SEMSAMAR
La SEMSAMAR sommée de nettoyer
Mercredi 13 décembre, le président Daniel Gibbs doit présenter au Conseil territorial de Saint-Martin la délibération proposant la mise en place d’un Président Directeur Général au sein de la société d'économie mixte de Saint-Martin (Semsamar).
Lundi 17 décembre, le conseil d'administration de la SEMSAMAR doit se prononcer sur la nomination de Yawo Nyadzi (photo), actuel président de la société et deuxième vice-président de la Collectivité de Saint-Martin, au poste de PDG, entérinant de fait la révocation de l'actuelle directrice générale, Marie-Paule Bélénus-Romana qui perdrait ainsi son statut de mandataire social et sa rémunération.
L'éviction annoncée de Marie-Paule Bélénus-Romana a fait réagir l'association des maires de Guadeloupe qui s'est fendue d'une protestation, la fédération du BTP itou, jusqu'au conseil régional qui a voté une motion la semaine dernière. L'unanimité est telle dans le personnel politique guadeloupéen que c'est sur cette seule question de la SEMSAMAR que Victorin Lurel et Ary Chalus se sont sérieusement reparlés pour la première fois depuis que le second a déchouké le premier aux régionales de 2015... Il faut dire que la Région, du temps de l'un comme de l'autre, a usé des services de la SEMSAMAR. Hier, au ministère des Outre-mer, c'est Victorin Lurel qui affrontait le rapport de la Miilos, aujourd'hui, c'est le président Chalus (et son allié politique de GUSR, Guy Losbar qui représente la Région au CA de la SEMSAMAR) qui doit faire face à celui de l'ANCOLS... Et cela à trois ans des prochaines échéances électorales, c'est plus qu'une épine, c'est un buisson dans le pied ! C'est dire qu'il y a le feu au lac et tout le monde se serre les coudes !
"La Région Guadeloupe s’oppose à toutes démarches qui pourraient faire perdre aux décideurs locaux la gouvernance des sociétés d’aménagement, au regard des compétences transférées aux collectivités locales depuis la décentralisation", affirme la motion du conseil régional. "C'est un coup porté à la décentralisation et à l'émergence de compétences locales", écrit Jean-Claude Pioche, le président de l'association des maires.
Endettement élevé et dividendes conséquents
L’analyse financière 2011-2015 des comptes de la SEMSAMAR fait ressortir "un endettement élevé, une distribution conséquente de dividendes avec une trésorerie tendue...", soit une situation financière pas franchement saine. Ainsi la SEMSAMAR a « oublié » de réhabiliter les 1700 logements qu'elle a racheté à la SA HLM de Guyane, de même la plupart de ses opérations de développement y cachent un déficit derrière des créances douteuses détenues sur des communes (il y en a pour 38 millions d'euros).
Cela n'empêche pas la SEMSAMAR d'abonder sa trésorerie en encaissant les loyers sociaux et les prêts que lui fait la Caisse des dépôts et Consignations (CDC) pour financer ses opération de promotion tandis qu'elle continue inlassablement de rétribuer ses actionnaires...Personne n'a oublié ces propos d'Emmanuel Macron à Saint-Martin en octobre dernier : « Une île dans laquelle il y a eu trop de connivences, trop d’entente parfois même de la corruption... ». Il avait encore dit sa « colère avec un système (...) habitué à l’inefficacité, (...) avec des grands groupements, on l’a vu sur les logements sociaux dont je n’ai pas cru comprendre qu’ils manquaient d’argent, et qui n’ont pas été fichus de réparer les toits. »
Le "deal" avec l'Elysée
A l'instar du conseiller territorial Louis Mussington, nos élus sont prompts à dénoncer un « deal avec l’Elysée », ce qui n'est pas totalement infondé. En effet, dès le retour du président de la République de Saint-Martin, son conseiller outre-mer Stanislas Cazelles a suggéré à la CDC-Habitat, ex groupe SNI, qui vient de racheter les sociétés immobilières d'Outre-mer, de proposer un nouveau partenariat avec la SEMSAMAR. Le président de la collectivité Daniel Gibbs n'a pas vraiment le choix, sauf à vouloir traîner avec lui cette image de corruption et à risquer de voir les robinets se refermer au moment où Saint-Martin a besoin d’argent pour accélérer sa reconstruction... Depuis deux mois, la CDC a cessé de prêter de l'argent à la SEMSAMAR. C'est sans doute la pression nécessaire pour faire aboutir le "deal".
Il appartiendra donc au nouveau pdg de la SEMSAMAR (qui sera payé aux environs de 150 000 euros par an contre 450 000 actuellement) de recentrer les activités patrimoniales de la SEMSAMAR sur son territoire et de limiter ses activités d'aménageur et de maîtrise d'ouvrage déléguée sous mandat public hors de Saint-Martin à travers les SIDOM (SIG, SIMAR, SIGUY, SIMKO) qui lui passeraient commande.
Le projet qui se dessine avec ces deux réunions (mercredi à Saint-Martin et lundi à la SEMSAMAR), c'est une modification profonde des flux financiers et la fin d'un système clientéliste effarant. Si le deal devait échouer, l'Etat a fait savoir mezzo voce qu'il ne manquerait pas d'assigner la SEMSAMAR pour activité de marchand de sommeil...
FXG, à Paris
Un cluster logement social antillo-guyanais
Le projet de CDC-Habitat sur la zone Antilles-Guyane est une forme de cluster qui réunirait l'ensemble des sociétés immobilières, y compris la SEMSAMAR (soit un total de 80 000 logements), et tous les autres partenaires privés nécessaires à favoriser l'éclosion rapide
de logements dans nos territoires pour parvenir à respecter le plan logement Outre-mer qui nécessite au moins 10 000 logement par an.
Avec un tel partenariat, la SIG laisserait à la SEMSAMAR la gestion des 500 logements qu'elle possède à Quartier d'Orléans tandis la SIMAR lui reprendrait la gestion de ses 300 logements sociaux en Martinique et la SIGUY, celle des 1700 acquis à la SA HLM de Guyane... Quant aux SIDOM, elles investiront et passeront une partie de leurs ordres à la SEMSAMAR.
Détournement de fonds public et favoritisme
Le scandale a débuté en octobre dernier, quand le préfet Gustin a fait connaître au chef de l'Etat les éléments de la rémunération passée de Marie-Paule Bélénus (quand elle émargeait à plus de 1,5 millions d'euros). Ce sont ces revenus exorbitants qui ont conduit la mission interministérielle d’inspection du logement social (MIILOS) à sortir un premier rapport sur la SEMSAMAR en 2013. Ce rapport pointait "une trop faible implication du conseil d’administration dans les choix stratégiques, des non-respects des règles de la commande publique, une rémunération disproportionnée de la directrice générale, ou encore l’absence de comptabilité distincte pour les activités d’intérêt général". Le rapport estimait que des fonds versés de façon indue à l’ancien DG, Jean-Paul Fischer, devaient être remboursés et que la situation de la nouvelle DG devait être mise en conformité... Ce que fera la direction générale de l'Outre-mer sous le ministère de Victorin Lurel.
En 2016, l'agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS) sort un second rapport. Il signale lui encore des "manquements aux dispositions législatives et réglementaires, des irrégularités dans l’emploi des fonds de la participation à l’effort de construction (...), une faute grave de gestion et une carence dans la réalisation de l’objet social ou un non-respect des conditions d’agréments". Par ailleurs, une enquête judiciaire aboutit en juin 2015 à la mise en examen de la SEMSAMAR, personne morale, mais également de Jean-Paul Fischer, directeur général de la SEMSAMAR de 1985 à 2009, et de Marie-Paule Bélénus Romana, directrice générale depuis juillet 2009 pour "détournement de fonds publics ou privés et favoritisme".
Aujourd'hui, l'avenir de Marie-Paule Bélénus-Romana ne semble toutefois pas si obscurci. En effet, Jean-Paul Fischer, son prédécesseur à la SEMSAMR, devrait sous peu faire valoir ses droits à la retraite et lui laisser son poste de directeur général de la SEM Patrimoine dont le président n'est autre que Guy Losbar qui est depuis plusieurs semaines l’un de ses plus ardents défenseurs. Là au moins, les Saint-Martinois n'auront rien à dire !