Affaire Marie-Jeanne dépaysée - interview du bâtonnier Charrière-Bournazel
Interview. Christian Charrière-Bournazel, avocat d'Alfred Marie-Jeanne, ancien bâtonnier de Paris, président du Conseil national des barreaux.
"C'est un procès fictif !"
Le recours devant la Cour européenne des droits de l'Homme n'est-il pas un vain baroud d'honneur ?
Il est tout à fait possible d'agir alors que l'affaire n'est pas définitivement jugée Nous avons une décision insusceptible de recours qui est cette décision de dépaysement qui heurte les droits de la défense. Le 9 novembre à Fort-de-France, nous aurions eu quantité de témoins, y compris de la Caraïbes. Et le peuple a le droit d'assister aux audiences d'autant que c'est une affaire politique et que le peuple fait confiance à celui qui est en jugement. Le peuple martiniquais va-t-il pouvoir se rendre à Paris lorsque l'affaire va venir à la barre ? On ne sait quand ? Nous sommes obligés, pour mettre dans l'esprit des politiques, des procureurs et de quelques juges, que la justice doit être indépendante et qu'il y a des libertés qui sont des droits fondamentaux, de recourir à une juridiction supranationale comme la CEDH.
Qu'est-ce qui vous permet d'affirmer que le dossier vide ?
L'accusation est vide parce que rien n'est précisé comme élément matériel au soutien des accusations portées et que toutes les vérifications financières qui ont été faites sur les comptes d'Alfred Marie-Jeanne, ceux de sa fille et ceux de l'ami de sa fille montrent qu'il n'y a pas eu un centime de détourné. Le président Marie-Jeanne avait souhaité apporter son concours fraternel à l'île voisine où une catastrophe avait détruit une école. Cette école a été reconstruite avec les deniers des Martiniquais sans qu'un seul centime n'ait été détourné. C'est un procès fictif ! Des ordres ont -ils été donnés pour tenter d'entraver l'élection d'AMJ à la tête de la collectivité territoriale ? En tout cas, ça a raté. La délocalisation n'a-t-elle pas pour but de renvoyer le procès de M. Marie-Jeanne à la proximité des élections législatives pour tenter d'empêcher sa réélection ?
Est-ce la raison pour laquelle vous parlez d'une "organisation de déstabilisation politique" ?
Il aurait été décidé en haut lieu que l'affaire Marie-Jeanne soit brandie comme l'archétype d'une affaire de corruption. Je ne connais pas les têtes pensantes qui, dans les arcanes de la chancellerie ou du pouvoir exécutif suprême, ont eu l'idée fallacieuse, malsaine, de vouloir faire de ce procès un exemple des procès anti-corruption, sans manifestement avoir lu le dossier. Ils auraient vu que la poursuite est nulle et le dossier vide !
Ce serait donc un complot politique ?
Ce ne sont pas de mauvaises pensées, mais des hypothèses auxquelles nous sommes conduits par les aberrations procédurales commises dans une affaire où l'on veut persécuter un homme qui a le grand tort d'être indépendant, d'être le président du MIM.
Reprenez-vous avec Me Ursulet le terme de "justice néo-coloniale" ?
Nous sommes face à une défiance systématique de la métropole à l'égard de la Martinique. Les Martiniquais ont du ressentir comme une humiliation très grande cette espèce de défiance à l'égard du peuple qui veut assister à l'audience, et à l'égard des juges, qui sont pourtant des métropolitains, mais qui seraient contaminés par l'esprit martiniquais... Je ne comprends pas que les 7000 km de distance n'aient pas été abolis grâce aux communications modernes et l'ouverture d'esprit qui, paraît-il, serait dans le génie français.
Propos recueillis par FXG, à Paris