L'audace de changer, le dernier Boutrin chez SCITEP
Le New deal écologique de Louis Boutrin
« Ni assimilationnistes, ni autonomistes, ni indépendantistes, encore moins noiristes ; écologistes, nous nous proclamons Martiniquais et revendiquons notre martinicanité. » Ca ressemble à une profession de foi électorale et… C’en est une.
Elu sortant de la mandature qui s’achève à la collectivité territoriale, le conseiller exécutif Louis Boutrin signe chez SCITEP éditions un essai politique sobrement intitulé L’audace de changer. New deal écologique pour la Martinique. Il s’agit donc d’environnement, mais d’abord, il règle quelques comptes : « Une clarification idéologique s’impose, écrit-il, en revisitant au préalable certains concepts bien ancrés dans la culture politique martiniquaise, notamment celui de l’autonomie, galvaudé par les césairolâtres, et celui de l’indépendance, incarné par le marijeannisme. » L’ancien président du parc naturel régional de Martinique s’en prend d’abord à l’héritier auto-désigné de Césaire et à son « renoncement permanent » à l’autonomie. Rappelant que le moratoire décrété en 1981 n’est devenu caduc qu’en 2017, Louis Boutrin reproche à Serge Létchimy d’avoir appelé à voter non en 2003 pour « barrer la route à Alfred Marie- Jeanne. Que d’années perdues ! » Il lui reproche ce même refus en 2010 de l’article 74. Plus difficile est l’exercice d’inventaire avec le MIM et son mentor, Marie-Jeanne : « Chaben ne renonce pas à son idée d’indépendance même si, se voulant rassurant, il n’a jamais demandé une indépendance immédiate pour la Martinique. » Louis Boutrin observe que 1997 à 2010, puis de 2015 à aujourd’hui, Alfred Marie-Jeanne a montré par l’expérience sa capacité « de gestion concrète des affaires du pays ». Il dechouk au passage Nilor et Nadeau qu’il juge mou de la colonne vertébrale idéologique. Une fois évacuées les questions de positionnement politique, Louis Boutrin s’intéresse au groupe Bernard Hayot (GBH) « dont l’ombre plane sur le pays entier, révélateur de la coexistence d’une économie réelle et économie imaginaire ». Et au scandale du chlordécone que la jeune génération voudrait voir juger. Cette génération, « celle des 10-15 ans de 2009, qui ne se préoccupait guère de questions mémorielles, a suivi, désabusée, la fuite en avant de nos gouvernants et leur ruse permanente pour se défaire des problèmes qui nous assaillent. »
Un Plan d’aménagement et de développement durable
Confrontée au chômage ou à l’exil, cette jeunesse « au pied du mur », « ébranlée par les postures hypocrites des derniers maîtres de la Martinique (…) se rebelle ». Cette fois, c’est de l’ombre des Rouge Vert Noir dont il cause. « Plutôt que d’espérer une dissipation de ces colères sociales qui dérapent inévitablement sur le terrain racial et la répression policière, il est temps de désamorcer la bombe et de poser enfin les bases d’une société plus équitable et d’une réconciliation durable. C’est la démarche que nous préconisons aujourd’hui pour sortir de cette impasse mémorielle à partir de la mise en place d’une Commission Vérité Réconciliation. » A l’instar de ce qui s’est en Afrique du Sud après l’apartheid. « Vérité historique certes, mais aussi vérité au quotidien car il est de plus en plus insupportable de vivre dans une société (…) où, au sommet de la pyramide sociale, on trouve le pouvoir économique béké (donc Blanc), l’autorité administrative avec à sa tête un préfet (Blanc), des directeurs des services déconcentrés de l’État (tous Blancs), l’autorité judiciaire avec un aréopage de juges judiciaires et administratifs (Blancs). » Boutrin n’appelle pas pour autant à la guerre raciale, mais une « révision (…) pour fixer un cadre constitutionnel plus lisible et à l’intérieur duquel, chaque collectivité située en Outre-Mer pourrait définir les compétences et les leviers juridiques nécessaires pour poser les bases d’un développement endogène autour d’un aménagement cohérent de son territoire. » Seule l’écologie politique devrait permettre de créer « des outils novateurs pour réguler notre relation avec ce petit joyau des Caraïbes aux richesses naturelles inestimables ». Pour ça, Louis Boutrin a imaginé le Plan d’aménagement et de développement durable de la Martinique (Paddma) au service d’un projet de société.
Le reste du livre ressemble à s’y méprendre à un programme électoral : aménagement du territoire, transition énergétique, des transports publics, de la gestion de l’eau pour finir avec l’incontournable résilience. « Par résilience, nous entendons la capacité individuelle ou collective à tolérer des chocs traumatiques importants, à les surmonter et à rebondir. » Pas sûr que suffise à mobiliser les électeurs. Peut-être les amateurs de basket.
FXG
L’audace de changer. New deal écologique pour la Martinique, Louis Boutrin, SCITEP. 190 pages. 22 euros