Le prix de la biodiversité pour la banane de Guadeloupe et Martinique
La banane reçoit le prix de la biodiversité
La banane a été la reine des stands d'outre-mer au salon international de l'agriculture. C'est à son stand que sont venus déjeuner les parlementaires et les conseillers, c'est là encore que sont passés tous les politiques en précampagne... La banane française, c'est 350 producteurs en Martinique, 190 en Guadeloupe, 18 000 emplois, 270 000 tonnes de fruit, 350 millions d'euros de chiffre d'affaires dont 150 de fonds européens.
Huit ans après le lancement du plan banane durable par Michel Barnier, Stéphane Le Foll et George Pau-Langevin ont remis le prix de la biodiversité à l'Union des groupements de producteurs de bananes de la Guadeloupe et de la Martinique (UGPBan), mercredi au salon international de l'agriculture. La période 2008-2013 a permis de mesurer les efforts faits par les producteurs. Des indicateurs de réduction des produits phytosanitaires, de nouvelles techniques à sol vivant et de nouveaux itinéraires culturaux ont été mis en oeuvre. On a laissé courir les plantes de couverture pour réduire les herbicides... Des indicateurs sociaux aussi ont été posés : le nombre d'emplois dans la filière, le nombre d'heures de formation...
"En misant sur l'agro-raisonné, explique Philippe ruelle, directeur général de l'UGPBan, en rétablissant un cercle naturel vertueux, les planteurs antillais ont laissé renaître un écosystème dans les bananeraies. "On était parti sur le charançon... Les années noires, on a traité au chlordécone, puis on a fait du piégeage et on a constaté le retour de nouveaux insectes, oiseaux et parmi eux des prédateurs du charançon." Les pièges à charançon sont bien moins remplis désormais.
"Soit t'es bio, soit tu l'es pas !"
Communiquer sur le thème de la banane durable, ça n'a pas vraiment payé. "C'était flou pour les gens. Soit t'es bio, soit tu l'es pas !"
Le marché de la banane bio est occupé par Saint-Domingue. Aujourd'hui, l'Europe reconnaît la certification bio dominicaine équivalente de à la sienne. Dans les faits, c'est tout autre. L'ODEADOM a rendu une étude sur le bio il y a deux ans : Il signale que contre la cercosporiose, il y a 33 fongicides utilisés en production bio, dont 14 ne sont pas autorisés en Europe. "Si on utilisait les normes de la République dominicaine, nous serions beaucoup plus bio. Si on utilise les normes européennes, on n'est pas bio."
La réglementation européenne donnera cinq ans à la République dominicaine pour se conformer aux normes bio européennes. "Ce qui veut bien dire qu'ils n'y sont pas", signale Philippe Ruelle. Le plan banane durable 2 tend à rapprocher la qualité de la production antillaise du bio pour définir une norme bio tropicale.
FXG, à Paris
Photos Gaby Malahel et FXG
Le prix du bio
Au moment de la COP21, l'UGPBan a publié un placard : "Sommes-nous prêts à payer le prix de nos ambitions écologiques ?" L'UGPBan mise sur un consommateur prêt à payer. "On joue sur 10 ou 20 centimes, pèse Philippe Ruelle, 2 ou 5 centimes de la banane !" L'an dernier la banane de Guadeloupe et de Martinique est devenue la banane française. Un nouveau concept marketing de vente de la banane à la pièce, par bouquets de 3, 4, 5 ou 6 a été lancé avec succès. Un outil a été mis en oeuvre à Dunkerque pour attacher les bananes d'un ruban bleu, blanc et rouge. Objectif : viser un segment dans la grande distribution là où la banane française est vendue à côté de la banane bio et de la banane vrac.
"Maintenant, on va raccrocher les wagons, c'est-à-dire communiquer sur les valeurs sociales et environnementales."
Recherche variétale
L'UGPBan participe aux recherches du CIRAD via son institut technique. Leur plateforme de sélection variétale travaille depuis des années sur d'autres bananes. "On veut sortir de la logique d'une variété unique au niveau mondial", poursuit Philippe Ruelle. Cette variété, c'est la Cavendish. Elle a des atouts industriels mais au niveau agronomique, elle a des manques et ces manques obligent une compensation par des traitements phyto. Depuis plus de dix ans, le CIRAD recherche une variété qui ressemble à une banane, qui ait le goût de banane et qui résiste à la cerco. Le travail par hybridation est long et la N°9 a tout juste été stabilisée. "On a de gros problèmes de brunissement de la peau. On a réussi à résoudre un problème de dégrain, quand le pédoncule se casse, mais le brunissement de la peau, non..." Si leurs travaux aboutissent, ils s'approcheront vraiment du bio et nos producteurs auront une variété qui pourra les différencier.