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Publié par fxg

Chirac au Luxembourg en 2006 (photo : Régis Durand de Girard)

Chirac au Luxembourg en 2006 (photo : Régis Durand de Girard)

Jacques Chirac et les Antilles

"J'aime beaucoup les Antilles", m'avait dit Jacques Chirac à l'issue d'un point presse à l'Elysée en 2006, avant de s'en aller serrer des pognes dans la salle des fêtes.

Jacques Chirac est le Premier ministre qui a nommé Lucette Michaux-Chevry à son gouvernement en 1986. Ces deux personnalités ont eu une relation amicale si forte qu'Henri Hazaël-Massieux leur prêta même une relation intime dans son ouvrage à peine romancé, "Chabine Miroir", paru en 2006 chez Cap Bear.

C'est Henri Michaux, son mari, qui a présente Lucette Michaux-Chevry à Jacques Chirac en 1973. "Mon mari a rencontré Chirac chez le Dr Hélène au Gosier, avec Marlène Captant et tous ses amis qui étaient autour de Chirac avec Foccart et Amédée Valeau..." Chirac est sympathique ; son mari l'invite dans leur belle maison de Gourbeyre. Chirac arrive ; il y a du fruit à pain, il y a Foccart... Et Chirac dit : "Je reste à manger chez vous !" "Il aimait la bringue, se souvient Lucette, il buvait bien, il buvait de la bière, il aimait le piment, il aimait le boudin, il aimait les marinades... C'est comme ça que j'ai connu Chirac et je ne suis pas entrée au parti ! J'ai fait mon parti et je n'ai payé mes cotisations au RPR qu'en 1988 quand Chirac a perdu en face de Mitterrand."

Chirac, maire de Paris, recevait de nombreux chefs d'Etat et leur proposait systématiquement du rhum de la Martinique ! "Lui-même, il faisait le punch", relate Alex Ursulet qui était le premier fédéral du RPR en 1995. A Matignon, Chirac avait nommé Bernard Pons, ministre de l'Outre-mer et ce sont eux qui ont développé la défiscalisation ; ils voulaient faire des Antilles françaises, "la Suisse de la Caraïbes"... C'est encore Chirac qui après l'arrestation de Luc Reinette en 1987 a lancé l'idée d'un "grand pardon"...

Me Ursulet aime à dire que Chirac était "notre ami, l'ami de la Martinique". Sa connaissance intime de l'histoire des Antilles et des hommes l'a rapproché de l'Outre-mer. "Ce qui m'impressionnait, poursuit Me Ursulet, c'est sa simplicité et son humanité. Je me souviens d'un périple après un cyclone ; nous allions dans le nord de la Martinique. Il a fait arrêter le convoi alors que nous passions devant un centre pour autistes. La visite n'était pas prévue. Il est allé voir les enfants autistes, s'est agenouillé devant eux pour leur parler... Tout le monde a eu les larmes aux yeux parce qu'il avait cette faculté de transmettre son humanité aux plus souffrants."

Le premier geste du président Chirac en 1995 a été d'aligner le SMIC outre-mer avec le SMIC de l'Hexagone, au grand dam des patrons antillais ! C'est ce qu'on a appelé l'égalité sociale. Jacques Chirac a eu des relations fortes avec des gens comme les Martiniquais Emile Maurice ou Michel Renard, mais pas seulement... Chirac président continuait de cultiver ses relations antillaises, comme Prudence dans son petit restaurant à Anse-Bertrand. Chirac lui a demandé une fois de venir cuisiner à l'Elysée.  "Chirac, raconte encore Lucette, appelait aussi Violetta, Mme Minos, Mme Pita... Qui savait que Chirac appelait parfois Mme Pita pour avoir des informations. Son fils même ne le savait pas ! Et à la Réunion, c'était pareil. Vergès était très bien avec Chirac ! Il l'appelait tout le temps ! Oui, il l'appelait ! Vergès a aidé Chirac. Il empêchait les nuits rouges du Chaudron... Il a arrêté ça ! Chirac avait du monde !"

En 1995, Chirac n'a pas rappelé Lucette au gouvernement à cause de ses affaires politico-financières... Jacques lui avait pourtant promis la Coopération, jure-t-elle.

En 2002, c'est un Guyanais que Jacques Chirac appelle au gouvernement, c'est Léon Bertrand qui va être son ministre du Tourisme. Jacques Chirac lui dira en 2007 : "Tu as été un bon ministre Léon..."

Peu avant, lors d'une virée ministérielle d'une autre chiraquienne, Michèle Alliot-Marie, Lucette avait eu ce mot pour son ami au sujet des présidentielle de 2007 : "J'ai conseillé à Jacques de ne pas y aller..."

Avec la mort de Jacques Chirac, "c'est, estime Alex Ursulet, une page particulière de la relation entre les Antilles et la France qui se tourne". Son ancien camarade André Rougé qui fut délégué général à l'animation de l'association des amis de Jacques Chirac, passé depuis au RN, dit de lui qu'il était "le dernier président attaché à l'Outre-mer".

FXG, à Paris

Bernard Pons, ancien ministre de l'Outre-mer et ancien président de l'association des amis de Jacques Chirac

"Chaque fois qu'il m'accompagnait outre-mer, je sentais qu'il prenait un plaisir immense à découvrir la vraie vie"

"C'est une grande vague de tristesse et un grand choc parce que Chirac et moi, c'est 55 ans de vie politique commune. Pendant 55 ans, j'ai accompagné sa carrière et son ascension politique. On n'a pas toujours été d'accord... Heureusement ! Mais on a toujours été dans le même sens, c'est-à-dire dans le sens que nous avait indiqué le général de Gaulle. Chirac avait à mes yeux deux qualités essentielles, c'était un grand humaniste et c'était un pacifiste, mais un pacifiste vigilant. Ces deux qualités l'ont emporté sur toutes les autres. Il aimait l'humanité, il aimait les hommes et il l'a montré à tous les niveaux... Il aimait beaucoup et particulièrement l'Outre-mer. Il avait une attirance et une sensibilité pour les hommes et les femmes d'Outre-mer. Il a été un des premiers à dénoncer l'esclavage, à le fustiger et l'un des premiers à rendre hommage à ceux qui en avaient été victimes par une commémoration annuelle. Mais en dehors de ça, chaque fois qu'il m'accompagnait outre-mer, je sentais qu'il prenait un plaisir immense à découvrir la vraie vie, la culture locale, les traditions... Je me souviens de son plaisir en découvrant les paysages de la Guadeloupe, la diversité de la Martinique, la gastronomie de la Réunion... Chirac s'identifiait pratiquement à toute la France et il s'identifiait aussi bien aux collectivités françaises les plus éloignées qu'à la commune la plus proche, Paris. La deuxième force de Chirac, c'est qu'il a dénoncé le premier la fracture sociale qui encore aujourd'hui se manifeste, quelque fois douloureusement. Et puis, il a tenu tête aux Américains quand ils ont voulu nous emmener dans la guerre contre l'Iraq. Il a parlé haut et fort aux Israëliens quand ceux-ci exagéraient. Il a parlé clair et net aux Palestiniens et à Arafat dans certaines circonstances. Pour moi, il a balayé un grand secteur de ce que doit faire un président de la République. Enfin, il a montré de la fermeté mais aussi de bonté, beaucoup de connaissance de la vie de nos concitoyens quelle que soit leur situation. J'ai perdu un grand ami et la France a perdu un grand président."

 

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