George Pau-Langevin parle des attentats et de l'état d'urgence
George -Pau Langevin,, ministre des Outre-mer
"L'état d'urgence ne s'impose pas outre-mer"
Comment avez-vous vécu les événements de vendredi soir ?
Au stade de France, nous avons d'abord entendu ce que tout le monde a pris pour des pétards et les jeunes ont continué de s'amuser dans cette enceinte. Puis, quand on a commencé à avoir des informations, le président est parti se renseigner. Puis, ça a été quelque chose d'assez étrange... Nous étions là et le public continuait de faire la fête, de pousser des cris de joie, de faire la ola. Nous, nous échangions sur nos téléphones portables et nous apprenions qu'il se passait des choses à Paris, dans le 11e. Le drame était partout dans Paris... Je crois que les autorités sportives ont eu raison de ne pas interrompre le match, sinon, ça aurait été une scène de panique extraordinaire. Dès lors nous avons compris que nous avions affaire à une opération orchestrée. Mon conseiller diplomatique est arrivé au Petit Cambodge juste au moment où il était ciblé...
Le but était de terroriser tout le monde...
Tout le monde ! M. Tout-le-monde, il était au match, il était dans la rue... Pour nous les Ultramarins, par exemple, le Bataclan, c'est le lieu où l'on remettait les trophées du Carnaval tropical. C'est un lieu de joie, de gaité... L'effort que nous avons à faire aujourd'hui est de ne pas nous laisser impressionner...
Comment en sommes-nous arrivés là ?
Nous sommes dans un pays qui défend un certain nombre de valeurs, d'égalité homme femme, de laïcité, de vivre ensemble, quelle que soit son origine, sa religion... Plus que jamais la devise républicaine, la liberté, l'égalité et la fraternité, est une devise que nous devons défendre parce que c'est cela qui déplaît à un certain nombre d'intégristes qui voudraient que nous vivions dans un état totalitaire où tout est interdit. Continuer à vivre comme nous en avons l'habitude est une bonne manière de résister au terrorisme et à l'intégrisme.
N'est-ce pas une forme de revanche des descendants des colonisés ?
Ces intégristes s'en prennent d'abord aux gens qui vivent avec eux, qui ont la même religion qu'eux, dans leur pays. Le nombre de victimes musulmanes de ces intégristes est considérable ! Cette haine n'est pas simplement dirigée contre l'occident, cette haine est dirigée aussi contre leurs compatriotes, contre les gens qui partagent leur mode de vie. Comment un jeune de 26 ans peut-il avoir comme idéal dans la vie de se faire exploser et mourir ? Il y a trop de désespoir et c'est sûrement contre cela qu'il faut essayer de réagir.
Certains parlementaires d'outre-mer demandent l'extension de l'état d'urgence aux outre-mer...
La situation dans les outre-mer n'est pas identique ; nous n'y sommes pas aussi menacés que dans les capitales occidentales. Nous sommes cependant vigilants puisque Vigipirate est renforcé. Nous sommes attentifs aux jeunes menacés par la radicalisation, aux familles pour qu'elles puissent encore davantage encadrer leurs jeunes, mais il ne faut surtout pas céder à la panique. On ne se sent pas menacés dans les outre-mer comme on peut l'être dans les grandes capitales européennes.
Trois Syriens munis de faux passeports grecs ont été arrêtés dimanche à Saint-Martin !
Nous ne sommes pas en dehors du monde et, bien évidemment, tous ces événements auront des répercussions. Nous allons voir arriver dans les outre-mer un certain nombre de victimes ou de gens mêlés à ce qui se passe aujourd'hui au Moyen-Orient. Nous avons évidemment à demeurer vigilants mais il faut quand même être conscient que le niveau de la menace n'est pas le même. N'oubliez pas tout ce que signifie l'état d'urgence : interdiction de tout rassemblement, y compris des manifestations en plein air... Nous 'en sommes pas là. Si demain, le niveau de la menace augmentait dans les outre-mer, bien évidemment, on aviserait, mais aujourd'hui, d'après les éléments d'information dont nous disposons, ça ne s'impose pas du tout.
Propos recueillis par FXG, à Paris
" La France vengera ses morts"
La ministre a présidé la cérémonie en hommage aux victimes de vendredi soir, devant l'ensemble du personnel (ils étaient plus de 200 à l'extérieur pour la minute de silence). La ministre a tenu un bref discours très martial : "L’heure est aux larmes. Elle est aussi déjà aux armes. L’heure est au recueillement. Elle est aussi déjà à la riposte. L’heure est au chagrin. Elle est déjà aussi à la colère. Ce n’est pas d’une guerre entre les civilisations dont il s’agit. C’est d’une guerre pour la civilisation. (...) La guerre qui nous est livrée ne se refermera pas en même temps que le cercueil de nos morts. (...) D’autres attaques surviendront, ne nous illusionnons pas sur la question. (...) Ce sont des années noires qui s’annoncent pour notre pays. Des années de sang. (...) La guerre s’est tenue loin de la France depuis des dizaines d’années. Ce fut un bienfait. Le temps de la paix est aujourd’hui révolu. La guerre a fait retour sur notre sol. La grandeur de notre pays et celle de notre peuple est d’avoir toujours su faire face aux ennemis qui ont cherché à nous détruire. Aucun n’y est jamais parvenu. L’heure est venue de leur faire face à nouveau. L’heure est venue de les anéantir. La France vengera ses morts..."
Puis la Marseillaise a retenti, portée par les puissantes voix des officiers du SMA.