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Publié par fxg

Sébastien Lecornu

Sébastien Lecornu

Sébastien Lecornu,ministre des Outre-mer

« Je suis un ministre enraciné »

Que représentent les Outre-mer pour vous ?

Dans la vie, il y a parfois des hasards. En ce qui concerne ma nomination, je crois qu’il n’y en a pas : j’ai toujours eu une passion pour les territoires d’Outre-mer ! Lors de la passation de pouvoir, j’ai donné une explication de cœur. Quand on est amoureux, il n’y a pas forcément d’explication rationnelle. Je me sens bien en Outre-mer et j’y ai toujours eu beaucoup d’amis proches, et ce depuis le collège et le lycée chez moi à Vernon dans l’Eure. Et puis, quand j’ai commencé à faire de la politique, j’ai vu le caractère enthousiasmant - mais aussi complexe ! - des Outre-mer. Enthousiasmant parce que ça ouvre à tous les horizons du monde, à une histoire passionnante, mais aussi parfois douloureuse. Et puis, complexe, car il y a la réalité de la vie quotidienne en outre-mer : les questions de transport, de vie chère, d’emplois et de préservation de la nature face au dérèglement climatique… Quand on aime la République et la politique, au sens noble du terme, on aime l’Outre-mer. J’ai profondément envie de me battre pour améliorer les choses : soit pour mieux les protéger - la culture de chaque territoire, ou  la nature par exemple - soit pour les faire évoluer. Selon les cas, cela peut passer par des questions institutionnelles mais surtout par les questions économiques et d’emploi. Pour toutes ces raisons de sensibilité personnelle, j’ai la fibre outre-mer. Après, je ne suis pas un ultramarin, donc je n’ai pas la prétention de connaître ce qu’un Ultramarin peut connaître. Je formule donc avec humilité une requête en adoption auprès de nos concitoyens en Outre-mer !

Que vous ont demandé le président de la République et le Premier ministre quand ils vous ont proposé ce portefeuille ministériel ?

La demande claire, c’est de tenir la maison Oudinot et de donner le meilleur de moi-même pour l’ensemble des territoires ultramarins. Le président de la République m’a nommé là avec beaucoup de liberté. J’ai été secrétaire d’Etat à l’Ecologie, ministre délégué en charge des Collectivités territoriales et je vois bien que dans la manière dont il m’a nommé ici, puisque c’est vraiment lui qui l’a souhaité, il y a une dimension “domaine réservé” qui ne dit pas son nom. Emmanuel Macron a la fibre outre-mer, on l’a vu dans ses déplacements. Cela peut nous rappeler les déplacements du Président Chirac, mais ce n’est pas à moi de le dire… Je me suis rendu avec lui en Guyane, en Nouvelle-Calédonie où tous se souviennent de son discours au théâtre de Nouméa, aux Antilles… Il y a un attachement très fort d’Emmanuel Macron aux Outre-mer, et d’ailleurs aussi pour les Français d’Outre-mer qui sont sur le territoire hexagonal. Il n’y a pas un jour qui passe sans que nous n’ayons un échange direct avec le président de la République sur une question ultramarine. J’ajoute que le nouveau Premier ministre, élu local comme moi, aborde les différents dossiers avec un pragmatisme précieux. Tout cela montre l’implication très forte de l'exécutif.

On dit qu’un bon ministre des Outre-mer est celui qui gagne ses arbitrages à Bercy. Qu’en pensez-vous ?

C’est une vision des choses qui suggère que le ministre des Outre-mer serait un avocat qui viendrait défendre son dossier, parce qu’attaqué par les autres ministères... Je ne ferai pas partie des ministres qui tapent sur Bercy, c’est trop facile. L’Etat, c’est l’Etat et il n’y a qu’un seul gouvernement. Il y a des arbitrages qui sont obtenus, d’autres, parfois, qui ne le sont pas, et ce n’est pour autant que la question ultramarine sera minorée. Et puis si on ne regarde que les questions budgétaires, je commence déjà en mettant les pieds dans le plat : de l’argent oui, il en faut évidemment et ce gouvernement a déployé des moyens inédits pour faire face à l’urgence du sauvetage de notre économie et nous allons continuer dans le cadre du plan de relance. Mais, est-ce qu’aujourd’hui dans la France des Outre-mer, l’argent est la seule et unique chose dont nous avons besoin ? On s’en serait rendu compte ces vingt ou trente dernières années...Ce ministère est l’un de ceux où l’on rencontre le plus « les économies de constatation ». En clair, c’est de l’argent qui a bien été voté par le Parlement au budget, mais que le ministère ou ses antennes, préfectures, opérateurs de l’Etat, et bien souvent les collectivités territoriales, n’ont pas réussi à dépenser. C’est un ministère dans lequel, il y a beaucoup d’argent qu’on n’arrive pas à dépenser ! Cela devrait faire réfléchir collectivement chaque acteur.

Votre feuille de route ?

Il y a ce qui s’impose à nous et ce que l’on peut peut-être un peu forcer pour l’avenir. Ce qui s’impose à nous très clairement, c’est la question de la relance économique. La crise économique est là en France, elle est lourde pour la plupart des pays occidentaux. Elle est donc lourde avec des particularités et des spécificités pour chaque territoire d’Outre-mer. C’est un sujet qui va être très central dans mes premiers mois dans cette maison. A la fin du mois d’août, un plan de relance sera présenté au conseil des ministres…

Un plan spécifique outre-mer ?

Un plan de relance globale dans lequel je veux, non pas un plan de relance spécifique outre-mer, mais un plan de relance spécifique par territoires. Un territoire dont l’économie repose sur la pêche et l’agriculture n'obéit ni aux mêmes enjeux, ni aux mêmes instruments et outils de relance qu’un territoire qui est porté d’ordinaire par le secteur tertiaire et notamment le tourisme. Sans compter les cas de la Guyane ou de Mayotte où l'épidémie perdure plus longtemps qu’ailleurs.  Mais il y a plusieurs enjeux sur la manière de faire ce plan de relance. D’abord, il faut un chapiteau global, des mesures transversales, même s’il y a des spécificités. Le chômage partiel par exemple, on l’a fait partout ! Il faut ensuite avoir des plans taillés sur mesure qui correspondent à chaque territoire ; mais ça ne fonctionnera pas si les Collectivités territoriales ne sont pas avec nous, d’où la main que j’ai tendue aux élus locaux dès la passation de pouvoirs. J’ai été maire, président de Département, je suis toujours élu local, je me suis beaucoup investi sur les finances locales en outre-mer… Je vois bien que sans les Collectivités, ce sera voué à l’échec. Cela veut dire qu’il y a une responsabilité des élus, en confiance avec l’Etat dans les moyens qui vont être apportés, et cela dans un calendrier électoral que nous connaissons. Je suis là pour bâtir un plan de relance efficace et je souhaite que les campagnes électorales à venir pour les élections départementales et régionales ne viennent pas remettre en question la cohésion indispensable entre tous les acteurs. Le plan de relance passera par des mesures financières de différentes natures, tournées notamment vers la commande publique ce qui est indispensable pour certains secteurs comme le BTP. Il faudra donc hiérarchiser nos priorités sans oublier les engagements passés comme pour la construction d’équipements scolaires. Il faudra aussi stimuler des projets existants comme ceux qui sont dans les accords de Guyane par exemple.

Ceux du plan séisme Antilles aussi ?

Oui ! J’y ai mis beaucoup d'énergie quand j’étais secrétaire d’Etat à l’Ecologie. Ce sont aussi les investissements pour l’eau en Guadeloupe. Ensuite, il y a les mesures d’accompagnement pour le secteur privé Il y aura aussi un enjeu sur le volet normatif pour assouplir des règles qui peuvent être des freins à la relance. C’est le sujet le plus délicat : si ces normes existent, notamment environnementales, c’est parce qu’elles correspondent à un besoin. Il ne s’agit pas de faire n’importe quoi non plus au nom de la relance. Là, j’ai besoin de l'ensemble des parties prenantes : des élus locaux, du monde consulaire, des ONG, des filières professionnelles, des syndicats agricoles, en clair de toute la société civile de chaque territoire ultramarin. J’ai demandé aux préfets d’être dans une très large animation dans leur territoire. Ils doivent travailler avec les élus, avec tous les acteurs y compris le monde associatif. Sans oublier les agents de la fonction publique qui doivent être complètement investis des enjeux de cette relance…

La situation est souvent tendue dans nos territoires, vie chère, poids de l’histoire, défaut d’emploi… Comment rendre la confiance ?

Je ne suis pas ultramarin, mais quand on aime les territoires d’Outre-mer, on aime leurs histoires et on cherche donc à les comprendre, dans leurs identités et spécificités. On respecte ce qui s’y passe, on doit être humble face à ce qui a pu s’y passer. Une fois que j’ai dit ça, la crise économique qui nous guette suite à la pandémie est inédite et, peut-être à bien des égards, violente. Elle n’est du fait et donc de la faute de personne : ce virus nous renvoie à plus de modestie devant la nature et notre condition d’être humain. Il y a deux manières d’aborder cette épreuve : soit en se divisant et en considérant que c’est toujours la faute de l’autre, soit au contraire, en se rassemblant et en faisant de cette crise une opportunité de transformation, en faisant en quelque sorte “du judo” avec celle-ci. Je n’y arriverai pas seul. Je serai ministre des Outre-Mer comme j’ai été maire ou président de Département. Ce pragmatisme, cet état d’esprit, doit permettre de créer cette confiance. 

Pourquoi vous présentez-vous aux sénatoriales alors que vous venez d’être nommé à Oudinot ?

Les Ultramarins qui nous lisent doivent savoir que je suis un enraciné, que moi aussi j’ai mon territoire, que je ne suis pas “hors sol” et que j’ai une légitimité parce que je suis un élu Je viens d’un milieu populaire. Ma mère était secrétaire médicale, mon père a passé son diplôme de technicien en cours du soir au CNAM. J’ai décidé de m’investir à un moment donné pour devenir maire de la commune où j’ai été scolarisé. Ce n’est pas parce que je passe un peu de temps dans l’Eure que je me désintéresse de l’Outre-mer. Je suis un ministre enraciné. Si le Président de la République et le Premier ministre le souhaitent, je poursuivrai ma tâche au gouvernement. Dans ce cas, le suivant de la liste que je mène siégera en remplacement temporaire au Sénat comme le prévoit la loi.

Quel sera votre prochain déplacement en Outre-mer ?

Sûrement la Réunion, puis les Antilles sans doute en septembre. Je vais, dès l’automne, instituer des déplacements assez longs, un format atypique qui va me permettre de poser mes valises une semaine sur un territoire. Je veux prendre du temps. Typiquement sur la relance, il faut prendre ce temps avec la société civile, le monde économique ; faute de passer à côté de quelque chose.

Vous avez fait allusion aux élections territoriales de 2021. Que dites-vous de la proximité des présidentielles ?

Je représente l’Etat et le gouvernement. Je serai toujours vigilant à ne pas être dans un rôle qui n’est pas le mien. Quand j’étais ministre délégué, je parlais aux maires de Marseille, de Paris, de Pointe-à-Pitre ou de Basse-Terre sans me préoccuper de leur carte politique. Quand j’ai dû traiter la question de l’eau aux Antilles, je n’ai pas regardé les sensibilités politiques des élus autour de la table. La République, ce n’est pas ça. Quel que soit l’acteur et ses opinions politiques, s’il a besoin de l’Etat et du ministère que je dirige, il me trouvera dans cette bienveillance. Mais je suis aussi là pour porter notre bilan, la parole gouvernementale de ce qu’Emmanuel Macron a accompli depuis trois ans pour le pays et de ce qui a été fait pour les Outre-mer.

Etes-vous plutôt Belle-Câpresse, Neisson ou Bologne ?

Je suis les trois ! La vraie question, c’est en fonction des moments. Ti punch et rhum blanc et à d’autres moments, c’est plutôt ambré. J’ai une belle collection de rhums à Vernon !

Soufrière ou Pelé ?

Je connais mieux la Soufrière.

Césaire ou Condé ?

Lycéen, ça a été Césaire et son Cahier d’un retour au pays natal que j’ai lu plusieurs fois. Cette oeuvre, que je n’ai pas pu comprendre dans sa globalité tout de suite, m’a profondément touchée.  J’avais 16 ou 17 ans et j’avais cette édition ocre que j’avais fini par complètement écorner tellement je l’avais relu dans tous les sens !

Gontran-Damas ou Monnerville ?

Je suis candidat aux sénatoriales dans l’Eure, à la fin du mois de septembre, donc Monnerville ! Mais parce que je viens de Guyane et que vous ne l’avez pas posé la question, j’ai une tendresse infinie pour Félix Eboué.

Kourou ou Toulouse ?

J’ai failli vivre à Kourou. Quand j’étais gosse, mon père qui travaillait à la SEP devenue SNECMA, puis Safran et Arianespace depuis, m’amenait voir les tirs retransmis en direct de Kourou à Vernon. La question s’était posée alors d’aller vivre à Kourou ce qui ne s’est pas fait…

propos recueillis par FXG

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