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Publié par fxg

Photo Stéphane Burlot

Photo Stéphane Burlot

Jean-Luc Mélenchon en Martinique et en Guadeloupe du 16 au 20 décembre. A l’occasion de ce déplacement, le candidat de la France insoumise publiera « Les Outre-mer, notre chance », un document de travail programmatique qui sera ouvert à commentaires et contributions via la plateforme jlm20107.fr

"Je n'ai jamais accepté le terme de régions ultrapériphériques"

Comment estimez-vous la manière dont la France gère ses outre-mer ?

Après deux décennies, on est au bout d'un modèle économique. Les Outre-mer sont considérés comme des espèces de hubs commerciaux avec des marchandises de l'Union européenne à destination de la population locale et éventuellement du territoire le plus proche... Comme ce système ne marche pas, on a voulu croire qu'en faisant de la défiscalisation et de la décharge de cotisations sociales, on allait stimuler comme ça une production locale. Tous ceux qui croyaient que cette politique pouvait fonctionner doivent se rendre à l'évidence que ça ne fonctionne pas. Mais, curieusement, tous se réclament de la continuité de ce type de méthode et même de son amplification, aussi bien pour Mme Le Pen qui l'a récemment déclaré, que M. Fillon et naturellement que tous les socialistes.

Ils demandent une base pour leurs yachts de plaisance et de leur livrer des bananes. Moi je vous demande de livrer à la métropole et au continent qui nous entoure les ingénieurs spécialisés dans les techniques qui ont à voir avec l’économie de la mer parce que c'est le futur de la France.

Encore faut-il pouvoir les former...

Il faudrait que dans lycées professionnels, il y ait des filières depuis le CAP jusqu'au BTS qui permettent d'arriver à la licence professionnelle au moins. Les îliens sont précisément ceux qui sont dans la situation de pouvoir expérimenter. Toutes les îles devraient, avec leurs assemblées locales, prendre la décision de parvenir à l'autonomie énergétique. Pas comme un voeu pieux, mais avec un calendrier et de la visibilité pour les entreprises locales qui feraient des investissements. Il serait d'ailleurs préférable que l'Etat et les collectivités investissent directement plutôt que de faire des dispenses fiscales ou sociales qui au bout du compte sont prises en charge par le budget de l'Etat au profit de très peu de monde.

Votre projet, c'est quoi ?

Les départements et territoires d'Outre-mer peuvent avoir un avenir autre et endogène. Il y a un modèle de développement économique possible et il faut partir des nécessités fondamentales des territoires : l'approvisionnement énergétique, la souveraineté alimentaire. Vous ne pouvez pas avoir d'économie locale si vous n'êtes pas capable de produire votre énergie d'une manière non polluante. Il y a de l'industrie autour de l'économie de la mer, beaucoup d'industries. Le développement d'un type industriel et technologique de haut rang sur cette base n'est pas une utopie.

Et que fait-on avec l'agriculture ?

La souveraineté alimentaire, je sais bien que ça n'est pas toujours possible à 100%.  Mais je demande simplement qu'on interroge à quel point elle n'est pas possible. Il y a une planification nécessaire pour le retour à l'agriculture vivrière. Si ça ne produit pas ipso facto la souveraineté alimentaire, ça peut permettre néanmoins un abaissement du niveau des prix de l'alimentation et une élévation de sa qualité. C'est quand même un problème important qui se pose dans les îles. Il ne faut pas simplement changer la manière de produire et d'échanger, mais aussi la manière de consommer. Là aussi, on a atteint une limite. Le meilleur moyen de nous nourrir, c'est de revenir à une agriculture vivrière et c'est le plus facile à faire. Là aussi, il faut un haut niveau de culture et de formation d'autant que les sols ont été dévastés par le passé par l'utilisation massive et irresponsable de pesticides et autres intrants chimiques. Cette transition nécessite donc elle aussi de la formation qualifiante.

Et le tourisme ?

Tant mieux qu'il y ait du tourisme. Mais on ne peut pas construire un mode de développement uniquement sur ce registre. Il y a le positionnement géographique des outre-mer, on parle des ambassadeurs de la France mais pourquoi faire ? La France doit s'impliquer dans les zones régionales de coopération. Je n'ai jamais accepté le therme de « régions ultrapériphériques » parce que cela suppose que le centre est l'Europe et son proche voisinage. Mais la France est présente sur les cinq continents. J'estime que les Caraïbes ont à voir avec l'ALBA (Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique), elles ont à voir avec des mécanismes de coopération économique et militaire extrêmement denses qu'il faut construire avec nos voisins.

L'Europe est un frein aux échanges, avec ses normes...

Les décisions qui ont été prises pour l'Europe ne l'ont jamais été en tenant compte de la situation particulière de la France et de ses outre-mer. Je suis pour la désobéissance aux normes absurdes proposées par Bruxelles. Il faut que nous sortions des traités... De toute façon, si le TAFTA, le CETA sont appliqués, il n'y a plus d'Europe ! L'essentiel de son marché serait intégré dans une zone beaucoup plus grande, soumise à ses arbitrages qui n'ont plus rien à voir avec les directives et les lois européennes. Ce sera le cas avec les tribunaux d'arbitrage prévus par ces traités. De toute façon, que l'on m'apprécie ou pas la question de l'organisation de l'Europe va se poser. C'est tellement vrai que les cinq présidents (Commission européenne, BCE, Europarlement, Conseil de gouvernement et Eurogroupe, ndlr)) ont prévu en 2017 de faire une proposition de traité. Vous observerez que tout ça est très discret parce qu'ils n'ont qu'une peur, c'est que les gens s'en emparent...

Qu'attendez-vous des Ultramarins ?

Les Outre-mer ont un investissement particulier dans la prochaine élection présidentielle. On peut penser que la métropole a une profondeur de résistance qui permettrait d'encaisser encore d'autres chocs libéraux, mais les outre-mer français non ! C'est maintenant que se joue de manière assez définitive notre avenir.

Les Antilles ont largement voté Hollande en 2012. Comment allez-vous les convaincre de vous choisir ?

M. Hollande leur avait que son ennemi était la finance et qu'il allait renégocier le traité européen. Les gens se sont dits en toute bonne fois que François Hollande allait le faire et ils ont fait un vote digne, conscient et maintenant, de la même manière, ils font un bilan. Il ne faut jamais sous-estimer l'intelligence populaire. Ils ont à choisir dans l'élection qui vient entre deux logiques, celle de la cohérence que j'incarne et celle de gens comme M. Fillon ou M. Macron qui sont la prolongation du libéralisme et de la mise sous tutelle des DOM et des TOM pour lesquels ils n'ont aucune espèce d'idée sinon de continuer à les considérer comme des lieux où l'on fait de l'engraissement fiscal.

Vous êtes un un Français d'Europe. Comment vous adressez aux Ultramarins ?

Je suis un homme qui vient d'un métissage profond entre les deux rives de la Méditerranée et je suis passionné par tout ce qui s'est passé sur le continent qui est en face de vous et peut-être que parmi tous les candidats à la présidentielle, je suis le seul qui le connaît réellement d'un bout à l'autre. De même les Caraïbes sont loin d'être des inconnues pour moi compte tenu de tous mes passages dans  ce secteur, soit à titre privé soit à titre officiel. Vous le savez tous, ici, je suis chez moi.

Que pensez-vous de Mayotte ? Devrait-on la rétrocéder aux Comores ?

Jamais ! Je suis profondément ému par l'idée que les Mahorais aient choisi d'être Français. Je me souviens des manifestations à Anjouan... Si les Mahorais veulent retourner aux Comores, ce n'est pas moi qui m'y opposerai. Mais si on me demande mon avis, je ne vois pas pourquoi on le ferait.

Avec vous, la France resterait-elle dans le commandement intégré de l'OTAN ?

Non ! Nous n'avons aucune raison d'être dans les fourgons des Etats-Unis d'Amérique parce que l'OTAN, c'est juste l'armée des E-U étendue. Les achats d'armement se font d'une manière qui n'envisage jamais l'indépendance de notre patrie. Ca a assez duré ! On passe à un autre modèle, d'abord d'indépendance nationale, et ensuite de nouvelles coopérations. Nous avons plus à voir avec les BRIC qu'avec l'OTAN. Je serai le constructeur au nom de la France d'une vraie alliance altermondialiste qui corresponde à notre vision du monde, aux peuples qui veulent protéger leur souveraineté.

La colonisation est un sujet qui touche aux Antilles. François Fillon l'a éprouvé... Quel est votre regard sur notre histoire ?

L'histoire n'est pas une matière froide. Je suis un universaliste, je ne trie pas entre les Français et nous n'allons pas reproduire perpétuellement les guerres de nos ancêtres. Il n'y a rien de légitime dans la colonisation et pourtant je suis un enfant de pieds noirs, pauvres certes, mais de pieds noirs quand même. Je n'ai jamais accepté que l'on oublie que la colonisation était un acte de violence. Maintenant, je me méfie du fait de le ressasser. J'ai dit une fois très solennellement, quand on m'a demandé où j'irai en premier une fois élu, que j'irai à Alger et que je leur dirai : "Maintenant, la guerre est finie, on s'aime." C'est quand même un petit miracle, entre Français des Antilles, de la métropole, globalement, ça fonctionne bien, il y a un sentiment affectueux d'appartenance. Je trouve injuste que la population d'origine maghrébine soit continuellement montrée du doigt dans notre pays. Ca ne correspond pas à l'amour de la patrie qu'on ressent de la part des très nombreux Français qui en sont membres.

Propos recueillis par FXG, à Paris

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