Hervé Mariton, président de la FEDOM en Martinique
Hervé Mariton, président de la Fédération des entreprises d’Outre-mer (FEDOM) en Martinique
« Notre souhait, c’est une loi de programmation pour le développement économique des Outre-mer »
Une délégation de la FEDOM conduite par son président Hervé Mariton, ancien ministre de l’Outre-mer, vient à la rencontre des entreprises et institutions martiniquaises (Medef, MPI, CCI, CTM, administrations de l’Etat) du 30 avril au 8 mai prochains. Des moments sectoriels sont prévus avec le maritime, le BTP, le tourisme... Entretien.
C’est votre premier déplacement en Martinique en tant que président de la FEDOM. Quels en sont les enjeux ?
Je viens pour faire le point avec nos adhérents sur les différents enjeux économiques et entrepreneuriaux du territoire, à un moment un peu particulier, après l'élection présidentielle.
La Martinique a été secoué par le vote de ses électeurs. Comment avez-vous analysé ce résultat ?
Les électeurs sont libres et souverains et ils se sont exprimés au premier comme au deuxième tour. On voit bien par la succession de ces deux tours la démonstration que c'est un vote de protestation. Le peuple est souverain, le vote est libre et la protestation doit être entendue. C’est une contestation dont je pense qu'une des causes est liée à la situation économique et sociale du territoire. Cela impose d'autant d'actions dans le domaine économique. Il faut que nous, en tant qu’entreprises, nous l’entendions, et que les responsables politiques, le chef de l'État, le nouveau gouvernement l’entendent. Il est important, au moment où la Martinique a fait un autre choix que celui du président réélu, que les dossiers économiques soient portés. Ils le sont par les organisations du territoire qui sont nos adhérents, mais c'est aussi important que nous, en tant que FEDOM, sur le plan national, nous contribuions à ce que les enjeux économiques du territoire soient portés, que nous encouragions les milieux économiques à demeurer force de proposition, que nous soyons avec eux et qu’après cette protestation exprimée par le vote citoyen, l'on passe à l'action pour le développement de l'économie, des entreprises, de l'emploi… Les choses, évidemment, ne peuvent s'arrêter à une protestation. C'est notre responsabilité à la FEDOM de travailler avec le président réélu et le futur gouvernement.
La séquence électorale n'est pas pour autant terminée…
Il y aura au mois de juin les élections législatives et nous serons tout à fait attentifs à poursuivre le débat. Mon déplacement sera l'occasion de rappeler les propositions de la FEDOM pour la mandature 2022-2027. Le débat sur les outre-mer a été insuffisant au moment de la présidentielle et je pense que c'est aussi une des causes du résultat. Les candidats n'ont pas été hyper attentifs aux outre-mer et les dossiers outre-mer n'ont pas été beaucoup abordés notamment lors du débat d’entre deux tours ! La carence dans ce débat sur les outre-mer a été consternante !
Comment allez-vous faire vivre vos propositions ?
Il faut que le débat vive autour de nos propositions ! L'enjeu, si on est sur la technique, c'est le renforcement des investissements, des fonds propres des entreprises. Dans un cadre politique, c'est notre souhait d'une loi de programmation pour le développement économique des Outre-mer. On est très attachés à ça et ce message, nous continuons de le faire passer.
Quelles ont été les réponses du candidat élu à vos propositions ?
Il y a eu un certain nombre de réponses informelles, mais il n'y a pas eu de réponse formelle. Je le regrette. Maintenant, on doit renforcer notre action. Un travail a été fait avec les administrations qui se sont intéressées à nos propositions et avec lesquelles nous souhaitons nourrir ce qui pourrait être la feuille de route du nouveau ministre des Outre-mer et du nouveau gouvernement.
Vous le souhaitez comment ce nouveau quinquennat qui s'annonce ?
Je le souhaite actif, utile, offensif. Nous avons une approche offensive de ce que doit être l'évolution de l'économie dans les territoires d'outre-mer. Un vote a été exprimé le 24 avril et on en prend acte. On peut raisonnablement dire que le mal-être est en bonne part économique et social, il n'est pas institutionnel. Les citoyens ça ne les passionne pas plus que ça les débats comme l'autonomie qui ont été lancés sur tel ou tel territoire. Franchement, ce n'est pas le sujet des citoyens ! Leur sujet est le développement de l'économie et la relance de l'emploi. Les problèmes de pouvoir d'achat ont des causes multiples, à commencer par le manque assez tragique d'emploi et le niveau dramatique du chômage. Un jeune actif sur deux est au chômage.
Qu’attendez-vous des cinq années à venir ?
L’enjeu pour les cinq années à venir, c'est de programmer le temps, d'où l'idée de la loi de programmation. Le président de la République parle de programmation énergétique, eh bien chiche ! Il faut aussi une programmation ultra-marine. J'ai évoqué les questions d'investissement, mais il faut aussi être offensif sur la transition énergétique, la transition écologique, la transition numérique… Il faut qu'on soit allant sur ces chantiers !
Vous attendez un peu plus de punch du prochain ministre des Outre-mer ?
Du punch, il en faut toujours ! La politique du ministre sortant a été menée après sa prise de fonction dans le contexte particulier des outre-mer dans ce moment de COVID. Lui comme nous à la FEDOM, on a été très mobilisés depuis plus de deux ans maintenant par la gestion de la crise, par les mesures de réponse à la crise, l'adaptation aux outre-mer et à chaque collectivité des mesures de réponse à la crise. Ça nous a consommé beaucoup de temps, beaucoup d'énergie, nous à la FEDOM et lui comme ministre des Outre-mer… On ne peut pas passer notre vie à ça ! Il nous faut reprendre la main sur les enjeux d'avenir. Le plan de relance n'a pas été assez bien adapté. Sur les perspectives du plan France 2030, comment fait-on en sorte que les projets d'avenir, les programmes d'investissement soient utiles et atterrissent au profit des outre-mer.
Vous-même avez indiqué une augmentation de +78,8% des procédures judiciaires des entreprises en difficulté pour la Martinique… C’est énorme !
Il faut à la fois qu'on soit très offensif, mais il ne faut pas sous-estimer les difficultés. Nous les aborderons à l'occasion de ma visite. Nous ne cessons de garder un œil sur les mesures d'accompagnement actuelles et c'est clair que s’agissant des prêts garantis par l'Etat (PGE), on a une sortie beaucoup plus aisée en métropole que dans les outre-mer et il ne faudrait pas que le gouvernement se raconte une belle histoire s'agissant des sorties de PGE ! C'est des points que nous ferons en Martinique cette semaine avec nos organisations et avec les entreprises.
Propos recueillis par FXG