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Publié par fxg

Le premier roman de Philomè Robert

Les « Vagabondages éphémères » de Philomè Robert

Le journaliste Philomè Robert, présentateur des journaux de France 24 le week-end, vient de sortir chez Caraïbéditions sa première fiction, à la veille de ses 47 ans. L’ancien reporter de Radio Vision 2000 à Port-au-Prince, né à Limbé, une ville « terrée entre deux mornes hantés par les Dieux au tempérament changeant », non loin du côté de Cap-Haïtien, signe avec « Vagabondages éphémères » un roman tel une longue prose poétique, typiquement caribéenne c’est à dire baroque ! Il faut le lire d’une traite pour en ressentir le génie, car l’auteur a du talent dans son écriture. Il développe une logorrhée insatiable entre deux femmes. L’une est brésilienne mais semble sénégalaise, l’autre est Cubaine et il en fait une banlieusarde... Entre Janus, la femme aux multiples visages, et l’archange Gabriel, Philomè Robert conduit son lecteur de Port-au-Prince jusqu’aux pentes enneigées du Colorado à Denvers, USA, en passant par Paris et le Sénégal. Dans ce roman, les amours, les pays et les emmerdes se croisent et se décroisent ! Gabriel, architecte à la dérive, exilé volontaire d’un pays - Haïti - qu’il vomit malgré lui, rencontre au hasard de ses errances parisiennes une étrangère, amatrice de talons hauts et de Cuba, arrivée comme lui de l’autre côté de l’océan. Se noue un engrenage de polyamours, de plaisirs débridés et de rêves éveillés qui bouscule au fil des semaines et des mois des vies déjà en équilibre instable. Les quêtes, les désirs et les folies, de la Caraïbe à l’Afrique de l’Ouest en passant par Paris ou le Colorado, sont sans fin. Quand, en plus, un enfant s’installe d’autorité au cœur de ce capharnaüm et s’évapore aussitôt, tout prend alors un sens nouveau. Interview.

« J'ai essayé d'écrire avec mes tripes ! »

On a l’impression que vous avez écrit ce livre d’une seule traite…

Ah non je ne l’ai pas écrit d'une seule traite au contraire je l’ai écrit je suis sur une période de temps assez longue, maintenant je peux comprendre que ça donne cette impression… J'avais à cœur de faire ce travail en étant un apprenti romancier mais en étant journaliste surtout ! Mais c'est vrai que le chapitrage que j'avais choisi à l'origine se faisait sous forme de chants, un peu à la manière des rhapsodes grecs…

Votre héros s'appelle Gabriel. Comment est-il né dans votre imagination ?

C'est un personnage représentatif d'une certaine jeunesse haïtienne désœuvrée. Gabriel est un peu l'un de ces jeunes gens qui ont quitté Haïti par centaines de milliers ces dix dernières années que ce soit vers le Brésil, vers l'Argentine, vers le Chili d'où sa rencontre avec le personnage de Consuelo devant l'ambassade du Brésil à Port-au-Prince… A partir de là, du moment où il quitte cet espace insupportable et invivable, il va pouvoir aller à la rencontre de choses absolument différentes et structurantes et parmi ces choses-là, il y a d’abord l’Afrique !

Malgré l’exil de votre héros, il y a toujours une atmosphère caribéenne, même à la gare de Lyon à Paris !

J'ai essayé d'écrire avec mes tripes ! Romancier n'est pas mon métier du moins pas encore… Et tout ce que j'avais à disposition, ce sont ces souvenirs, ces senteurs, ces odeurs, avec cette idée qu'il y a toujours des allers-retours à faire entre un environnement comme la gare de Lyon et puis le pays… Toujours le soleil, les mornes, etc…

Le père de votre héros est une victime de la dictature Duvallier. Quelle est la part de vrai là-dedans ?

Si on parle de moi, ce père n'existe pas ! Ce personnage est totalement fictif, mais en le concevant, j'ai pensé à ces personnages de maçon que j'ai pu croiser quand j'étais plus jeune à Port-au-Prince. Là-bas, on fait maçon comme on fait peintre en bâtiment, c’est le métier de tous les jours qui permet de nourrir sa famille. C’est un ouvrier qui ne pense pas évidemment, au sens intellectuel, occidental du terme. Les autres personnages aussi sont totalement inventés. Par exemple, Héloïse la mère du héros, n’a rien à voir avec ma mère qui est en vie, mais c’est un personnage aussi qui m’a été inspiré par une mosaïque de femmes que j'ai pu croisées. Son accident, quand elle est renversée par la voiture présidentielle, est une histoire qui s’est réellement passée !

Vous-même, quand avez-vous quitté Haïti, et pourquoi ?

Je suis parti le 18 décembre 2001 à la suite d’un soi-disant coup d'Etat contre le président Aristide. L'histoire se révélera totalement fausse par la suite… J'ai été attaqué dans la rue, on m'a menacé. J'ai trouvé refuge à l'ambassade de France, je suis arrivé à Paris le 28 décembre, soit dix jours plus tard. Depuis je suis là et je n'étais pas retourné en Haïti jusqu'au lendemain du tremblement de terre du 12 janvier 2010. C'est pourquoi dans le roman je parle à un moment donné des entrailles de la terre qui se meuvent… C'est plus qu'un souvenir, c'est quelque chose de prégnant qui ne me quitte jamais.

Qui sont vos héroïnes Meredith et Consuelo ?

Pour ma trame romanesque, j’ai repris le principe du trio amoureux au sein duquel se retrouve quelqu’un qui est complètement déglingué, Gabriel en l’occurrence ! Gabriel est noyé dans ses exils, ses deuils, ses fantasmes et ses rêves éveillés et, en même temps, il est rattrapé par la vraie vie, à savoir qu’il est marié et qu’il rencontre une femme. Je pense à un auteur haïtien Maurice Sixto qui parle de choses et gens entendus… Ces personnages, ce sont des choses et des gens entendus ! En Haïti, on a développé un genre dit lodyans, c’est-à-dire des histoires faites de bric et de broc mais totalement ancrées dans la réalité. J’ai voulu que ce livre reflète l’amour que j’ai pour Port-au-Prince, ma ville plaie. Elle me donne mal au cœur en même temps que je l’aime profondément…

Sans révéler la fin du roman, vous placez l’espoir dans l’Amérique du Nord, pourquoi ?

Nous vivons avec nos plus grands voisins du Nord, les États-Unis et le Canada, une cohabitation forcée. On vit une histoire d'amour et de violence absolument tumultueuse. Les États-Unis sont la première destination d'exil et ils ont une politique hostile envers Haïti au travers des choix qu'ils nous imposent. Ce sont les États-Unis, Mme Clinton et M. Obama, qui ont imposé aux haïtiens la présidence de Michel Martelly. Les Haïtiens n'ont pas voté pour lui. Imposer un individu comme ça à la tête de cet Etat participe ni plus ni moins d'une volonté d’humilier le pays. C'est ce qu'on fait les États-Unis, c'est ce qu'ils ont toujours fait quoi qu'ils en disent !

Que reste-t-il de ce roman pour le pays de Haïti ?

Gabriel est un personnage qui s'est retourné à la source quand les choses se corsent ! Et à la fin, quand finalement il n'y a rien de logique, de structuré qui puisse apporter de réponse à sa quête, Il se retourne vers la terre, vers la source première. Gabriel est un personnage qui sait où se trouve ses racines et qui y va quand le besoin s'en fait sentir, quand tous les autres moyens sont inopérants.

Propos recueillis par FXG

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