Les premiers réfugiés climatiques français viennent de Saint-Martin
La galère des réfugiés climatiques Saint-Martinois
Débarquées le 16 septembre dernier, près de 400 réfugiés climatiques originaires de Saint-Martin sont hébergés dans des hôtels en région parisienne.
Les femmes et leurs enfants ont été relogés dans un centre d'accueil où l'on pourra se préoccuper de la scolarisation de leurs enfants.
Elle s'appelle Jessie Sanchez. Elle attend l'heure du déjeuner sur la terrasse fumeur de l'hôtel Ibis d'Orly où elle est arrivée l y a un mois avec ses deux filles et sa petite-fille de 2 mois. Elle discute avec Miguel, un réfugié climatique, comme elle. Miguel habitait à Sandy Ground, Jessie à Saint-James. Tous les deux sont originaires de la République dominicaine. Et tous les deux ont tout perdu lors du passage d'Irma sur Saint-Martin, le 6 septembre dernier, leur maison et leur emploi... "Je veux travailler, confie Jessie en anglais, avoir une maison... Je veux un avenir... Je ne veux pas revenir à Saint-Martin..." Miguel qui ne s'exprime qu'en espagnol déclare être prêt à aller n'importe où il trouvera un job... Pour le moment, ils se contentent de la situation présente tout en s'étonnant d'être encore dans cette zone aéroportuaire...
Jessie comme Miguel n'en diront pas plus. Les gardiens de l'hôtel ont ordre de ne pas laisser entrer de caméra ou d'appareil photo. "Vous ne devez même pas leur parler", expliquent-ils poliment quand on leur demande combien l'hôtel héberge de réfugiés climatiques... Ces informations, c'est Annick Girardin, ministre des Outre-mer qui les délivrera, le soir même, à l'issue du troisième comité interministériel pour la reconstruction de Saint-Martin (voir encadré).
Les réfugiés climatiques ont été répartis depuis leur arrivée dans l'Hexagone entre quatre sites, l'hôtel Ibis d'Orly, deux hôtels Ibis à Paris 17 et Paris 10, et enfin, à Saint-Germain-en-Laye. Tout est pris en charge par l'Etat, les nuitées (affichées à 143 euros la chambre à Orly) et les trois repas par jour.
Des enfants déscolarisés et désoeuvrés
Dans le hall d'accueil de l'hôtel et dans les couloirs qui desservent les salles de restaurants et les ascenseurs qui mènent aux chambres, de nombreux enfants et adolescents désoeuvrés essaient de s'occuper. Ils parlent anglais, français, espagnol ou créole... Des mères avec leur bébé ont pris place sur les canapés... Tout le monde attend quelque chose sans pouvoir dire quoi... Toutes ces personnes ont été prises en charge par les services de l'Etat qui les a transportées de Saint-Martin vers la Guadeloupe et la Martinique à bord d'avions militaires. Puis elles ont été envoyées par un vol d'Air Caraïbes à Orly. Là, c'est l'association France Horizon, à Aubervilliers, qui a été déléguée pur les prendre en charge.
Ainsi que l'a indiqué la ministre des Outre-mer, France-Horizon va mettre à la disposition de quelque 160 personnes un ancien internat à Coye-la-Forêt dans l'Oise où les enfants pourront être scolarisés, "sur place", dixit Mme Girardin. Des bus devraient notamment emmener les mères et leurs enfants dès ce vendredi aussi bien depuis l'Ibis d'Orly que des autres sites. Néanmoins, selon l'association Dans l'action pour Saint-Martin, si des bus sont prévus aussi pour les autres, certains ne savent pas encore où on va les placer... La ministre a promis "un bilan complet et un accompagnement spécifique de chaque famille, de manière à prendre en compte à la fois leurs difficultés, leurs besoins, mais aussi leurs projets d'avenir parce qu'il faut pouvoir maintenant les accompagner sur la durée". La ministre a assuré que tout serait fait entre aujourd'hui et les deux mois à venir.
Hier midi, un repas leur a été servi. Au menu il y avait du couscous. Personne n'en a mangé car c'est un plat qui ne leur est pas familier .
Certaines se sont plaint qu'il n' ait que de l'eau du robinet à boire...
FXG, à Paris
France-Horizon que nous avons sollicité par téléphone n'a pas décroché et par mail n'a pas donné suite à nos demandes
Le nombre des réfugiés
Entre 7 et 8 000 personnes ont quitté Saint-Martin depuis le passage d'Irma. 2 500 sont venus en métropole. 1 700 sont passés par les dispositifs d'accueil que l'Etat a mis en place en Guadeloupe, à la Martinique et à Paris. 176 personnes ont été prises en charge dans des hôtels parisiens auxquelles se sont rajoutées deux cents personnes qui sont revenues vers les services de l'Etat après être allées dans un premier temps chez leurs amis ou leur famille qui voulait bien d'eux quelques jours, mais étaient dans l'incapacité de les garder avec eux plus longtemps. Près de 400 personnes venant pour la plupart de Saint-Martin sont à actuellement à la recherche de logement."
"On n'a pas choisi de partir"
Sonia Badeau, 45 ans, vivait à Bellevue, avec sa fille de 13 ans. Elle était agent d'entretien. "On n'a pas choisi de partir, mais il a bien fallu bouger. Irma a tout cassé. Fallait évacuer... On a pu partir alors on est parti ! Ici au moins, on nous donne à manger et à boire... A Saint-Martin, il fallait faire 2 km pour avoir deux petites bouteilles d'eau !" Rapatriées par avion militaire avec sa fille, elles ont été bien accueillies en Martinique. C'est là que Sonia a choisi sa destination, Paris où son aînée est installée. Elle prépare le concours de l'école d'infirmière. "Pour l'instant, on est encore à l'hôtel à Orly, mais vendredi on va bouger pour aller à Coye-la-Forêt. On aura les moyens de scolariser les enfants..." Sonia voit les enfants s'ennuyer, perdre er temps : "Ils n'ont rien à faire et ils s'inquiètent de voir filer le premier trimestre..." Elle regrette aussi qu'aucune aide ou soutien scolaire ne leur ait été proposé depuis leur arrivée. Elle a bien vu que l'association France Horizon vient parfois et les renseigne, mais pas plus. "Ce sont eux qui montent les dossiers", comprend-elle.
Sonia voudrait bien revenir à Saint-Martin où son mari est resté pour participer à la reconstruction, "mais ça n'avance pas beaucoup et, dit-elle, les enfants, c'est la priorité." Elle se dit qu'elle est partie pour rester ici en région parisienne quelques années encore. Elle aimerait bien pouvoir se loger, travailler et venir en aide à son aînée. "Elle est hébergée temporairement chez une amie et elle n'a pas de bourse..." Faute de moyens, elle n'a pu aller lui rendre visite, c'est sa fille qui est venue... "On nous nourrit, on nous loge, mais nous n'avons pas a liberté de mouvement... On est dans la m... ici et là-bas, mais comment va-t-on faire ? On n'est pas des oiseaux pour rester entre les deux !"
Trois questions à Rebecca Marival, présidente du Collectif Dans l'action avec Saint-Martin
"Il faut dire à ces mamans de rentrer à Saint-Martin"
Comment avez-vous trouvé les sinistrés d'Irma à Paris ?
On les a déposés dans leurs hôtels il y a un mois et puis on les a un peu oubliés. Ils ont un papier qui reconnaît qu'ils sont des réfugiés climatiques et qu'ils sont en règle, mais à part le fait qu'on leur donne à manger, ils n'ont aucun contact avec France Horizon qui est censé les prendre en charge et ils ignorent quelle est la suite qui les attend. Il faut savoir qu'à part la nourriture qu'on leur donne à l'hôtel, ils n'ont pas un vêtement chaud —certains n'ont que des tongs — et sont sans le sou.
La plupart sont des mamans avec enfants...
Ce sont des mamans qui ne parlent pas un mot de français, mais espagnol, anglais, créole haïtien, ce sont beaucoup de jeunes filles avec enfants... Pour le moment, elles vont bien parce qu'elles découvrent un monde nouveau, elles sont à l'hôtel... Mais elles ne se rendent pas compte de ce que la suite sera bien moins drôle. Celles qui ont des enfants vont partir au château de Coye, mais les autres iront dans un autre hôtel Ibis...
Vous avez conseillé à certains d'entre eux de revenir à Saint-Martin, pourquoi ?
Il faut trouver les mots pour dire à ces mamans de rentrer à Saint-Martin parce que si elles n'ont pas de toit là-bas, il ne faut pas qu'elles croient qu'en deux mois, on va leur trouver logement, travail et école ici ! Ce que je vois ici, ce sont des gens en détresse dans des couloirs d'hôtel. Ils ont tout perdu certes, et je peux comprendre qu'ils pensent que la France est un eldorado, mais ce qu'on leur propose à Coye-la-Forêt, ce sera ni plus ni moins qu'un camp de refugiés, même s'il y a un grand jardin pour les enfants. Ils n'ont pas quitté Saint-Martin pauvre pour devenir riche à Paris, voilà ce qu'on essaye de leur faire comprendre.
Propos recueillis par FXG, à Paris