Le livre de Marie-Luce Penchard
Marie-Luce Penchard, son livre, son nègre et l’argent du ministère
Outre-mer, terres d'avenir, paru en mai 2012, est le livre qui aurait dû permettre à l’ancienne ministre chargée de l’Outre-mer, Marie-Luce Penchard, d’être élue députée de la Guadeloupe en juin dernier. Au lieu de quoi, avec 14 % des suffrages, elle offrait à son rival Victorin Lurel un boulevard pour la rue Oudinot dès le 1er tour. Il est vrai que rien ne s’est passé comme prévu pour ce livre, à commencer par son titre. Il avait été question de lui donner un intitulé accrocheur, Faut-il larguer les Outre-mer ? Mme Penchard et son éditeur en ont préféré un plus plat…
Pour ce livre d’entretiens conduits par le journaliste de l’AFP, Eric Bassi, en charge de l’Outre-mer de 2007 à 2011, le journaliste devait toucher un forfait, selon ce qui lui avait été promis par le cabinet de Mme Penchard puis confirmé par l'ancienne ministre. A l'automne, n'ayant toujours rien touché, il a appelé l'éditeur dont un collaborateur lui a affirmé qu'aucune rémunération n'était prévue pour lui et que le livre avait fait l'objet d'une simple commande du ministère.
En décembre, Eric Bassi a relancé l'ancienne ministre qui lui a dit qu'elle avait du mal à joindre l'éditeur depuis la Guadeloupe. Finalement, après de nombreux échanges par SMS et téléphone entre la Guadeloupe et Paris, et une entrevue du journaliste à Paris avec certains de ses anciens collaborateurs, Mme Penchard a fini par lui dire qu'elle règlerait l'affaire elle-même en montant à Paris début mars.
Juste après, l'éditeur a appelé le journaliste en évoquant la moitié des sommes promises. Le lendemain, le même éditeur rappelait le journaliste en s'alignant sur le forfait prévu mais en évoquant un simple contrat de "rewriter".
Après avoir découvert le projet de contrat, le journaliste a dû rappeler à l'éditeur qu'il était au moins co-auteur du livre. « Je pense que vous vous êtes trompé lorsque vous avez rédigé ce projet de contrat ce matin (6 mars 2013 à Paris). Je suis co-auteur du livre d'entretiens avec Mme Penchard et non pas "rewriter". », a-t-il écrit à l'éditeur.
Le paiement s’est fait selon un circuit insolite : l’ancienne ministre aurait fini par faire un chèque du montant prévu à l’éditeur qui a reversé la somme, par chèque, à celui enfin reconnu pour coauteur. Grand bien leur en a pris car un ancien ministre de l'outre-mer, également avocat, avait proposé à Eric Bassi de le défendre gracieusement.
Mais le plus intéressant reste l’histoire commerciale de cet ouvrage tiré à 1500 exemplaires. Il y a trois semaines, Le Canard enchaîné révélait que le ministère chargé de l’Outre-mer avait commandé et payé 500 tirages exemplaires. La réalité serait sous-évaluée puisque selon une information donnée par l’éditeur, le ministère, dirigé alors par Mme Penchard, aurait passé deux commandes de 500 exemplaires, donc un total de 1000 exemplaires, à 10 € pièce, soit une dépense publique de 10 000 €. Le ministère des Outre-mer a confirmé, vendredi 15 mars, avoir retrouvé un bon de commande et un bon de livraison pour les premiers 500, mais aucun de ces livres. Le ministère recherche actuellement un éventuel autre bon de commande… Sur les 500 exemplaires restants, un peu moins de 400 exemplaires ont été vendus en librairie et un peu plus de 90 ont été retournés à l’éditeur. A noter que l’exemplaire qui se trouve dans le fonds de la délégation générale à l’Outre-mer a été acheté par cette même délégation. Au flop électoral de la ministre Penchard s’est donc ajouté un flop éditorial de l’écrivaine Penchard…
Reste à savoir si l’actuel ministre de l’Outre-mer entend donner une suite judiciaire à ce qui peut s’apparenter à un détournement de fonds publics.
FXG, à Paris