Discriminations raciales aux logements
SOS Racisme dénonce les discriminations raciales au logement
Une enquête de SOS Racisme révèle que les Africains subsahariens et les Ultramarins ont 40 % de chance en moins d'avoir un retour positif après une candidature pour un logement locatif privé en France.
"Le taux de discrimination est alarmant." Dominique Sopo, président de SOS racisme, a révélé mardi 7 mai les résultats de l'enquête de son association sur les discriminations raciales au logement. Entre mai 2017 et aujourd'hui, 775 annonces ont été testées au regard de cinq origines différentes (asiatique, "française métropolitaine ancienne", maghrébine, subsaharienne et ultramarine). Sur les 4000 mails envoyés, le profil français ancien a obtenu 16 % de retours positifs. Le profil asiatique 12,5 %, le profil maghrébin 10 % et les profils subsahariens et ultramarins 9,5 % de retours positifs. "Cela signifie, explique le président de SOS Racisme, qu'un jeune d'origine ultramarine ou subsaharienne a 40 % de chance en moins d'avoir un logement qu'un jeune actif d'origine française ancienne." Ce taux est de 37 % pour les Maghrébins et de 20 % pour les Asiatiques. Chez les étudiants, ce taux baisse généralement de 10 %.
Sur les plateformes pap.fr et leboncoin.fr, SOS Racisme a procédé à 250 tests depuis le mois d'octobre dernier en Ile de France. 1250 mails pour 250 annonces. 48 % de retours positifs pour un Français d'origine ancienne, 46 % pour un Asiatique, 31 % pour un Ultramarin, 15 % pour un Maghrébin et 12 % pour un Africain subsaharien. Cette fois l'Ultramarin à 26 % de chance en moins d'avoir un retour positif, le Maghrébin 50 % et l'Africain subsaharien 55 % !
SOS Racisme a encore pratiqué le testing inversé en se faisant passer pour des propriétaires racistes auprès de 90 agents immobiliers oeuvrant pour l'un des neuf grands réseaux immobiliers français (Era France, Guy Hoquet, Nestenn, Laforêt, Arthur'Immo, L'Adresse, ORPI, Foncia, Century 21). 51 % des agents interrogés acceptent les pratiques discriminatoires. 25 % sont même prêts à procéder eux-mêmes à la sélection. Seul Century 21 n'a accepté aucune discrimination...
Exigence de sanctions
Ce testing révèle, selon ses initiateurs, le manque d'une volonté constante des pouvoirs publics : "Si ce phénomène est enkystée dans cette région très métissée qu'est l'Ile de France, explique M. Sopo, c'est que les pouvoirs publics ont été défaillants face à une société confrontée à des logiques de repli et de réactions." Il propose donc d'imposer des formations aux personnes qui travaillent dans l'immobilier sur le droit à la non-discrimination, mettre de l'information à la disposition des annonceurs sur les sites de particulier à particulier, à la disposition du grand public... SOS Racisme propose encore la candidature anonyme. Prévention certes et encore ! Mais rappelle Dominique Sopo, "le racisme est un délit pénal", donc il veut aussi des sanctions. "Nous proposons que le conseil national de la gestion immobilière soit doté de pouvoirs de sanction disciplinaire, ce qui était prévu dans la loi ALLUR de 2014 et qui a été supprimé par la loi ELAN de 2018 au nom de la simplification... Et simplifier la vie des personnes qui veulent louer des biens, non ?" La loi prévoit des sanctions, mais elles ne sont pas réellement utilisées d'où l'idée de sensibiliser les magistrats à la question de ces discriminations pour qu'ils sachent s'en saisir et les punir... La Cour de cassation a reconnu le testing comme une méthode de preuve valable depuis vingt ans.
FXG, à Paris
Les Ultramarins concernés
"Les Ultramarins sont eux aussi touchés fortement, a déclaré le président de SOS Racisme, ils sont soumis aux discriminations raciales. Quand quelqu'un se présente de Guadeloupe, Martinique ou de la Réunion, dans l'esprit commun, il y a quelque chose, une ambiguïté qui la signale comme une personne étrangère. Elle est prise dans un système de préjugés qui peuvent exister sur les personnes de couleur noire."
Trois questions à Jean-Marc Mormeck
"Il s’agit très clairement d’un délit pénal"
Comment réagissez-vous aux résultats de cette enquête ?
Ces résultats sont dramatiques. On sait naturellement que la discrimination raciste pour l’accès au logement existe malheureusement mais ses proportions sont dramatiques.
Alors, que faire ?
Il y a un énorme travail de formation à faire mais également plus généralement dans l’éducation de chaque citoyen car le racisme ne touche pas que l’accès au logement. Il faut aussi rappeler à toutes ces victimes qu’il s’agit très clairement d’un délit pénal lourdement sanctionné et qu’il ne faut surtout pas hésiter à porter plainte ou plus simplement à signaler ces situations sur le site du Défenseur des droits par une plainte en ligne. Je pense clairement qu’il faut faire des exemples pour que les choses bougent enfin.
Qu'avez-vous à dire spécifiquement pour ce qui concerne les Ultramarins ?
En ce qui concerne les ultramarins, il existe en plus une autre discrimination malheureusement trop fréquente : le refus d’une caution locative au motif de la domiciliation bancaire en outre-mer. Là encore, il s’agit très clairement d’une illégalité qu’il convient de signaler systématiquement pour la faire sanctionner.