Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Archives

Publié par fxg

Hidalgo en campagne aux Antilles

Anne Hidalgo, la candidate du parti socialiste à l’élection présidentielle était le week-end dernier aux Antilles.

« Il faut rétablir la confiance et la considération »

Quel était votre programme ?

Des réunions publiques, des rencontres avec les forces vives du territoire et, surtout, de l’écoute et de la proximité… Autant de choses qui, je le crois, a beaucoup fait défaut au cours du quinquennat écoulé… Je connais bien la Martinique et la Guadeloupe pour y être allée souvent mais là j'y viens en tant que candidate, une candidate qui dirige aussi la plus grande ville ultramarine de France ! Je viens sur des terres que j’aime, dont je me sens très proche et dont j'ai l'habitude de côtoyer les habitants, à Paris mais également à l'occasion de déplacements que j'ai pu faire. Je suis une grande amoureuse des Antilles !

Économiquement, les Outre-mer fonctionnent avec des exonérations de charges sociales et la défiscalisation des investissements productifs. Faut-il ou pas changer de paradigme ?

Je pense qu'il faut encore  s’appuyer sur ces deux leviers qui sont importants mais qui, très clairement, ne sont plus suffisants. La loi égalité réelle, inspirée par Victorin Lurel, portée par Ericka Bareigts, mais qui n’a pas été mise en œuvre par les gouvernements d’Emmanuel Macron, était une grande loi-programme qui contient tous les instruments pour atteindre cette égalité. Elle a été dénigrée, entravée et au final oubliée par le Gouvernement. Présidente de la République, je la réactiverai, notamment par ses contrats de convergence qui restent à mon sens les seuls outils capables de remettre à niveau l’ensemble des services publics lourdement abimés : l'hôpital, les infrastructures routières, l’eau… Ce sont des sujets très importants pour lesquels l'Etat et les collectivités, mais des collectivités appuyées par l'Etat, doivent s'impliquer pour transformer ces infrastructures. Il faudra par ailleurs agir pour le  soutien à l'emploi et à l'investissement, renouer avec la lutte contre la vie chère et faire des outre-mer la base avancée d’une politique ambitieuse et exemplaire sur la question des énergies renouvelables.

Votre projet comporte des « odyssées industrielles » dont une consacrées aux Outre-mer. De quoi s’agit-il ?

Je veux  créer quatre odyssées industrielles lors du prochain quinquennat, dont une centrée sur les énergies renouvelables. Cela doit permettre aux outre-mer d'aller vers 100% d'énergies renouvelables et de se libérer des énergies fossiles. Nous parlons de territoires de talents et de potentiels qui peuvent donner leur pleine mesure avec un investissement public ambitieux. Il faut une meilleure considération des Outre-mer par la République. Les Les Outre-mer participent au rayonnement de la France qui, par leur positionnement géostratégique, est ainsi présente et influente sur tous les continents et sur trois océans. Les outre-mer sont également des territoires de biodiversité et de changement climatique, des éléments majeurs dans la diplomatie climatique mondiale. C'est un sujet sur lequel la France a perdu le leadership qu’elle avait conquis avec les accords de Paris en 2015 et les outre-mer sont une des clés pour une reprise en main.

Que proposez-vous pour lutter contre la vie chère ?

Sur la vie chère, beaucoup de temps a été perdu depuis 5 ans : il va falloir se retrousser les manches pour remettre ce combat au cœur des politiques économiques. Les pratiques anticoncurrentielles persistent, les monopoles continuent d’asphyxier le pouvoir d’achat des gens mais mon parcours montre que je n’ai pas peur des lobbies et que je ne cède pas aux chantages. Mon action sera résolue et puissante pour un changement systémique dans la droite ligne de ce que nous avons fait entre 2012 et 2017 : contenir les marges, baisser radicalement le coût du fret, encourager la concurrence, la vente en ligne, modifier la fiscalité…

Ensuite, comme partout sur le territoire national, il faudra aussi mener une bataille pour  les salaires qui doivent permettre aux hommes et aux femmes qui travaillent de pouvoir vivre dignement de leur travail. Toutes les mesures relatives à l'augmentation des salaires, aux négociations salariales qu'il nous faut engager dans le secteur public comme dans le secteur privé sont des leviers qui vont aussi permettre dans les outre-mer de gagner en pouvoir d'achat par le travail et par la création de valeur. Les odyssées industrielles dont je vous ai parlé ont pour vocation de créer de l'emploi, de créer de la valeur, notamment dans les outre-mer. Il faut permettre aux jeunes d’avoir des débouchés avec des filières professionnelles d'avenir qui seront directement sur leur territoire, et tout cela tiré par des décisions d'investissement public qui vont tirer l'investissement privé. Je ne suis pas malthusienne du tout, je ne considère pas qu'il faudrait couper les tranches de gâteau de plus en plus fines ! Comment créer de la qualité de vie et du progrès ? C'est par la création de valeur qui tient compte du fait qu'on ne va pas créer des industries polluantes. On doit être dans une économie qui permette aux gens de vivre à partir de la rémunération qu'ils obtiennent de leur travail.

Régulièrement, nos territoires sont l’objet de crises sociales, voire sociétales fortes. Faut-il rénover la relation de la France avec ses territoires d’Outre-mer ?

Il faut rétablir la confiance et la considération. Il y a des sujets qui n'ont pas été réglés, qui sont restés en jachère. Il y a, depuis le quinquennat Macron, une façon d'administrer la relation aux collectivités territoriales qui est très infantilisante alors que les territoires aspirent à davantage de responsabilités locales. Je le sais aussi en tant que maire de Paris ! Il y a quelque chose qui s'est cassé dans la confiance. Lors du congrès des maires, Emmanuel Macron nous a expliqué que la décentralisation n'existait pas parce que l'Etat était un seul et même ensemble. Lui c'est le chef de l'État et nous étions des composants ! Quand on est traité comme cela, que ce soit dans l’Hexagone mais encore plus dans les outre-mer, c'est insupportable. Il faut absolument que l'Etat républicain renouvelle la confiance avec les collectivités et les citoyens. Pour rétablir ce lien de confiance, il faut de la considération, du respect et de l’écoute. Regardez le temps que met l’Etat à prendre en compte les cancers de la prostate liés à l’exposition au chlordécone ! Moi je propose d’aller plus loin encore en accentuant les campagnes gratuites de dosage du chlordécone dans le sang, en engageant l’Etat à organiser et à financer la dépollution des sols et des eaux et en engageant un réel processus de réparation préjudices sanitaires, environnementaux et économiques subis.

Il y a eu un scandale sanitaire dont l’Etat est comptable et si on veut rétablir la confiance, il faut poser les actes pour que ce scandale soit au moins réparé à défaut d’être résolu.

Et pour les sargasses ?

Il y a deux ans, je suis venue aux Antilles et j'ai eu beaucoup d'échanges sur la question des sargasses. J'ai bien vu des collectivités et des citoyens obligés de gérer une situation très difficile et quand j'ai posé la question au préfet, sa réponse était qu'il faudrait peut-être un jour envisager le déplacement des populations… Ce n'est ni sérieux ni décent de proposer cela ! Sur un sujet comme celui des sargasses, il faut qu'on se sente tous concernés ! L'État français est concerné. Il doit mettre en place un plan sargasses d'accompagnement des collectivités pour qu'elles puissent s'en sortir ! J'ai vu les norias de camions de sargasses, j'ai vu les personnes qui avaient tout leur électroménager saccagé, qui avaient des difficultés respiratoires… Ça fait combien de temps que ça dure ? Oui, la solidarité nationale doit prendre toute sa part à la résolution de ce fléau.

La jeunesse s’est fait remarquer par la violence mais c’est une jeunesse sans avenir, qui n’a rien à perdre. Que lui proposez-vous ?

Je me refuse d’être fataliste à l’égard de notre jeunesse. Notre rôle collectif est de lui redonner espoir en encourageant son épanouissement. Je refuse également d’entendre que “la jeunesse” s’est livrée à des actes de violences : ce sont “quelques jeunes”, souvent désoeuvrés et parfois instrumentalisés.

Si on remet de l'activité, si on remet des services publics parmi lesquels l'éducation et la santé, deux piliers qui doivent non seulement être réparés mais qui doivent fonctionner dignement, si on remet des services publics essentiels comme la question de la gestion de l'eau, cela crée de l'emploi ! Quand on investit dans le service public, on crée aussi de l'emploi et de la valeur pour toute une économie, on crée des perspectives pour la jeunesse sur des emplois qui ont du sens ! Il faut que la jeunesse des Outre-mer ait des perspectives localement même si elle peut aller se former ailleurs, qu'on ne la conduise pas au désoeuvrement et à la violence, jusqu'à la remise en cause de l'attachement à la République. Dans notre République, où que l’on soit, ce qui fait la confiance c'est quand même le service public ! J'ai beaucoup de respect pour les préfets de la République mais parfois ils ont tendance à oublier que les élus locaux sont des partenaires.

Il existe une demande forte pour qu’un mémorial des victimes de l’esclavage soit érigé non pas à Pointe-à-Pitre ou Fort-de-France, mais à Paris ? Le ferez-vous ?

Il y avait un engagement d'Emmanuel Macron à le faire dans les jardins des Tuileries et il n'y a toujours rien ! Bien sûr qu'il faut le faire ! L'inscription des noms est une façon extrêmement forte de porter cette mémoire. Avec Jacques Martial qui est dans mon équipe municipale à Paris, j’ai visité le Mémorial Act qu’il a dirigé. Ce lieu fait aussi le récit de cette mémoire . C'est une manière extrêmement puissante d'en faire un sujet qui doit être porté par notre collectivité humaine et notre nation tout entière. Bien sûr qu'il faut aussi à Paris ce mémorial des noms, je le ferai

Propos recueillis par FXG

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article