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Publié par fxg

Fanon et les printemps arabes

Le festival des Voix de la Méditerranée qui s’est tenu à Lodève (Hérault) du 16 au 23 juillet a été l’un des seuls événements de l’été hexagonal à rendre hommage à l’écrivain Martiniquais qui avait choisi d’épouser la cause algérienne, Frantz Fanon.laroui-plenel-Dracius-Belaskri-Zabbal.jpg

Fouad Laouri, Edwy Plenel, Suzanne Dracius, Yahia Belaskri et François Zabbal (photos : RDG)

Si 2011 est l’année des Outre-mer français, c’est aussi le cinquantenaire de la mort de Fanon. Voilà comment l’éditeur de Plume rebelle, Jean-Benoît Desnel, a eu l’idée de jeter, à Lodève, au pied d’une autre terre rebelle, le Larzac, un pont entre Méditerranée et Caraïbe, un pont entre Fanon et les printemps arabes. Suzanne Dracius (Martinique), Fouad Laouri (Maroc), Yahia Belaskri (Algérie), François Zabbal (Liban) et le journaliste Edwy Plenel étaient là pour en débattre, lundi 18 juillet. Plenel.jpg« Comment sauver le rapport de la France au monde contre ceux qui ne comprennent pas que nos identités sont relations », questionne Edwy Plenel, auteur avec Benjamin Stora de 89 arabe.  L’ébranlement des peuples arabes, du Maghreb au Mashreq, est, dit-il, « une grande nouvelle qu’on essaie de faire fléchir en brandissant des peurs ». D’où l’appel à Frantz Fanon pour comprendre ce qui se passe chez ces peuples décolonisés. Fouad Laouri, évoquant en Lybie « un Ubu tragique dans un pays où aucune élection n’a eu lieu depuis 1969 » et un Maroc doté d’une monarchie constitutionnelle depuis 1962 (même imparfaite), a rappelé la distinction nécessaire à faire entre les 22 Etats arabes : « Au Maroc, la situation est dangereuse économiquement, pas du point de vue institutionnel… » Fouad-Laroui.jpgYiahia Belaskri  a insisté sur « la permanence de la souffrance, de l’humiliation et de la brutalité imposés par les pouvoirs en place ». Fanon résonne déjà… « On savait tous qu’un jour le peuple tunisien voudrait respirer, comme la Syrie, un pays assis sur la terreur. C’est la même chose en Algérie ! » Edwy Plenel est revenu sur l’aspect inventif de ces révolutions et cite le républicain espagnol Machado (« Ils inventent le chemin en cheminant »), et le pacifisme (« C’est une sortie de la culture de la violence qui rappelle le printemps des peuples européens entre 1789 et 1848 qui ont fondé les idéaux démocratiques »). Ces révolutions sont encore, ajoute le patron de Médiapart, le signe de « la libération des peurs dans cet agora commun du monde arabe tandis que l’Europe se focalise sur l’île de Lampeduza et quelques milliers de réfugiés… »

echange-salle-megisserie.jpg« L’occident nous a désorienté »

Le fruit de ce printemps qui dure, c’est l’apparition, même encore timide, d’un pluralisme démocratique. Il englobe les questions chiites et sunnites, arabes et berbères (ou kabyles), religieuses et laïques, bref la question des peuples composites et son paradigme, la créolité… Dracius.jpgFace à l’invention de ce chemin, resurgit le mot assimilation dans la bouche du ministre français de l’Intérieur. « Un mot de guerre… Quelle foutaise ! réagit Edwy Plenel… Intégrer, construire un monde commun, oui… Mais on doit accepter que l’autre soit autre. » Voilà Fanon… « La Caraïbe a permis à Colomb d’inventer l’occident quand il nous a fait perdre l’orient… Nous sommes désorientés. Les damnés de la terre qui ont vécu le déplacement du monde, le déplacement de la traite, le totalitarisme de la plantation, ont fait naître un imaginaire sorti du chaudron de l’invention Caraïbe. » Et Plenel, rattrapé cette fois par Edouard Glissant, conclut son envolée : « La poétique de la Caraïbe est une politique. »  Suzanne Dracius invoque Aimé Césaire et le Discours sur le colonialisme : « Je parle de millions d’hommes à qui on a inculqué la peur, (…) le larbinisme. » Yahia-Belaskri.jpgYiahia Belaskri a découvert en Fanon une résonance avec l’émir Abd El Kader en lutte contre la colonisation française au 19e siècle, qui disait : « Tout être est mon être. » Suzanne Dracius (et le public) pense à la crise sociale aux Antilles du début 2009… « Le printemps arabe est vécu chez nous comme si nous y étions, comme si nous en étions. » Le lien entre tout cela, c’est le refus de la fatalité, le besoin de créer, d’inventer l’altérité. Pour la Martiniquaise, le vrai message de Fanon rappelle l’existentialisme sartrien : « La liberté, c’est la responsabilité de chacun. » Edwy Plenel évoque le dernier livre de Glissant, une anthologie poétique avec des textes de Martin Luther King, Kateb Yacine, Alejo Carpentier... ou Frantz Fanon, aussi poète quand il dit : « Il ne faut pas essayer de fixer l’homme parce que son destin est d’être lâché… » Et dans le monde arabe, l’homme s’est lâché.

FXG (agence de presse GHM)

 


Focus sur la Syrie

Francois-Zabbal.jpgRédacteur en chef de la revue Qantara de l’Institut du monde arabe, le philosophe libanais, François Zabbal a évoqué la situation de la Syrie, « le pays dont on parle le moins » et avec lequel « la France a des relations singulières et étonnantes » : « Les castes dirigeantes ont, depuis les indépendances et les partis uniques, fait usage de la corruption. Le système économique et politique s’est mis au service de castes et de groupes car il est intégré dans l’économie mondiale. On fait semblant de découvrir des malversations dont les occidentaux sont les premiers acteurs. Dans la société syrienne, les Alaouites accaparent le pouvoir avec la bourgeoisie (sunnite et chrétienne) de Damas et d’Alep, et Bachar el Assad, le plus petit dénominateur commun de ces clans, a été désigné à défaut d’un vrai chef. Face à la violence des brigades alaouites de l’armée syrienne, le peuple a opposé un mot d’ordre : la non violence pour éviter les pièges de la guerre civile entre Alouites et les autres, entre Chrétiens et Musulmans. Ce n’est pas l’opposition classique aux El Assad qui a pris la tête de la révolte, mais quelque chose de déroutant pour les Occidentaux qui ont peur de l’effondrement de la Syrie. La théorie des dominos définie par Henry Kissinger dicte la diplomatie occidentale : « Il faut garder la Syrie telle quelle car elle est la clé de la stabilité du proche orient… » Or, cette révolution « facebook » a hissé le peuple à la hauteur du leader. Suzanne Dracius revient à Fanon et aux Damnés de la terre : « Les masses ne permettent à personne  de se présenter comme libérateur ; les masses entendent aujourd’hui tout comprendre et décider de tout... » Et elle cite Peau noire, masque blanc : « Moi, l’homme de couleur, je veux que jamais l’instrument ne domine l’homme. Je veux l’homme où qu’il se trouve, un homme qui interroge. »Desnel-et-les-livres.jpg

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P
<br /> <br /> Enfin, des choses intelligentes sur la Syrie, mais trop bref...<br /> <br /> <br /> <br />
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F
<br /> <br /> Tres tres bon cet article .....<br /> <br /> <br /> <br />
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