Pierre Moscovici, commissaire européen à l'économie et la fiscalité, évoque la politique de l'UE pour les Outre-mer
Pierre Moscovici, commissaire européen à l'économie et à la fiscalité
"L’Europe est une chance pour les Outre-mer"
Même si la spécificité des territoires ultramarins est reconnue par l’Union européenne, les relations entre Bruxelles et ces territoires sont distantes. Comment expliquez-vous ce qui peut être ressenti comme une indifférence ?
D'un côté, l’Union européenne n’intégrait pas assez les spécificités des régions ultramarines dans ses politiques, de l’autre côté, les Ultramarins n’attendaient pas grand-chose de cette Europe lointaine. J’en veux pour preuve le taux de participation aux européennes, significativement inférieur à celui de l’Hexagone (moins de 10% en Guyane et Guadeloupe, seulement 20% à La Réunion et près de 11% en Martinique). C’était une erreur fondamentale car les Outre-mer sont une chance pour l’Europe et l’Europe est une chance pour les Outre-mer.
Cette formule n'est-elle pas un poncif ?
Non, parce que les Outre-mer contribuent au dynamisme et au rayonnement de l’Union. Ces territoires projettent la présence de l’Europe dans le monde – en Afrique, Asie et ou Amérique latine. Leurs biodiversités, leurs espaces maritimes et leur capacité à innover sont autant d’opportunités de croissance. Mais surtout, la diversité culturelle apportée par les Outre-mer grandit l’Europe et nous savons à quel point, le principe de société ouverte, multiculturelle, doit aujourd’hui être réaffirmé.
Ce sont de belles paroles à côté des difficultés que connaissent les territoires...
Je n’ignore pas que les Outre-mer sont aussi confrontées à des défis tant structurels que conjoncturels : la forte spécialisation de leurs économies, la vie chère, l’insularité, l’éloignement, les phénomènes naturels à l’heure du réchauffement climatique… Les conditions sur le terrain sont également plus difficiles que sur le continent. Je pense particulièrement au chômage des jeunes qui ne semblent pas baisser et à la précarité qui l’accompagne.
Alors en quoi l'Europe est-elle une chance pour les Outre-mer ?
L’Europe représente une chance pour les Outre-mer, car elle s’est donnée les moyens de les aider à surmonter ces défis. Je suis particulièrement heureux du travail achevé durant le mandat actuel de Commission européenne : nous avons discuté, écouté, pris en compte les spécificités des Outre-mer et nous avons agi pour leur proposer des solutions sur mesure. Tout ce travail s’est concrétisé dans une nouvelle stratégie pour les régions ultrapériphériques. Son objectif est simple : accompagner les Outre-mer pour que ces territoires puissent exprimer pleinement leur potentiel.
Quelle a été l'action de l'Europe en matière d’investissement, d’innovation et de développement ?
Je pense d’abord aux fonds européens. Sur la programmation actuelle 2014-2020, près de 13 milliards d’euros sont alloués au développement des Outre-mer et contribuent à améliorer les conditions de vie, d’investissement et de créations d’emplois dans vos territoires. Je pense aussi à la révision du Règlement Général d’Exemption par Catégorie (qui facilite la mise en place de mesures économiques par les Etats-membres pour accompagner le développement des territoires), aux avancées en matière de financement de la flotte de pêche artisanale ou encore aux mesures qui assurent l’avenir du POSEI (programmes d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité, qui soutient l’innovation dans les secteurs traditionnels, comme la pêche et l’agro-alimentaire).
Et vous-même, dans vos domaines de compétence, l’économie et la fiscalité, qu'avez-vous fait ?
J’ai contribué à cette nouvelle stratégie. La Commission a proposé une nouvelle initiative dédiée aux Outre-mer pour faciliter leur accès au plan Juncker, le grand plan d’investissement que nous avons mis en place. Je pense aussi à la décision sur le contingent de rhum traditionnel produit en Martinique, Guadeloupe, Guyane et à La Réunion. Je sais l'importance économique de la filière rhum-cannes-sucre pour les DOM (plus de 40 000 emplois directs et indirects) et j’ai souhaité que la règlementation européenne favorise l’économie ultramarine et assure la compétitivité des producteurs français de rhum face aux productions extracommunautaires à bas coûts. Voilà pourquoi la Commission a décidé d’augmenter le contingent de Rhum soumis à un taux réduit d’accise (de 120.000 hectolitres par an à 144.000). Cette semaine encore, j’ai proposé de nouvelles règles pour permettre à un plus grand nombre de produits locaux de bénéficier d'exemptions ou de réductions fiscales en Guadeloupe, en Guyane et à la Martinique et La Réunion. L’objectif de cette mesure est de favoriser la production et la consommation des produits locaux, en protégeant les entreprises ultramarines de la concurrence déséquilibrée de leurs voisins. C’est une bouffée d’oxygène pour les économies ultramarines et les Ultramarins et c’est la preuve que l’Europe sait protéger toutes ses régions ! Ainsi, ce sont 83 nouveaux produits qui bénéficieront de cette mesure, dont le sucre de canne, des légumes produits localement ou encore, les meubles en bois.
Cela convaincra-t-il nos compatriotes d'Outre-mer à aller voter le 26 mai prochain ?
A la veille des élections européennes, nous devrons nous mobiliser pour que cette dynamique perdure. C’est l’un des nombreux enjeux du scrutin du 26 mai prochain, et j’appelle les ultramarines et les ultramarins à faire entendre leur voix. Je connais l’énergie, la volonté développées par les citoyens ultramarins, les élus locaux, les parlementaires pour faire réussir leurs territoires et ils pourront compter sur moi pour être à leurs côtés.
Propos recueillis par FXG, à Paris