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Publié par fxg

Maël Disa et ses missions

Le nouveau délégué interministériel à l'égalité des chances de Français d'Outre-mer et à la visibilité des Outre-mer (DIECV), Maël Disa s'explique sur ses missions.

"Je veux créer un esprit de diaspora ultramarine"

La première partie de votre mission, l'égalité des chances, reste inchangée par rapport au décret de 2007, que reste-t-il à faire ?

En 13 ans, pas mal de sujets ont été traités même si certains n'ont pas été finalisés. Dans ce périmètre, reste le gros sujet de la continuité territoriale pour que les gens qui sont en mobilité, étudiants, en formation professionnelle, pour le sport ou la culture, puissent venir dans l'Hexagone et y vivre dans des conditions correctes. Reste aussi la question du logement étudiant qui n'est pas réglé comme celui des billets d'avion.

Concernant la discrimination au logement, une loi a pourtant été votée. Pourquoi le problème perdure-t-il ?

La loi, c'est bien, mais c'est avant tout un problème d'offre et de demande. Quand vous avez cinquante dossiers pour un logement, forcément, le propriétaire fait son choix et c'est difficile de prouver qu'il a fait son choix par discrimination envers les Ultramarins... Pour les étudiants, il suffit de pré-réserver un certain nombre de logements par an, 15 000 si l'on prend comme base le nombre de billets d'avion payés par L'agence de mobilité outre-mer (LADOM). Ca passe par des conventions avec les CROUS, les CNOUS, les bailleurs sociaux...

De telles conventions ont été déjà signées...

Les Régions, notamment, ont un certain nombre de chambres réservées à la Cité universitaire internationale de Paris, mais on a de plus en plus de gens qui partent... Il faut remettre tout ça à plat et travailler en synergie avec LADOM, dans le cadre de sa réforme, et les autres opérateurs.

Il reste le problème des billets d'avion...

Comme par hasard, pendant la saison haute, tous les billets sont très chers...

N'est-ce pas dû à la loi du marché et au yield management ?

Oui, mais peut-être y a-t-il un jeu des acteurs privés ou parapublics qui s'entendraient... Il faut voir si c'est ça ou si c'est vraiment le marché qui fluctue. Il y a aussi le sujet funéraire... Tout ça, ce sont des sujets qui ont été réglés mais qui n'ont pas été pérennisés. Mes prédécesseurs ont obtenu des acquis, mais en 13 ans, il y a eu de la déperdition et il y a eu des changements de gouvernance.

Votre nouveau périmètre inclut la visibilité, c'est quoi ?

Nous sommes souvent des territoires d'expérimentation, des laboratoires. En matière d'écologie, la première centrale géothermique, c'est aux Antilles. On est souvent des territoires innovants dans différents domaines, sauf que personne ne le sait. Au moment où l'on parle de plus de visibilité dans les médias, où France Ô va être supprimé pour favoriser une visibilité générale et non communautariste, c'est le moment de mettre en lumière des initiatives publiques ou privées, associatives ou entrepreneuriales des Ultramarins qu'ils soient chez nous, dans l'Hexagone ou à l'étranger.

Comment nous montrer ?

On doit être capable de construire un vivier de nos forces vives car on ne connaît pas très bien la communauté ultramarine. Or, les Ultramarins  qui ont quitté leur territoire ont toujours cette fibre de vouloir y contribuer. Tout récemment, le groupe AG2R la Mondiale à nommé un Ultramarin, Joël Destom, comme directeur en Ile de France. Le plus gros fonds d'investissement en France dans l'énergie, Méridiam, est présidé par un Martiniquais, Thierry Déau... Eux aussi veulent contribuer, même s'ils n'ont pas forcément le temps de prendre des initiatives, ils sont prêts à soutenir. Il faut qu'on se connaisse plus et la délégation va jouer ce rôle pour constituer un vivier de leaders ultramarins. Ca peut aussi changer la perception des gens qui ne veulent pas louer à des Ultramarins...

Vous dîtes qu'ils font que les Outre-mer aient une vraie diaspora...

J'ai vécu ça aux Etats-Unis avec la diaspora indienne. J'étais en Californie où les patrons de Google, Fedex, Microsoft ou Amex sont des Indiens. Ils ne vivent pas en Inde, n'iront jamais, ni eux, ni leurs enfants, mais ils n'embauchent que des Indiens. En Inde, ils sont devenus une école à former des ingénieurs informatiques et ils sont devenus les leaders mondiaux. Nous, il faut qu'on arrive à faire de même, à garder le lien.

Quel est ce liant  qui permettrait aux Outre-mer d'être plus unis ?

C'est le problème... On a eu tendance à prendre le volet mémoriel, sauf que ce sujet parle essentiellement aux Antillais. Les Réunionnais ou les Mahorais n'ont pas le même mémoire, et encore moins le Pacifique. C'est un sujet important, grave mais qui a souvent obéré le reste. Les territoires ont un socle commun, mais ils sont tous différents et il faut trouver ce liant qui permet de parler à tout le monde en même temps.  Si on reste séparés par bassin, on reste trop petit pour avoir des rapports de force. Je ne sais pas si le liant, c'est la gastronomie ou autre chose, mais il faut trouver un vecteur commun qui permette de nous réunir. C'est vrai que la plupart des délégués ont été des Guadeloupéens ; je ne sais pas si c'est un sujet guadeloupéen, je pense qu'ils ont essayé de prendre des gens influents à Paris... Moi, je suis citoyen du monde... Ca sera important pour nous de faire en sorte que certaines initiatives qui ont été prises dans le bassin Atlantique soient étendues dans les autres bassins. Il y a des entreprises présentes dans tous les DOM, mais elles sont segmentées. Elles ne font pas de transfert de personnels ; on reste en silo. Le rôle de la délégation est de créer cet esprit de diaspora ultramarine. A chaque fois que nous ferons quelque chose, on aura en tête de le faire dans les trois bassins. C'est la règle. On s'inspire de ce qui marche bien dans un bassin et on l'emmène dans l'autre.

 

La diaspora ultramarine est un peu minée par la prééminence des Antillais, notamment en Ile de France. Les Réunionnais, par exemple, se demandent parfois ce qu'un délégué comme vous peut faire pour eux. Qu'avez-vous à leur dire ?

La délégation  a vocation à travailler  avec tout le monde. Il faut dire aussi que les associations antillaises sont très actives, notamment en Ile de France et c'est vrai que la plupart des délégués ont été des Guadeloupéens ; je ne sais pas si c'est un sujet guadeloupéen, je pense qu'ils ont essayé de prendre des gens influents à Paris... Moi, je suis citoyen du monde...

Vous parliez d'indianité, ça concerne aussi la Réunion...

C'est un vecteur de rapprochement. Ca sera important pour nous de faire en sorte que certaines initiatives qui ont été prises dans le bassin Atlantique soient étendues dans les autres bassins. Il y a des entreprises présentes dans tous les DOM, mais elles sont segmentées. Elles ne font pas de transfert de personnels ; on reste en silo. Le rôle de la délégation est de créer cet esprit de diaspora ultramarine. A chaque fois que nous ferons quelque chose, on aura en tête de le faire dans les trois bassins. C'est la règle. On s'inspire de ce qui marche bien dans un bassin et on l'emmène dans l'autre.

Qu'est ce que le réseau culture Outre-mer ?

Il est venu à la suite de la fameuse cité des Outre-mer lancé sous le précédent quinquennat. L'idée, c'est de pouvoir aller vers toutes les scènes nationales pour que tous les Ultramarins puissent s'y exprimer.

C'était le travail de feue l'agence de promotion et de diffusion des cultures d'Outre-mer. Aurez-vous des moyens pour cela ?

Catherine Jean-Joseph est missionnée pour préconiser ce qu'il faut mettre en place pour que ces réseaux culturels outre-mer soient opérationnels et que l'on soit vus partout et pas seulement dans un bunker qui nous serait réservé. A France Ô, vos confrères m'ont expliqué que depuis quelque temps, il existe un quotidien de six minutes d'information sur France 3, à 11 h 34. Ils font 300 000 téléspectateurs sachant que sur France Ô, on est à 5 ou 10 000... Il faut aller au-delà de ce six minutes, mais je préfère qu'on soit vus par 300 000 personnes de partout tous les jours que par une poignée d'Ultramarins.

Comment, allons-nous pouvoir mesurer ces progrès ?

On verra le nombre d'artistes qui se produisent, les facilités qui leur seront faites. Nous mesurerons l'impact de toutes nos actions. Nous allons pouvoir taper à la porte de tous les ministères dans ma mesure où nous avons vocation à être un guichet et moi, en tant qu'entrepreneur, j'ai appris à lever de l'argent et je connais du monde. L'argent existe même s'il est rare, après il faut faire les dossiers. Nous allons travailler à cet accompagnement, agréer un opérateur associatif ou plus qui auront pour fonction d'aider les parties prenantes à faire les dossiers. Tout le monde y aura accès parce que nous voulons que tout le monde soit visible.

L'Outre-mer fournit des champions à la France, mais c'est dur pour les sportifs ultramarins. Que comptez-vous faire ?

Dans le sport de haut niveau, il faut du talent mais aussi un peu de moyens. Pour les JO 2024, nous voulons agir au niveau de l'encadrement. Si nos sportifs sont bons, c'est qu'ils sont bien encadrés. Autant nos sportifs arrivent à percer, autant nos encadrants ne se retrouvent nulle part dans les organigrammes de la gouvernance du sport. Pour 2024, nous voulons avoir des encadrants qui intègrent ces instances et prennent part aux décisions. Enfin, dans le cas du football par exemple, certains joueurs intègrent des centres de formations où ils sont noyés dans la masse. Certains y arrivent, d'autres non et ceux-là mériteraient d'être aidés pour candidater dans d'autres ligues qui sont dans leurs bassins.

Qu'est-ce que cette chaire d'Outre-mer que vous entendez créer à Sciences-Po avec Ferdinand Mélin-Soucramanien ?

Nous voulons un programme d'enseignement à Sciences-po qui va permettre à tous les étudiants d'en savoir beaucoup sur les Outre-mer et leur histoire, sans que ce soit dans un ghetto. Ca ne fera pas tout, mais ce sera un bon premier pas, même si c'est symbolique... Il faudra que ce soit décliné partout ; il y a d'autres écoles. Il faut inculquer un réflexe outre-mer.

Propos recueillis par FXG, à Paris

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