Interview George Pau-Langevin, ministre déléguée à la Réussite éducative
ITW George Pau-Langevin, ministre de la Réussite éducative et candidate PS aux législatives dans le XXe arrondissement de Paris
« L’égalité des moyens n’est pas au rendez-vous, à plus forte raison en outre-mer »
Votre rôle de ministre déléguée auprès de Vincent Peillon à l’Education nationale est-il déjà défini ou bien faut-il attendre l’issue des élections législatives ?
Déjà les législatives sont essentielles pour être confirmé dans le poste puisque Jean-Marc Ayrault nous l’a dit. Par conséquent il est clair que si malheureusement je n’étais pas réélue, ce serait une aventure qui prendrait fin. Pour ce qui est de mes fonctions, nous en avons discuté déjà avec Vincent Peillon. L’avantage est que je le connais depuis longtemps et je peux dire que nous sommes en bonne intelligence. Ce qu’il souhaite est que je sois associée à l’essentiel de ce qui se fait dans ce ministère à commencer par la réforme des rythmes scolaires. Il est clair que les rythmes scolaires sont aujourd’hui un des facteurs d’inégalité. Il m’a demandé de m’appesantir davantage sur les questions d’orientation et les dispositifs prioritaires. Dans les quartiers comme les zones d’éducation prioritaires, on a un certain nombre de dispositifs pour la réussite éducative. Il faut faire le bilan de ce qui a été fait, voir ce qui marche et ce qui ne marche pas…
Par exemple ?
La droite a voulu faire des choses comme les internats d’excellence et là, il faut qu’on voit si véritablement les internats d’excellence sont une chose à faire. C’est relativement cher et ça s’adresse à un nombre très limité d’enfants. On va donc faire le bilan de ce qui existe en matière de réussite éducative, ensuite on verra comment les corriger, soit d’une manière profonde, soit à la marge. Il y a aussi la question des moyens qui sont notamment insuffisants dans beaucoup de départements d’outre-mer comme Mayotte ou la Guyane. Une des parties de mon action est de veiller à ce qu’il y ait davantage d’égalité dans la répartition des moyens. Déjà, sur nos quartiers populaires dans l’Hexagone, nous avons le sentiment que l’égalité n’est pas au rendez-vous, à plus forte raison si on va en outre-mer. Pour l’essentiel, mon sujet sera d’avoir un regard particulier, à travers tous les dispositifs qui existent, non pas sur ceux qui réussissent mais sur les enfants pour qui la réussite n’est pas au rendez-vous et qui parfois ont le sentiment que l’école ne les traite pas à égalité.
Comment vos proches, votre famille en Guadeloupe, ont vécu votre nomination ?
Pour les Guadeloupéens qui me soutiennent depuis très longtemps, à chaque fois qu’un nouveau gouvernement arrivait, ils disaient toujours que j’allais être ministre. Je me disais que cette fois-ci, ils allaient encore être déçus… Mais cette fois a été la bonne ! J’ai reçu beaucoup d’appels, de messages. Je crois vraiment que comme pour la plupart des Guadeloupéens et même des ultramarins qui m’ont soutenue, ça a été vécu vraiment de manière positive.
Comment avez-vous été prévenue de cette nomination ?
Dans l’après-midi précédant l’annonce de la formation du gouvernement, Jean-Marc Ayrault m’a téléphoné. On dit que tout le monde avait son portable ouvert au cas où, le mien était fermé… Donc, il m’a laissé un message à 15 heures et ce n’est qu’à 16 heures, en écoutant mon téléphone, que je me suis rendu compte qu’il m’avait appelée. Evidemment, en une heure de temps, la place aurait pu être prise… (Rires…) Je me suis dit que j’aurais été la seule qui aurait loupé l’appel pour devenir ministre ! Finalement, je l’ai rappelé et il m’a dit qu’il avait pensé à moi pour ça, mais d’attendre pour le dire pour que l’annonce soit faite officiellement.
Victorin lurel avait tapé du poing sur la table pour que vous décrochiez l’investiture aux législatives de juin 2007. Avez-vous le sentiment que le PS est sorti de cette période d’hésitation, tergiversation vis-à-vis de la diversité ?
Il y a cinq ans, notre démarche avait parfois été mal comprise. Aujourd’hui, tout le monde a bien compris qu’il ne s’agissait pas de communautarisme mais que, au contraire, par notre démarche, nous voulions que le pacte républicain soit respecté et honoré. Aujourd’hui, même les gens du PS qui nous avaient beaucoup critiqué, il y a cinq ans, ont repris la démarche à leur compte et veulent faire en sorte que la diversité soit présente à tous les niveaux. Quand on mène des batailles pour des principes, il est toujours très heureux de voir que les idées progressent au fur et à mesure.
Face à vous, dans le XXe arrondissement, l’UMP envoie une candidate martiniquaise, Nathalie Fanfant. Comment analysez-vous la chose ?
Je pense que l’UMP a du uniquement voir l’apparence, se dire que dans ce quartier de Paris, les gens votaient pour une Antillaise, cheveux courts à grandes boucles d’oreille. Mais je pense que ça ne suffit pas. Les gens regardent aussi ce qu’on dit et les idées qu’on défend. Il semble que Nathalie Fanfant contre qui, personnellement, je n’ai rien, ne s’est jamais dissociée d’un certain nombre de propos inadmissibles tenus par la droite. Je n’ai rien entendu sur le discours de Dakar, rien sur le discours de Claude Guéant et les civilisations inégales. Par conséquent, je considère que, quelle que soit l’allure que l’on a, si on adhère à des idées qui sont pour moi détestables, il n’y a aucune raison que les gens se fient à l’apparence et aillent dans ce sens. Je ne pense pas que les citoyens du XXe vont cautionner ce type d’idéologie et je ne crois pas que Nathalie Fanfant a un grand avenir dans le XXe. Je pense qu’elle rejoindra un certain nombre de gens qui avaient été parachutés précédemment sans laisser de souvenirs impérissables.
En cas de duel entre vous deux au second tour, accepterez-vous de débattre avec Nathalie Fanfant ?
Ah… Si nous sommes toutes les deux au second tour, je n’en sais rien. De toute façon on se voit sur les marchés. Mais je pense qu’il est plus important de parler, d’exposer ce que je pense. Je ne sais pas très bien ce que pense Nathalie Fanfant, mais j’aurais préféré qu’elle dise en temps utile que ce qu’ont dit un certain nombre de ses amis de droite n’était pas acceptable.
C’est ce qu’a fait, le 31 mai dernier, Marie-Luce Penchard sur les ondes de RCI en Guadeloupe en parlant de Serge Létchimy comme le modèle du député courageux, capable de se lever dans l'Assemblée pour dénoncer les propos de Claude Guéant sur les civilisations…
Ah ben voilà ! Mais il est un peu tard.
Propos recueillis par FXG (agence de presse GHM)