Voyage dans une mémoire
Greg Germain, comédien, revient sur les planches de théâtre au festival d'Avignon avec un spectacle très personnel... Interview.
"Les outre-mer savent aussi faire du théâtre"
Comment est née cette pièce ?
Je me balade dans ma mémoire, mais également celle des autres aussi puisque, comme dit Edouard Glissant, "l'étendue du poème n'est pas infinie, il rejoint très vite les autres poèmes du monde que nous apprendrons" et c'est une façon pour moi de faire un parcours poétique dans ce que je suis, ce qui m'a constitué, ce qui fait la poétique de ma relation avec le reste du monde. J'explique aussi, c'est vrai, comment un petit Guadeloupéen a voulu un jour faire du théâtre, de la télévision, du cinéma... Pourquoi ça s'arrête, pour ça recommence...
Ca faisait longtemps qu'on n'avait vu Greg Germain au théâtre...
Le théâtre est un travail beaucoup plus prenant et c'est précisément ce retour que je voulais faire, me reconcentrer sur ce que je suis vraiment... Homme d'institution, je ne le suis pas décidément ! Et j'ai pourtant essayé ; j'ai été président du festival Off pendant dix ans et je suis encore le président de cette association pour la préfiguration de l'agence de promotion et de diffusion des cultures d'Outre-mer (même si je n'avais pas besoin de l'être !). Je dirige le théâtre de la chapelle du Verbe incarné depuis dix-huit ans et j'ai fait ce travail pour des gens comme moi qui ont moins la chance que d'autres parce qu'ils sont nés loin, d'exercer ce métier d'acteur, de théâtre, du cinéma de télévision...
Cette année la programmation ultramarine à Avignon, c'est quinze compagnies et dix-huit spectacles. Quel rôle a joué l'agence de promotion et de diffusion des cultures d'Outre-mer ?
L'agence accompagne ces quinze compagnies et leur permet de rencontrer des diffuseurs, des programmateurs, de se faire mieux connaître. Le rôle de l'agence, puisque j'en avais écrit le projet, je l'ai joué pendant quinze ans à la chapelle du Verbe incarné en essayant de faire en sorte que les compagnies d'outre-mer non seulement voient le monde, mais que le monde les voie ! Le festival Off est un lieu idéal qui permet à des compagnies d'outre-mer qui ne jouent que deux ou trois fois un spectacle à cause de l'étroitesse du territoire de le jouer 23 fois dans la durée. On professionnalise ainsi un spectacle, une mise en scène, un rôle, un acteur ! Et ce festival Off d'Avignon permet à nos créateurs, nos artistes d'être face à un public différent et ils s'aperçoivent qu'ils savent aussi faire du bon théâtre ! Enfin, ça leur permet aussi de voir ce font les autres, de ne pas rester à tourner entre nous dans nos îles ! Ils voient ainsi que les autres peuvent créer de belles choses, mais également des choses pas toujours formidables. Il y a 1465 spectacles tous les jours dans le Off et ce n'est pas 1465 chefs d'oeuvre ! Les outre-mer ont toute leur place à Avignon et elles y sont les bienvenues !
Nombre de ces pièces sont filmées pour la télévision et l'émission Multiscénik que vous animez. Un programme de rattrapage pour ceux qui n'ont pu venir...
Multiscenik est la seule émission du paysage audiovisuel français consacré au théâtre. Elle est la seule émission à travers laquelle, nous pouvons faire connaître les pièces des créateurs d'Outre-mer, nous pouvons voir sur scène des acteurs qu'on ne voit pas assez souvent sur les scènes de l'Hexagone ! Multiscénik a été conforté par le nouveau directeur de France Ô, Wallès Kotra, et la nouvelle présidente de France télévisions, Delphine Ernotte/. Nous continuerons donc encore quelques années, je l'espère, à montrer au public de France Télévisions (France Ô et Culture box) que les outre-mer savent aussi faire du théâtre.
Propos recueillis par FXG, à Avignon