Rapport Lurel : égalité réelle
Lurel préfigure l'égalité réelle outre-mer
L'ancien ministre des Outre-mer et député de la Guadeloupe a rendu son rapport sur l'égalité réelle hier matin aux ministres George Pau-Langevin et Ericka Bareigts. A charge pour elles d'en faire un projet de loi.
Ce rapport ouvre des portes à des financements nouveaux comme la défiscalisation des infrastructures de base, mais il propose aussi de réformer la sur-rémunération des fonctionnaires ou l'abattement fiscal de 30 ou 40 %, ou encore de régionaliser le SMIC.
Le rapport qu'a remis hier matin le député Victorin Lurel à George Pau-Langevin et Ericka Bareigts, doit préfigurer le projet de loi "égalité réelle outre-mer" promis par le chef de l'Etat. "Cette étape, a indiqué GPL, consiste à mieux formaliser, adapter les outils, évaluer les retards, mesurer les évolutions et assouplir le rythme du rattrapage." Il s'agit donc de s'atteler aux écarts de développement entre les Outre-mer et entre les outre-mer et l'Hexagone. Le rapport Lurel définit l'égalité réelle, analyse les causes des écarts et préconise 35 recommandations déclinées en 75 propositions pour "favoriser la convergence réelle des outre-mer vers la moyenne nationale". Lurel s'appuie sur l'engagement de campagne de François Hollande pour "un nouveau modèle de développement outre-mer" pour proposer que chaque territoire bâtisse un plan de convergence contractualisé sur une période de 25 ans en combinant des critères pour mesurer le rattrapage : le PIB/habitant, l'indice de développement humain et les écarts de pauvreté.
L'idée serait d'abord de récapituler toutes les dépenses de l'Etat (et l'Europe) dans les Outre-mer, d'avoir des outils statistiques modernisés et de mettre en place une vision stratégique à l'horizon 2040. Le rapport propose ainsi que, chaque année en mars, en amont du vote du budget de la mission outre-mer, soit tenu un conseil interministériel outre-mer où chaque ministère ferait le point de ses dépenses en outre-mer. Dans le même temps, serait créé un observatoire de la convergence au commissariat général à l'égalité des territoires tandis que la commission nationale d'évaluation des politiques publiques outre-mer rendrait un rapport tous les deux ans au lieu de cinq. Ca, c'est la méthode.
Dans les faits, il s'agit d'achever l'alignement des prestations sociales (CAF), de modifier l'article 73 de la Constitution pour tenir compte des handicaps structurels reconnus par le traité européen et ouvrir à la Réunion l'habilitation législative, de mettre à niveau les infrastructures de base (en ouvrant leur financement à la défiscalisation), de développer une politique foncière volontariste et dynamique (rétrocéder 100 000 hectares de foncier en Guyane sous forme de propriété collective), de favoriser l'épargne locale et son utilisation sur place (il n'a quand même pas osé proposer les monnaies locales de type bit coins !), de raccourcir les délais de paiement aux entreprises par les collectivités, de créer des zones franches globales...
Réaffecter les fonds de la sur-rémunération au financement des plans de convergence
Victorin Lurel veut "décréter l'état d'urgence social". Il propose de régionaliser le SMIC avec un système de compensation différentielle aux salariés (il soutient que 1400 euros sont trop élevés pour 95 % des entreprises) et de rendre obligatoire le suivi des chômeurs... Il propose donc d'adopter le contrat unique d'embauche, d'élaborer "un plan de formations de masse égalitaire" et décréter "le zéro charge sur l'emploi partout outre-mer". Il préconise encore un complément temporaire de retraite pour ceux dont la pension est inférieure au taux de pauvreté national...
Il s'agira encore d'évaluer les besoins en personnel et infrastructure scolaires et, au-delà, de rendre obligatoire pour le système éducatif une formation pour ceux qui ont décroché de l'école... Autre idée forte : développer les transports collectifs. A ce sujet, Victorin Lurel a beaucoup parlé de péages... C'est qu'il faut des moyens pérennes de financement pour ces plans de convergence. Ainsi, le député propose d'augmenter la TVA selon les territoires, d'étendre l'octroi de mer aux services, voire de transformer l'octroi de mer en TVA régionale... Plus audacieux, il propose d'engager la "suppression progressive de la réfaction de l'impôt sur le revenu" (supprimer ces allègements d'impôts de 30 à 40 % selon les territoires) et même de mettre un terme à la sur-rémunération des fonctionnaires en réaffectant ces fonds au financement des plans de convergence. "L'égalité réelle, a commenté Ericka Bareigts, c'est dépasser les statuts, être en amont des problèmes, valoriser les atouts et libérer les énergies." "On essaiera d'aller le plus loin possible, a conclu GPL, dans le respects des orientations..."
Au conseil des ministres, ce mercredi, à l'occasion d'une communication sur les 70 ans de la départementalisation, le gouvernement prendra acte du rapport Lurel. Il appartiendra ensuite aux deux ministres, GPL et Bareigts, d'en tirer un projet de loi qui devrait être présenté en conseil des ministres dans deux mois environ pour un premier examen à l'Assemblée nationale en juillet.
FXG, à Paris