Le patron de l'UDI aux Antilles
Jean-Christophe Lagarde, président de l'UDI, est en déplacement aux Antilles.
"Pas d'alliance systématique avec un parti ou un autre"
Quelles sont les raisons de votre déplacement aux Antilles ?
Ce déplacement s'inscrit dans la campagne des municipales pour à la fois soutenir nos candidats sont tête de liste mais également rencontrer ceux qui participent à des listes différentes en fonction des projets et des équipes locales dans lesquels ils peuvent s'inscrire.
Qui sont vos têtes de liste ?
En Guadeloupe, nous avons une tête de liste qui est Jessica Compper pour la commune du Gosier. En Martinique, c'est Philippe Petit à Ducos.
Quelle est votre stratégie pour les listes que l'UDI ne conduira pas ?
Je veux qu'on respecte l'esprit des élections municipales. Ce sont des élections, commune par commune, et donc nos dirigeants comme nos militants discutent commune par commune avec les équipes en place et nouent des alliances en fonction du projet et de la qualité des équipes. Si on partage le projet même si on peut avoir des désaccords par ailleurs sur la politique nationale voire territoriale, on doit pouvoir faire un bout de chemin ensemble. Le principe des municipales est que le maire et son équipe portent un projet qui ne doit pas être dépendant d'autres considérations que la commune. C'est là que les gens vivent, les enfants grandissent, les personnes âgées passent leur retraite... C'est là qu'on développe l'activité économique et chaque ville est différente, chaque projet de ville est différent donc chaque alliance doit pouvoir être différente. Il n'y a pas d'alliance systématique avec un parti ou un autre.
Ces accords sont-ils déjà scellés ou en cours ?
Il y a des accords qui sont très avancés et je vais rencontrer un certains nombres d'élus, de militants qui sont en accord ou proches d'un accord avec les responsables UDI locaux. Nous allons ainsi rencontrer des chefs d'entreprises, des maires, des militants, des responsables politiques même quand ils ne sont pas de grands élus, notamment mais pas seulement, pour voir comment ces partenariats locaux peuvent se construire et comment on peut les habiller.
Aujourd'hui, à Pointe-à-Pitre comme à Fort-de-France, rien n'est scellé. Dans de plus petites communes, les choses sont mieux avancées mais vous comprendrez que je serai mieux à même de faire ces annonces sur place, après avoir vu les équipes.
Vous allez tout de même évoquer la politique outre-mer du gouvernement ?
Mon déplacement concerne les municipales, mais seulement. J'ai été porte-parole de l'UDF sur les sujets d'Outre-mer pendant dix ans et ce sont des sujets qui continuent à m'intéresser. Il y a des combats qui ne doivent cesser d'être menés... Il y a un sujet que j'aurai aimé voir aboutir à l'Assemblée nationale et qui n'a pas abouti parce que le gouvernement a reculé face à sa majorité, c'est la free taxe pour les croisiéristes aux Antilles. C'est un combat que nous allons reprendre au Sénat et j'ai bon espoir qu'on le fasse aboutir. Nous souhaitons même élargir la réflexion au-delà des croisiéristes ! Pourquoi un touriste qui vient passer une semaine à l'hôtel ne bénéficierait pas du duty free...
Etes-vous sensibilisé à la problématique des sargasses ?
Le Premier ministre vient de passer quelques jours sur place pour essayer de faire bouger les choses. C'est un sujet compliqué parce qu'il n'y a pas qu'une seule solution aux sargasses. Il y a d'abord une solution d'activité économique qui nécessite de la coopération régionale pour que, notamment, la déforestation cesse d'alimenter ce phénomène. Il y a des progrès techniques à faire dans la détection et le ramassage et il y a des filières économiques à inventer pour valoriser ce produit qui aujourd'hui est un handicap et qui, demain, doit être un atout. Ces algues sont valorisables en faisant du bioplastique par exemple. Je pense que la recherche européenne devrait s'en saisir. Pourquoi l'Europe ? Parce que c'est la seule à se préoccuper de l'état de santé de la mer et notamment de l'Atlantique et de la Caraïbe. Il n'y a pas que les sargasses, il y a un deuxième continent de plastique qui est en train de naître dans la Caraïbe. Les sargasses comme le plastique condamnent à terme la zone économiquement. 320 000 tonnes d'ordures plastiques sont rejetées dans la Caraïbe. Le recordman du monde de ce rejet, c'est Trinité et Tobago.
Etes-vous de ceux qui veulent la fin de l'octroi de mer ?
Je suis exaspéré qu'on parle de l'octroi de mer comme un problème depuis trente ans. En 1992, la Cour de justice européenne a dit que ce dispositif n'était pas légal et on en est encore à des dérogations pour prolonger l'autorisation au-delà du 1er janvier 2021. L'octroi de mer permet de financer la solidarité territoriale, mais renchérit le coup de la vie. En revanche, on a une TVA plus basse... Il y a deux solutions soit on change la règle européenne, on supprime l'octroi de mer et on se met à la TVA normale et normalement, ça n'impacte pas le pouvoir d'achat des gens, soit on veut le garder et dans ce cas-là, c'est une renégociation européenne.
Que pensez-vous de l'émergence d'un vote RN aux Antilles ?
C'est le signe de l'exaspération des Antillais face à un niveau de vie qui reste très inférieur à ce qu'il pourrait être, à une succession de dirigeants politiques qui n'ont pas réussi et aussi à un vrai malentendus : s'il y a bien un parti politique qui n'a aucune chance d'apporter quoi que ce soit aux Antilles, c'est bien un parti politique qui prône à la fois la discrimination raciale et l'enfermement sur soi-même. Y a-t-il un Guadeloupéen ou un Martiniquais qui peut penser que l'isolement de la France est une façon de rayonner ? La France n'a plus de vision de la place des Antilles et la Guyane dans la communauté nationale. Il se trouve que je pense que ce sont de formidables porte-avions de la qualité française en direction de l'ensemble du monde américain. Vous êtes aux portes des Amériques et vous devriez être la première vitrine de la qualité française, en recherche, produits, alimentation... Mais il n'y a pas de stratégie parce qu'on n'a pas fixé la place des Antilles et de la Guyane alors qu'on le fait pour la Réunion... C'est très regrettable, car c'est une présence française qui pourrait être très attractive. Or, la sur-taxation dont ces territoires font l'objet vient de percuter avec des micro-Etats qui n'ont pas de taxe... Ca ne concerne pas que le tourisme, la canne ou la banane...
Depuis l'arrivée au pouvoir de Macron, la France est gouvernée au centre. Comment fait l'UDI pour faire valoir son identité face aux MODEM et LREM ?
Nous sommes l'original et pas la copie. Ca donne une colonne vertébrale qui permet de rester authentique. Dans la politique du président Macron, il y a des éléments que nous réclamions depuis des années, la réforme des retraites par exemple...Mais il y a des erreurs comme la hausse de la CSG qui ne pénalise que les travailleurs et le retraités... Je préfèrerai un dispositif de TVA qui permette de taxer les produits qui rentrent dans le pays pour que la protection sociale ne pèse pas que sur le travail des Français. La TVA sociale permettrait de produire moins cher en France que ça ne l'est aujourd'hui.
Quelle est la vision de l'UDI sur la gouvernance locale des Antilles ?
Le débat indépendantiste est un faux débat. Il suffit de regarder les îles autour, la protection sociale, le niveau de vie... L'UDI est un parti qui porte profondément l'idée du droit à la différenciation, c'est-à-dire que les règles du jeu, les compétences, l'organisation des taxes ne doivent pas être les mêmes partout. Pour le moment, on est encore trop dans un système d'uniformité avec une culture trop centralisatrice. Dans le monde moderne, il faut s'adapter rapidement et précisément. Les enjeux en Guadeloupe et en Martinique ne sont pas les mêmes donc les compétences, les moyens, la capacité à légiférer devraient être différents, en tout cas différents de ce qui se passe pour la Creuse ou la Corse. Ca c'est difficile à faire comprendre à Paris et difficile à faire partager localement. Il y a un double besoin : celui de plus d'autonomie et responsabilité et parallèlement, le besoin de rester dans la République pour bénéficier de la solidarité nationale... Le SMA existe parce que la France est là et en même temps on peut critiquer la gestion centralisée et nationale du scandale du chlordécone. Pardon, mais c'est un sujet qui n'existe pas dans la Creuse. Le chlordécone à Paris, c'est un des dossiers. Ici, c'est prioritaire. On a besoin d'une totale transparence et cette transparence serait mieux conduite localement qu'à Paris.
Propos recueillis par FXG, à Paris