Laferrière sous la coupole
Laferrière à l'académie
Dany Laférrière, nouveau titulaire du fauteuil n°2 de l'académie française (celui qu'occupait auparavant Hector Bianciotti), doit être installé le 28 mai sous la coupole de l'Institut de France, quai Conti à Paris. Pour autant, l'écrivain haïtien et québequois y était déjà lundi 18 mai pour enregistrer l'émission de France Ô, Page 19, animée par Daniel Picouly et diffusée ce dimanche 25 mai.
Première mise au point du premier auteur haitien admis dans l'illustre compagnie au sujet de l'immortalité : "Il s'agit de l'immortalité de la langue et non de de celle de l'académicien !" Elu au premier tour en décembre 2013 devant Catherine Clément, Arthur Pauly et Jean-Claude Perrier, Dany Laférrière a pu se payer le luxe de ne pas se soumettre au rituel des visites aux académiciens pour obtenir leur vote. "J'étais à Port-au-Prince." C'est l'académicien libanais Amin Maalouf qui l'a averti le premier alors qu'il était en Haïti. L'une de ses trois filles s'est écriée : "Dad is immortal !" Et son épouse lui a rappelé (on était un jeudi) : "Eh, l'immortel, c'est ton tour de faire la vaisselle !"
L'auteur remarqué de "Comment faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer" a débuté sa carrière en Haïti comme "journaliste subversif". Il n'en faut pas plus pour risquer la mort et le jeune Laferrière s'exile à Montréal où personne ne l'attendait. Il faudra que passent une huitaine d'années où il trouve à s'employer dans des usines pour qu'il s'achète enfin une Remington et frappe ces mots : "Pas croyable, ça fait la cinquième fois que Bouba met ce disque de Charlie Parker." Et voici lancée sa carrière littéraire...
En janvier 2010, il est à Port-au-Prince quand survient le séisme. Son premier réflexe a été d'aller voir ce qu'étaient devenues les fleurs de l'hôtel. "Le tremblement n'avait emporté que le béton, pas les fleurs..."
Dany Laferrière rejoint les quarante immortels mais aussi les écrivains de son Panthéon littéraire au premier rang desquels James Baldwyn, Luis Borgès, Marie Vieux Chauvet, Bukowski et Césaire. Dimanche, sur France Ô, pour partager son sort avec Aimé Césaire, Dany Laferrière lira un extrait du Cahier d'un retour au pays natal, manière pour lui de l'amener à sa manière sous la coupole où plane encore l'ombre de Léopold Senghor.
FXG, à Paris
Son épée et son habit vert
L'épée qu'arborera Dany Laferrière le 28 mai prochain est l'oeuvre du sculpteur haïtien Patrick Vilaire. Ce sculpteur plasticien a participé récemment à l'exposition du Grand Palais, "200 ans d'art haïtien" et aussi à la fondation Cartier autour d'une exposition sur le panthéon vaudou. "Je lui ai demandé de mettre le "vévés", c'est-à-dire le dessin d'un Dieu, Legba, celui qui ouvre les barrières qui se trouvent à la frontière du monde visible et du monde invisible, qui permet de traverser d'un monde à un autre, donc, de ce fait là, je crois qu'il est le Dieu des écrivains puisque c'est ce que nous tentons de faire..." C'est donc ce dessin de Legba qui figure sur son épée d'académicien. Quant à son costume, il sera vert comme il se doit, mais avec un col particulier. "C'est étrange, souligne Dany Laferrière, il rappelle celui de Toussaint Louverture, mais c'est aussi un col napoléonien... Les deux sont réunis dans ce costume." Au-delà de cette facétie de l'histoire, Dany Laferrière a voulu avant tout un col élégant !