voulu se servir d’Astérix. Comme on sait que ce sont les plus virulents… Je les aime bien ! Ils ont du caractère, comme les Basques... Mais il n’y a jamais eu de problème de ce côté-là.L’Amérique résiste encore et toujours à Astérix…
Pour la bande dessinée française, l’Amérique a toujours été un problème. Comme les Japonais également. Impossible de pénétrer leur territoire. On a fait une tentative avec un Américain qui dirigeait un syndicat. Il avait entendu parler du succès d’Astérix en Europe et nous demandé de lui faire des traductions. Mais les bandes qui passent dans les revues américaines sont beaucoup plus petites et larges. Un dessinateur devait rajouter du décor sur les côtés et à l’intérieur de l’image, tout ce qu’il y avait était infiniment petit… Les dialogues étaient illisibles. En Amérique, les dialogues sont brefs. Un épisode est sorti et puis l’Américain est venu nous dire : « On est désolé, ça n’a pas marché… Par contre si vous venez aux Etats-Unis, peut-être ça marchera bien. » Gosciny qui avait longtemps vécu là-bas ¬— il avait un peu souffert dans ce pays — a dit : « On est très bien chez nous. » D’ailleurs vous savez, les Américains ne savent pas ce que c’est qu’un Gaulois. Pour eux, c’est un Viking ! Et si avec cet indicatif, je peux faire mieux connaître ce qu’étaient nos ancêtres, pourquoi pas… Je parle de mes ancêtres alors que moi je suis d’origine italienne ! Mal placé pour parler des Romains… On est tous frères.
Vous dessinez toujours ?Ah ! Toujours. C’est une vieille maladie qui ne me quitte pas. Je n’ai pas beaucoup de temps pour le moment parce que je suis très occupé. Nous préparons pour l’année prochaine, je ne sais si c’est un scoop, quelque chose pour le cinquantième anniversaire du personnage puisqu’il est né le 26 octobre 1959. L’an prochain, il aura un demi-siècle. J’en suis très heureux mais ça ne me rajeunit pas.
C’est un nouvel album ?
Oui, un album qui va parler d’un tas de choses historiques. Je peux pas vous dire exactement ce qu’on va y mettre parce que c’est quelque chose que le lecteur pourra découvrir et, j’espère, appréciera. Je ne travaille pas seul là-dedans. J’ai des collaborateurs qui s’occupent beaucoup de ça… Ben, vous verrez !