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Publié par fxg

Edmond Richard, directeur général délégué d'Air Caraïbes

Edmond Richard, directeur général délégué d’Air Caraïbes, revient sur la crise sanitaire et ses conséquences sur le marché aérien dans la perspective de la fin des « motifs impérieux » le 9 juin prochain.

« Nous prévoyons 21 vols par semaine sur la Guadeloupe et 19 sur la Martinique »

Comment se présente la reprise permise par la fin des motifs impérieux ?

Nous venons de passer une année compliquée… Depuis le mois de janvier, nous avons maintenu un programme minimal, 7 ou 8 vols hebdomadaires sur les Antilles,3 ou 4 sur la Guyane, en attendant un signe du gouvernement. Depuis la mi-avril, les réservations pour l'été frémissaient. On sentait que la stratégie vaccinale du gouvernement risquait de porter ses fruits et que les gens se disaient que l'été serait sans doute à peu près normal. Il ne manquait que la déclaration officielle du président qui annonçait — pour les Antilles seulement — la levée des motifs impérieux le 9 juin. On a tout de suite senti une reprise forte des réservations auprès de la clientèle affinitaire qui n'attendait que ça pour se projeter sur l'été. C'est reparti très fort sur la Martinique et la Guadeloupe.

Quel va être votre programme de vols à partir du 9 juin ?

On va remonter progressivement puisque le début du mois de juin est traditionnellement une période basse. On va très vite remonter à dix vols par semaine sur la Guadeloupe et 9 sur la Martinique puis, à partir de juillet, reprendre un programme normal pour ne pas dire conséquent. Nous prévoyons 21 vols par semaine sur la Guadeloupe soit 3 vols par jour, et 19 sur la Martinique. Nous attendons encore l'annonce de la levée de l’auto-isolement qui fait que les touristes — la clientèle du Club Med et autres — ne sont pas encore revenus. La clientèle affinitaire est bien là mais il nous manque encore le dernier étage de la fusée.

Et si jamais l’épidémie repartait ?

Pour cet été, nous avons rendu tous nos billets modifiables et remboursables sans pénalité pour que les gens puissent se projeter et réserver. Depuis le début de la crise nous proposons gratuitement à tous nos clients qui vont partir avant le 31 août une assistance covid gratuite : si jamais ils sont malades sur leur lieu de séjour et qu’ils ne peuvent pas prendre leur avion, cette assistance paiera la différence tarifaire, leur proposera un nouveau vol et paiera l'hébergement si jamais ils devaient faire une quatorzaine, y compris les éventuels frais médicaux. Depuis le début de cette crise, on a mis en place tout un environnement commercial visant à rassurer les gens pour qu'ils puissent se projeter.

Que peut-on dire de la contagiosité de la covid à bord d'un avion ?

Toutes les études faites par IATA montrent que le port du masque, les mesures prises à bord pour limiter les interactions, la circulation de l'air qui se fait du haut vers le bas et le recyclage de l'air de la cabine toutes les 3 minutes avec les filtres qui sont en place, sont efficaces. Je n'ai pas connaissance de cluster ou quoi que ce soit à bord d'un avion. Ça et l'obligation de présenter un test PCR de moins de 72h me font dire l’avion est un environnement reconnu comme sûr.

Comment va la compagnie après trois confinements ?

Heureusement, nous sommes rentrés dans la crise dans une position financière forte. Nous avons fait une année 2019 très bonne et on avait très bien démarré l'année 2020. On a encaissé le premier confinement, le deuxième mais nous n'avons pas anticiper le troisième. Celui-là, il l'a fait mal ! Nous allons communiquer bientôt sur nos résultats mais nous avons perdu pas mal d'argent au cours de l'année 2020. Les premières semaines de l'année 2021 ont été bonnes mais depuis qu’on a été à nouveau confiné avec un programme de vol réduit, on fait le dos rond. Nous avons pris très tôt des mesures pour maîtriser nos coûts ; nous sommes la seule compagnie française à avoir négocié des accords de performance et de compétitivité par lesquels nos salariés ont accepté de baisser leur rémunération de l'ordre de 10 % pendant deux ans. Nous nous sommes mis en position de traverser cette crise.

Vous avez aussi bénéficié du soutien de l’Etat ?

Au même titre que toutes les autres entreprises, nous avons eu un prêt garanti par l'Etat qu'il va falloir rembourser, nous avons bénéficié de reports de charges, de l'activité partielle qui nous a permis d'avoir une partie de nos coûts de personnels pris en charge par l'Etat dans cette période de faible activité…

Vous reprochez tant à Corsair qu’à Air France le soutien très fort de l’Etat, pourquoi ?

Il n'est pas normal que l'Etat n'aide que les compagnies en grave difficulté financière et qu'il considère que ce n'est pas la peine de nous aider de la même façon. On ne parle pas de prêts là nous parlons d'abandon de créances, de subventions et d'aides directes… Ce n'est pas parce que nous sommes bien gérés que nous n'avons pas le droit de bénéficier d'un traitement équitable. Nous estimons que c'est une forme de distorsion de concurrence. L'Etat doit respecter des règles du jeu concurrentielles et équivalentes pour l'ensemble des acteurs.

Corsair a été racheté par des investisseurs antillais et se présente comme votre concurrent direct désormais…

Son dirigeant, Pascal de Izaguirre, a fait un bon boulot pour faire approuver cette reprise vu la situation financière dans laquelle était Corsair. J'observe que celui qui met le plus d’argent est l’Etat devant les actionnaires antillais. Maintenant le management de la compagnie n'a pas changé, ses salariés non plus. On ne se décrète pas du jour au lendemain compagnie antillaise. Corsair doit employer entre 8 et 10 personnes aux Antilles, nous on en emploie 5 à 600. Je rappelle que Corsair a changé trois fois de positionnement en 5 ans. Elle a été compagnie charter de loisirs avec l’actionnaire Nouvelles frontières, puis avec Intro Aviation les Antilles n'étaient carrément plus son cœur de stratégie mais les Etats-Unis et la classe affaire… Cette fois, rétropédalage : les Antilles reviennent au centre du jeu. Pour l'instant on est dans la com’ ! Pour autant Corsair reste un concurrent sérieux. Corsair modernise son parc, la concurrence bouge, évolue donc à nous de nous adapter mais nous n'avons pas besoin de mettre un Antillais en photo pour dire que c'est nous la compagnie des Antilles. Nous avons un produit homogène et cohérent depuis que nous faisons du long-courrier. Depuis quinze ans, c’est la même approche qui est dans l'ADN de nos salariés.

Cette année a été marquée par votre mariage avorté avec CMA-CGM…

Rodolphe Saadé et Jean-Paul Dubreuil ont envisagé de faire quelque chose en commun. Le projet a finalement avorté… CMA ne s'intéresse pas aux passagers, mais uniquement au fret, alors que nous sommes clairement une compagnie passagers qui fait du fret. CMA a préféré lancer sa propre compagnie de fret basée à Charleroi en Belgique pour desservir New York ou le Liban, faire autre chose… Sans doute aussi la position de CMA sur le fret maritime et la nôtre sur l'aérien comportaient un risque de distorsion de concurrence, et peut-être que certaines prises de position d'Air Caraïbes par rapport aux aides d'Etat apportées à nos concurrents ont pu déplaire à CMA.

Le marché antillais avait pour caractéristique d'être un marché en expansion Va-t-il retrouver ses niveaux d’avant la crise ?

A moyen et long terme, nous allons retrouver des niveaux de croissance d’avant la crise. Les Antilles françaises ont vraiment leur carte à jouer. La crise sanitaire a renforcé leur attractivité et a permis à nombre de publics français de découvrir nos destinations l'hiver dernier car elles étaient une des seules ouvertes. Si l'offre aérienne reste importante, et c'est le cas, si l'offre hôtelière permet de répondre à la demande, ces destinations ont une carte à jouer. Le trafic reprendra.

Avec quels niveaux de prix ?

On observe plutôt une baisse des prix moyens parce qu’aujourd'hui il y a plus d'offre que de demande. Le prix, c'est à la fois le prix promotionnel mais aussi tout Le yield management qu'on est capable de faire, notre capacité de vendre plus cher les dernières places lorsque les vols sont remplis. Aujourd'hui nous sommes encore très en retard en remplissage par rapport à une année normale, donc on a des prix moyens en baisse qui ne vont pas remonter à court terme. C'est l'équilibre de l'offre et de la demande qui dictera l'évolution du prix moyen. Ça n'empêche qu'il y aura toujours des périodes d'hyper pointes, le premier et le dernier week-end de Noël, les retours de fin août, avec des prix plus chers.

Propos recueillis par FXG

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