Démission de Laura Flessel
Laura Flessel jette poliment l'éponge
"J'espère que l'outre-mer sera fier de cette insulaire qui ne l’oubliera pas", déclarait à France-Antilles Laura Flessel avant son premier déplacement ministériel en juin 2017.
Comme ministre des Sports, Laura Flessel, un peu à l'écart, dans le 13e arrondissement de Paris, avait bonne presse et était l'une des plus populaires ministres du gouvernement d'Edouard Philippe. Sans compter qu'elle pouvait mettre à son crédit la réussite de la candidature de Paris aux JO 2024 et même la deuxième étoile sur les maillots de l'équipe de France de foot... Et puis, patatra ! La guêpe a surpris tout le monde en annonçant mardi sa démission. Selon les déclarations de son entourage à l'AFP, Laura Flessel assure que ce choix n'a rien à voir avec des questions budgétaires, ajoutant même qu'elle "veut retrouver sa liberté et agir différemment". Pourtant, quoiqu'elle s'en défende, l'ombre de Bercy, le ministère qui faisait face au sien par delà la Seine, pourrait bien avoir tout de même un peu participé à sa décision. Le 22 juin 2017, à la veille de se rendre aux Antilles pour son premier déplacement officiel en tant que ministre, Laura Flessel déclarait encore à France-Antilles : "Je veux être fière des actions que nous allons mener, notamment en Guadeloupe et en Martinique." A ce moment-là, elle saluait l’action de son prédécesseur PS Patrick Kanner qui avait lancé depuis janvier 2017 un plan de 20 millions d'euros pour rénover et construire des équipements sportifs outre-mer. 10 millions devaient provenir du Centre national pour le développement du sport (CNDS), dix autres des Outre-mer. Laura Flessel présente alors sa politique pour le sport de haut niveau et le sport en général en outre-mer ainsi : "Les enjeux sont multiples : il y a de l'infrastructure bien sûr, mais aussi la cohésion, l'encadrement des sportifs, leurs déplacements, leur déracinement... Je sais de quoi je parle : j'ai rencontré ces mêmes problèmes. Il y a eu des améliorations, mais pour innover, il faut se rendre sur le terrain. Si on veut des champions, il faut travailler l'encadrement, stimuler l'environnement, comprendre les dysfonctionnements, l'éloignement, et le coût qu’il représente... de beaux chantiers devant nous !"
Plan Kanner à la trappe
En septembre 2017, à l'occasion de son audition par les députés, Annick Girardin annonce qu'elle n'entend plus verser sa part de 10 millions d'euros. Elle explique aux députés que les Jeux olympiques ne sont pas uniquement ceux de Paris, mais de la France, donc des Outre-mer et indique qu'elle est "ouverte à un débat pour voir comment nos champions peuvent faire participer les outre-mer à la réussite de la France au JO"... Fin octobre, l'examen du budget révèle que le pal Kanner a disparu des lignes budgétaires. Mieux que les crédits du CNDS siont amputés de 130 millions d'euros au bénéfice de JO... Le CNDS ne peut dès lors plus financer le plan d’actions pour le développement des installations sportives qui passe à la trappe...
Au début du mois de novembre 2017, à l'occasion de son déplacement en Guadeloupe et à Saint-Martin, Edouard Philippe, le Premier ministre, annonce une enveloppe de 7 à 12 millions d'euros alimentés à la fois par le budget du ministère des Sports et celui du CNDS. Ce dernier lance par la suite "un appel à projets relatif aux études d’équipements sportifs démonstrateurs innovants adaptés aux territoires ultramarins"...
Laura Flessel a ainsi éprouvé les difficultés qu'il y a à être ministre à l'ombre de Bercy. et son départ intervient au moment où le mouvement sportif s'inquiète pour ses moyens, un an après l'attribution des JO-2024 à Paris. Son dernier budget avait accusé une baisse de 7%, à 481 millions d'euros, avant une rallonge de 27 millions d'euros votée au Parlement. D'ici 2024, l'Etat doit aussi investir 1 milliard d'euros dans les infrastructures des Jeux olympiques.
Juste avant d'être nommée ministre, Laura Flessel avait avais pris l'engagement de se rendre à une manifestation en Guadeloupe autour des bienfaits du sport pour la santé, pour lutter contre les maladies cardio-vasculaires, les AVC, et autour de l’enjeu de l'accès au sport pour les cérébro-lésés. Aujourd'hui, elle veut "retrouver des engagements passés, justement tournés vers l'humain, la solidarité et la coopération internationale".
FXG, à Paris (avec l'AFP)
Démission fiscale ?
Le Canard enchaîné et Médiapart ont évoqué dès mardi l'hypothèse d'une démission pour raison fiscale. Selon les deux titres, le lièvre aurait été soulevé par la Haute Autorité de la transparence de la vie politique qui aurait alerté l'administration fiscale, particulièrement la Commission des infractions fiscales après avoir découvert des manquements déclaratifs de la ministre concernant la société de droit à l’image, Flessel & Co, détenue à 87,5 % par Mme Flessel et à 12,5 % par son mari, Denis Colovic, qui en est aussi le gérant. Les sommes en cause s’élèveraient à plusieurs dizaines de milliers d’euros d'impôt potentiellement éludés sur les trois derniers exercices de l’entreprise concernée, selon les deux titres. Le cabinet de Mme Flessel n'a pas admis cette version pour expliquer sa démission.
Bareigts salue une "décision courageuse"
L'ancienne ministre des Outre-mer, Ericka Bareigts a salué la décision de démissionner de Laura Flessel comme une "décision courageuse qui intervient alors que le gouvernement souhaite continuer les coupes sombres dans le budget en faveur du sport". Ericka Bareigts observe qu'alors que les moyens sont croissants pour les JO 2024 alors que ceux accordés au sport amateur, aux associations de quartier "connaissent une baisse drastique".
"Il y a tout juste un an, explique l'ancienne ministre, j’avais eu l'occasion de partager avec Laura Flessel, les inquiétudes des associations et des familles. Comment envoyer nos jeunes Réunionnais talentueux aux compétitions sportives nationales sans moyens pour la mobilité ? Comment continuer l'investissement que j'avais moi-même engagé sur la rénovation des infrastructures sportives nécessaires à la pratique de proximité ?"
Ericka Bareigts assure encore que cette démission est "un nouveau signal d’alerte pour le gouvernement : le sport, comme l’écologie, ne sont pas des variables d’ajustements budgétaires."