Des mesures pour les quelques 2000 ex-mineurs réunionnais déplacés dans l'Hexagone
Une aide au voyage et à l'hébergement pour les ex-mineurs réunionnais déplacés
Un an après son installation la commission dédiée au drame des ex-mineurs réunionnais déplacés dans l'Hexagone a rendu un rapport d'étape.
La liste des enfants déplacés dépasse désormais les 2000 que la ministre des Outre-mer a décidé d'aider financièrement, juridiquement et psychologiquement.
A l'issue de la présentation du rapport intermédiaire de la commission d'information et de recherche historique sur la migration forcée des "Enfants de la Creuse", hier au ministère des Outre-mer, Ericka Bareigts a annoncé des premières mesures en leur faveur. Ces mesures répondent aux premières préconisation de la commission, à commencer par une aide au voyage et à l'hébergement avec une bourse de mobilité gérée par l'union départementale des associations familiales (UDAF). Il s'agira d'une aide au financement de 90 % du prix d'un billet d'avion une fois tous les trois ans et d'une aide à l'hébergement à hauteur de 95 % pour trois nuitées. Cette aide sera mobilisable d'ici un mois dès lors que l'administration aura bouclé ce dispositif. Quant au montant global de l'enveloppe, il sera adapté à la demande en fonction de la liste des ayant-droits qui attestera de l'éligibilité des personnes concernées.
La commission a procédé au dépouillement quasi-exhaustif des documents administratifs et est parvenu à réévaluer leur nombre de 1615 à 2150 (mais 1900 noms seulement) ex-mineurs transplantés dans 64 départements de l'Hexagone de 1963 à 1982. "Ce nouveau nombre, a expliqué le président de la commission Philippe Vitale, ne devrait pas varier de + ou - 5 %." Pour achever ce travail, la ministre a décidé de nommer Ferdinand Melin-Soucramanien, agrégé de droit public (et déontologue de l'Assemblée nationale). son rôle sera de trouver les moyens juridiques pour pérenniser la liste dressée par la commission, notamment en matière de protection de la vie privée.
Des questions encore en suspens
Toujours en réponse aux préconisations de la commission, la ministre a annoncé la signature d'une convention avec la fédération nationale d'aide aux victimes et de médiation, l'INAVEM (et l'ARAJUFA à la Réunion) afin d'offrir un accompagnement psychologique pour les personnes qui auront accès à cette liste.
La ministre a encore annoncé la mise à disposition d'un service de la direction générale de l'Outre-mer pour travailler aux suites qu'il faudra donner aux travaux de la commission et aux mesures à mettre en oeuvre.
Dans le même esprit, et répondant aux souhaits des associations de donner une suite à la commission, un groupe de suivi sera créé avec les associations (le président Vitale proposera le nom de dix personnes) sous l'égide d'un fonctionnaire du ministère.
Des questions restent encore en suspens comme celles des personnes qui ont fait l'objet d'adoption plénières et de leur nom d'origine ; celles qui concernent d'éventuelles réparations matérielles et financières, notamment avec les points retraite quand nombre d'entre eux ont souvent travailler sans avoir été déclarés aux premiers temps de leur migration forcée. Et encore, les aides financières que pourraient recevoir ceux qui ont déjà fait leur retour au pays à leurs frais.
Il faudra désormais attendre le premier trimestre 2018 pour que la commission achève ses travaux et fasses ses ultimes préconisations.
FXG, à Paris
Ils ont dit
Jean-Philippe Jean-Marie, président de l'association de victimes Rasinn Anler : "Ce n'est pas le gros lot qu'on a cherché ! C'est la réparation morale et l'aide de l'Etat pour une vie meilleure. Le combat qui nous a permis d'en arriver là avec la résolution de l'Assemblée nationale en 2014 et l'installation de la commission en 2016, c'est ti pa ti pa... Mais chaque ti pa, c'est chaque pa lé assuré."
Marie-Thérèse Gasp, déplacée dans la Creuse à l'âge de 6 ans : "Le rôle qu'on nous fait endosser maintenant, c'est celui de victimes et de déportés."
Valérie Adanson, trésorière de l'association Rasinn Anler : "On a bien avancé et je suis contente, surtout pour les billets d'avion. Sans le combat d'Ericka Bareigts, notre histoire serait restée dans l'ombre."
Un dispositif mis en place avant l'élection de Michel Debré
Philippe Vitale (photo), président de la commission affirme que "ce dispositif ne naît pas avec Michel Debré", mais que celui-ci lui a donné une "impulsion nouvelle". La question démographique et celle du transfert des populations pauvres de la Réunion est déjà posée sous le Front populaire par les élites intellectuelles et administratives de l'île. La question rebondit sous le régime de Vichy qui envoie des missions "pour étudier en profondeur les solutions à apporter à ce problème considéré comme majeur". En 1948, un rapport de l'inspecteur général Jean Finance insiste sur la question de la surpopulation de l'île et souligne que 5000 pupilles relèvent des services sociaux, plaçant la Réunion comme le premier en ce domaine. Il conclut son rapport : "La seule solution, c'est l'exportation de population." De là, seront décidées les premières migrations à La Sakay (Madagascar) dans les années 1950, puis celles vers l'Hexagone dans les années 1960. La politique de transfert de mineurs attribués à Michel Debré figure déjà dans le rapport du Bureau pour de développement agricole de 1962, soit avant l'élection du député Michel Debré le 5 mai 1963.
La responsabilité minorée du ministère des Affaires sociales
Dès 1971, le préfet de la Réunion et Michel Debré demandent la création d'une antenne du conseil général de la Réunion pour suivre les mineurs déplacés. La réponse du ministère ne viendra qu'en 1974 avec une antenne à Montpellier. Car il n'échappe à personne le "caractère singulier de cette communauté de mineurs réunionnais (...) leur situation de grande souffrance (climat, langue, racisme, maltraitance) et d'adaptation difficile". Ils constituent déjà une "communauté visible au sein des publics de l'Aide à l'Enfance". La commission observe encore que cette politique de transplantation de mineurs est "globalement promue par les autorités politiques et médiatiques de le Réunion, à l'exception de dénonciations sporadiques de l'opposition".
Travail de mémoire et d'enseignement
La commission a pris en compte une des demandes apparue lors des auditions qu'elle a conduites, la création d'un lieu de mémoire. des lieux sont évoqués : Queyzac, Guéret, Paris, Saint-Denis de la Réunion... D'ores et déjà , le conseil départemental s'est dit favorable à la création d'un musée virtuel abrité par le site de l'iconothèque historique de l'océan Indien. De même, la question de l'enseignement de cette histoire fait partie aussi des demandes. La commission a déjà eu des échanges avec l'académie de la Réunion.
La commission d'information et de recherche historique
Installée le 9 février 2016, la commission rassemble sous l'autorité de son président Philippe Vitale, Wilfrid Bertile, Prosper Eve, Gilles Gauvin et Michel Vernerey. Ils sont tous bénévoles. Leur mission, fixée par un arrêté ministériel, est d'établir un tableau précis des populations concernées, de proposer une relation précise des décisions et actes ayant permis leur transfert, d'identifier les contraintes à la transmission complète des dossiers aux pupilles et les moyens de les alléger et de proposer des mesures permettant de favoriser le travail de mémoire individuel et collectif.