Pollutions en Guadeloupe et Martinique
Ary Chalus, président de Région
"M. Hulot méconnaît vraiment les problèmes"
Que retenez-vous de la réunion consacrée à la crise chlordécone avec les ministres des Outre-mer et de la Santé ?
D'abord l'annonce d'un appel à projets pour que les scientifiques puissent faire des recherches et trouver des solutions pour que nous puissions éliminer cette molécule et rassurer la population. Mme Girardin a annoncé la tenue d'un colloque en octobre à la Martinique et j'espère que ce colloque nous apportera des. Ce qui est important aujourd'hui c'est que nous soyons solidaires, que la population soit rassurée et que les scientifiques puissent proposer un plan pour remédier à cette pollution en Guadeloupe et en Martinique.
C'est le troisième plan chlordécone et ça fait 20 ans qu'on en parle. Tout ceci est-il bien utile ?
On est au troisième plan est peut-être y en aura-t-il un quatrième, un cinquième et que d'ici 400 ans, nous serons encore dessus... Nous attendons la venue du directeur de la santé, mais c'est des scientifiques nous attendons quelque chose, qu'ils trouvent un remède pour éliminer cette molécule et rassurer la population guadeloupéenne.
Sommes-nous sûrs de la qualité des produits importés ?
C'est une question qui s'est posée à Saint-Martin après les ouragans. Nous avons envoyé de l'eau, des aliments, des racines dont des ignames susceptibles de contaminer Saint-Martin. J'ai demandé à ce qu'on soit véyatif et surtout que l'on fasse un contrôle strict sur tous les aliments qui entre en Guadeloupe, notamment ceux qui sortent du Costa Rica. Car même si nous faisons un travail pour supprimer cette molécule si nous laissons entrer d'autres aliments de pays plus contaminé que nous, ça n'arrangera pas le problème !
Y a-t-il un problème sur les limites maximales de résidus ?
Oui elles ne sont pas toutes au même niveau de pourcentage et ça a été un grand débat lors cette réunion mais ce sont les scientifiques qui nous donneront les résultats lors du colloque du mois d'octobre.
Les clés du problème sont donc dans les mains de scientifiques, pas tellement des politiques ?
C'est par là que nous aurions dû commencer, comme pour les sargasses ! On ne peut pas nous dire quel est le niveau de toxicité, on ne peut pas nous dire si cela pose un problème de santé publique... Je crois que les scientifiques sont les plus aptes à nous dire aujourd'hui que faire, où, quand et comment dépolluer. Sara Gaspard qui est professeur de chimie à l'université des Antilles et qui nous a accompagné lors de cette réunion, nous dit que l'eau agricole qui sort de la montagne polluée peut polluer aussi la Grande-Terre ! Voilà pourquoi il est important de pouvoir financer des recherches.
Quel était l'état d'esprit de la ministre ?
Les deux ministres, Mme Buzyn et Mme Girardin sont vraiment prêtes à nous accompagner et à mettre les moyens pour que nous puissions définitivement régler ce problème.
Avez-vous le même optimisme avec la crise des sargasses ?
Nous ne sommes pas satisfaits de la présence de la directrice de cabinet de M. Hulot ! On aurait préféré que le ministre soit là pour nous écouter et prendre une décision. Il était dans une réunion à Notre-Dame des Landes ! Annick Girardin nous a indiqué sa volonté de lancer des appels à projet qui tardent à venir, mais ce qui est important actuellement, c'est que l'Etat prenne conscience de la gravité de ce problème.
Y aura-t-il une déclaration de catastrophe naturelle ?
L'état de catastrophe naturelle n'existe pas, mais c'est une catastrophe que nous vivons ! La ministre nous annoncé une centaine personnels. J'ai demandé l'intervention de l'armée pour nettoyer les communes, qu'on puisse mesurer sérieusement le PPM et avoir des résultats sur le niveau de toxicité de ces sargasses. Nous avons des entreprises à Capesterre de Marie-Galante qui ont un marché pour travailler et qui ne peuvent travailler car les gens ne peuvent respirer !
Etes-vous satisfait de la somme débloquée ?
1,7 millions, ce n'est pas assez ! Le sénateur de Saint-Barthélemy, Michel Magras nous a indiqué que sur sa petite île, il dépense 1 million dans l'année. Pour la Guadeloupe, 1,7 millions ne seront pas assez !
Vous vous êtes entretenu tout de même avec M. Hulot, il y a quelques jours au téléphone...
Je me suis rendu compte qu'il méconnaît vraiment les problèmes parce qu'il m'a posé beaucoup de questions concernant l'impact sur la Guadeloupe. Mais comme je lui ai dit, si ça se passait dans l'Hexagone, en Bretagne ou ailleurs, je pense que plusieurs ministres se seraient déplacés. J'ai fait comprendre et entendre mon mécontentement, mais c'est à nos, Guadeloupéens et Martiniquais, d'être solidaires et de prendre nos responsabilités pour pouvoir soulager nos populations. Et nous devons coopérer à l'échelle de la Caraïbe pour trouver la source de ce fléau et l'enrayer définitivement.
Propos recueillis par FXG, à Paris
Unanimité contre Nicolas Hulot dans le dossier sargasses
Mercredi 18 avril à Paris, la réunion consacrée à la crise sargasse au ministère des Outre-mer a viré au pugilat pour dénoncer l'absence du ministre de Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot. "Il s'est fait représenter, je veux bien une fois ou deux, mais enfin pas tout le temps, s'est récrié le sénateur Maurice Antiste ! Et c'est vrai qu'on l'a rarement vu sur cette question qui est une question fondamentale d'environnement et liée à la santé !" La réunion a donc été tendue et le mécontentement partagé par tous, y compris les élus de la majorité. "Alors que c'est nous qui nous déplaçons à Paris, M. Hulot est allé régler le problème de Notre Dame des Landes, a commenté le député Jean-Philippe Nilor, ça nous interroge... Est-ce que si on zadifie, si on corsifie davantage nos méthodes, serons-nous mieux pris en considération ? C'est un beau sujet de réflexion que je soumets au peuple de Martinique et de Guadeloupe !" "C'est chaud, a renchéri le député Serge Létchimy, parce que j'ai le sentiment qu'au plus haut niveau de l'Etat, on ne prend pas conscience du niveau de la catastrophe. Alors, on fait de la gestion ! Cette gestion était possible quand il y avait des contrats aidés. On se débrouillait, on prenait des camions, des pelles de la mairie et on charroyait avec les mains quelques fois ! On se débrouillait... Mais ça fait plus de cinq ans ! On a essayé de traiter le problème en amont mais je ne vois rien..."
Face à eux, la ministre des Outre-mer a montré la volonté de prendre à bras le corps ce problème et s'est engagée à ce qu'une conférence internationale sur le phénomène sargasse soit organisée. "Ce sera une bonne chose en termes de partage de expériences, de la recherche", a salué le sénateur Antiste tout comme M. Létchimy : "Si on ne ramasse pas les sargasses à la source ou en mer, il faut traiter et avoir un usage, donc il faut de la recherche, trouver une utilisation en termes d'engrais, de valorisation... On tâtonne encore trop !" "Il y a un problème d'émanations gazeuses, complète M. Antiste, mais aussi des particules qui se fixent sur les façades des habitations, une espèce de suie... Quel est le niveau de la recherche dessus ? Parce que si ces particules se fixent sur les façades, elles se fixent également dans nos poumons et nos estomacs ! Qu'on nous dise vite la nature réelle de ces particules pour qu'on puisse se protéger." Serge Létchimy veut connaître "la toxicité véritable et les conséquences sur des gens et l'économie".
Les sargasses ont un effet sur l'environnement, sur la santé, sur l'économie, le tourisme, les activités nautiques, la pêche, mais elles ne sont pas considérées juridiquement comme une catastrophe naturelle. "On nous explique que c'est une catastrophe, explique M. Nilor, que c'est un phénomène naturel mais que ce n'est pas une catastrophe naturelle !" Car évidemment, l'enjeu, c'est le déblocage de moyens immédiats, notamment des assurances. La ministre a annoncé des moyens matériels : 1,7 millions d'euros à répartir entre la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane. Une somme jugée insuffisante même si Annick Girardin a indiqué que son ministère pourrait rallonger si nécessaire. "On ne résume pas le destin d'un peuple à 1,7 millions", a commenté Serge Létchimy. Annick Girardin a encore annoncé 100 personnes réparties en 20 brigades entre la Martinique et la Guadeloupe, soit sous forme de travaux d'intérêt général, soit des jeunes du SMA.
FXG, à Paris
Une réunion interministérielle attendue
Face à la levée de boucliers des élus desAntilles et de la Guyane, Annick Girardin a indiqué qu'elle rencontrerait bientôt Nicolas Hulot en compagnie d'Agnès Buzyn (Santé) et de Frédérique Vidal (Enseignement supérieur et Recherche). C'est avec eux d'ailleurs que seront décidés les moyens financiers supplémentaires consacrés au ramassage et à l'élimination des sargasses.