Interview Jenny Alpha et David Fakeure
Jenny Alpha, chanteuse et comédienne (98 ans) et David Fakeure, pianiste, sortent chez Aztec music, La sérénade du muguet, un CD de dix titres. Interview avec les artistes.
« Ce muguet, il est dans mes rêves, dans ma vie… »
Comment avez-vous fait connaissance Jenny Alpha et David Fakeure ?
Jenny Alpha : Nous avons un ami commun, un très grand ami qui s’appelle Jean-Pierre Meunier qui est absolument fou de la musique antillaise. Je ne sais pas qui lui a parlé de moi, mais il est venu me trouver pour voir si on pouvait faire quelque chose ensemble. Il a commencé à écouter les disques que j’avais, des anciens Pathé-Marconi que je lui ai donnés. C’est là-dedans qu’il y a tous les titres que l’on retrouve dans l’album. Il m’a parlé de David Fakeure et de son rythme. S’il a du rythme au piano, je veux l’entendre. Quand je l’ai entendu au piano… Je n’avais jamais un Blanc jouer du piano comme ça ! C’est comme ça que j’ai connu David.
David, vous avez été auditionné par Jenny ?
David Fakeure : On ne m’a pas prévenu ! J’ai rencontré Jenny à la fin du concert. J’ai su après que j’avais été auditionné par Jenny Alpha quand Jean-Pierre nous a eu présentés. C’est ce jour là que Jean-Pierre lui a proposé de faire quelque chose ensemble. L’idée est restée…
Jenny Alpha : Ca s’est enchaîné comme ça et on n’a pas arrêté !
Quand avez-vous commencé à travailler sur l’album ?
DK : C’était en 2005. Au départ on avait souhaité enregistrer un thème pour le mettre sur mon disque, Jazz on biguine, volume 2. Jenny souhait chanter la Sérénade du muguet.
C’est vous Jenny qui avez écrit cette chanson ?
JA : Je l’ai écrite il y a très longtemps ! Bien avant de connaître David ! C’est la première chanson que j’ai faite. Je l’ai créée au cabaret La Canne à sucre… A cette époque là, il n’y avait pas de travail pour les noirs dans la comédie. Un jour on m’a dit : « Vous n’allez pas joué Célimène dans les Femmes savantes, le public va éclater de rire… » Je l’ai entendu ça ! Alors, j’ai fait des petits boulots et j’ai fait cette chanson… Mes amis la trouvaient bien.
Qu’évoque pour vous cette chanson ?
JA : Chez nous, il y avait une liane très jolie qu’on appelait improprement le muguet parce que ses fleurs sont odorantes et qu’elles ressemblent au muguet. J’ai toujours vu ça à la maison. Le muguet courait autour de la galerie ; il embaumait. Ce muguet, il est dans mes rêves, dans ma vie… J’en ai fait d’autres, Cabresse au pays…
Comment avez-vous choisi les autres morceaux ?
DF : Jenny fredonnait des chansons qu’elle chantait avec les Pirates du rythme ; elle les connaissait parfaitement alors je lui ai proposé de les chanter. J’avais aussi envie de l’entendre chanter Mé sa pa possible d’Al Lirvat qu’elle chante avec Tony Chasseur…
Comment intervient Tony chasseur dans cette aventure ?
DF : Cet album est un album de studio. Mé sa pa possible raconte l’histoire d’une femme qui raconte…
JA : Pourquoi vous m’avez quittée, pourquoi vous m’avez fait ça ? Je vous aime trop…
DF : Et cette chanson se prête très bien à une réponse, à un duo. Tony a été partant pour lui donner la réplique.
JA : Il est très bien.
Comment avez-vous travaillé avec Jenny ?
DF : On a fait presque tous les morceaux chez elle. Jenny était sur son fauteuil avec son casque et le micro… On a fait les maquettes chez elle et les bandes définitives.
JA : On a fait un morceau en studio tout de même, à Creil.
DF : C’est la Sérénade du muguet qui devait aller sur mon disque et comme on a été heureusement surpris par le résultat, on s’est dit que ce ne serait pas sympa de mettre ce morceau sur mon disque, autant en enregistrer un autre et garder ça pour faire un disque à Jenny.
JA : J’ai été très gâtée.
Chanter vous a fatigué ?
JA : Non ! C’est une seconde nature. Ma mère chantait tout le temps, mon père, mes sœurs… Il n’y avait que du chant autour de moi. Une sœur qui jouait de la mandoline, un frère qui jouait de la guitare… Mais ma mère ne chantait que des chansons françaises, comme Plaisir d’amour. On me défendait de chanter du créole. Savez-vous où j’ai appris le créole ? A Paris ! Avec mes camarades de la Sorbonne, nous parlions créole pour que l’on ne comprenne pas ce que nous disions.
DF : Là, sur le disque, Jenny a chanté tout en créole.
Jenny, remonterez-vous sur scène pour chanter ?
JA : Je ne suis pas sûre…
Mais vous jouez encore au théâtre…
JA : Il y a un an, j’ai fait Margueritte Duras au Théâtre artistic Athévain. Anne-marie Lazarini, la directrice est très gentille avec moi… Comme tout le personnel du théâtre. J’ai joué beaucoup de choses là ! Mais je ne vais pas remonter sur scène.
C’est trop fatigant ?
JA : Ce n’est pas fatigant, j’ai moins envie. Mais c’est comme les renouveaux d’amour, peut-être que ça va venir ! Mais depuis le dernier Duras, je suis très mal, je tousse…
Vous avez bientôt un siècle, est-ce que ça vous donne le vertige toutes ces années passées ?
JA : On n’y pense pas. Pas plus qu’à mes 98 ! On n’y pense pas, je vis ! J’aime la vie, j’aime les gens, j’aime l’amour, que les gens soient heureux. C’est une grande puissance l’amour ! Quand on aime vraiment un métier ou qu’on aime beaucoup quelqu’un, eh bien ça peut faire des miracles.
Photos Alban Fatkin
« Ce muguet, il est dans mes rêves, dans ma vie… »
Comment avez-vous fait connaissance Jenny Alpha et David Fakeure ?
Jenny Alpha : Nous avons un ami commun, un très grand ami qui s’appelle Jean-Pierre Meunier qui est absolument fou de la musique antillaise. Je ne sais pas qui lui a parlé de moi, mais il est venu me trouver pour voir si on pouvait faire quelque chose ensemble. Il a commencé à écouter les disques que j’avais, des anciens Pathé-Marconi que je lui ai donnés. C’est là-dedans qu’il y a tous les titres que l’on retrouve dans l’album. Il m’a parlé de David Fakeure et de son rythme. S’il a du rythme au piano, je veux l’entendre. Quand je l’ai entendu au piano… Je n’avais jamais un Blanc jouer du piano comme ça ! C’est comme ça que j’ai connu David.
David, vous avez été auditionné par Jenny ?
David Fakeure : On ne m’a pas prévenu ! J’ai rencontré Jenny à la fin du concert. J’ai su après que j’avais été auditionné par Jenny Alpha quand Jean-Pierre nous a eu présentés. C’est ce jour là que Jean-Pierre lui a proposé de faire quelque chose ensemble. L’idée est restée…
Jenny Alpha : Ca s’est enchaîné comme ça et on n’a pas arrêté !
Quand avez-vous commencé à travailler sur l’album ?
DK : C’était en 2005. Au départ on avait souhaité enregistrer un thème pour le mettre sur mon disque, Jazz on biguine, volume 2. Jenny souhait chanter la Sérénade du muguet.
C’est vous Jenny qui avez écrit cette chanson ?
JA : Je l’ai écrite il y a très longtemps ! Bien avant de connaître David ! C’est la première chanson que j’ai faite. Je l’ai créée au cabaret La Canne à sucre… A cette époque là, il n’y avait pas de travail pour les noirs dans la comédie. Un jour on m’a dit : « Vous n’allez pas joué Célimène dans les Femmes savantes, le public va éclater de rire… » Je l’ai entendu ça ! Alors, j’ai fait des petits boulots et j’ai fait cette chanson… Mes amis la trouvaient bien.
Qu’évoque pour vous cette chanson ?
JA : Chez nous, il y avait une liane très jolie qu’on appelait improprement le muguet parce que ses fleurs sont odorantes et qu’elles ressemblent au muguet. J’ai toujours vu ça à la maison. Le muguet courait autour de la galerie ; il embaumait. Ce muguet, il est dans mes rêves, dans ma vie… J’en ai fait d’autres, Cabresse au pays…
Comment avez-vous choisi les autres morceaux ?
DF : Jenny fredonnait des chansons qu’elle chantait avec les Pirates du rythme ; elle les connaissait parfaitement alors je lui ai proposé de les chanter. J’avais aussi envie de l’entendre chanter Mé sa pa possible d’Al Lirvat qu’elle chante avec Tony Chasseur…
Comment intervient Tony chasseur dans cette aventure ?
DF : Cet album est un album de studio. Mé sa pa possible raconte l’histoire d’une femme qui raconte…
JA : Pourquoi vous m’avez quittée, pourquoi vous m’avez fait ça ? Je vous aime trop…
DF : Et cette chanson se prête très bien à une réponse, à un duo. Tony a été partant pour lui donner la réplique.
JA : Il est très bien.
Comment avez-vous travaillé avec Jenny ?
DF : On a fait presque tous les morceaux chez elle. Jenny était sur son fauteuil avec son casque et le micro… On a fait les maquettes chez elle et les bandes définitives.
JA : On a fait un morceau en studio tout de même, à Creil.
DF : C’est la Sérénade du muguet qui devait aller sur mon disque et comme on a été heureusement surpris par le résultat, on s’est dit que ce ne serait pas sympa de mettre ce morceau sur mon disque, autant en enregistrer un autre et garder ça pour faire un disque à Jenny.
JA : J’ai été très gâtée.
Chanter vous a fatigué ?
JA : Non ! C’est une seconde nature. Ma mère chantait tout le temps, mon père, mes sœurs… Il n’y avait que du chant autour de moi. Une sœur qui jouait de la mandoline, un frère qui jouait de la guitare… Mais ma mère ne chantait que des chansons françaises, comme Plaisir d’amour. On me défendait de chanter du créole. Savez-vous où j’ai appris le créole ? A Paris ! Avec mes camarades de la Sorbonne, nous parlions créole pour que l’on ne comprenne pas ce que nous disions.
DF : Là, sur le disque, Jenny a chanté tout en créole.
Jenny, remonterez-vous sur scène pour chanter ?
JA : Je ne suis pas sûre…
Mais vous jouez encore au théâtre…
JA : Il y a un an, j’ai fait Margueritte Duras au Théâtre artistic Athévain. Anne-marie Lazarini, la directrice est très gentille avec moi… Comme tout le personnel du théâtre. J’ai joué beaucoup de choses là ! Mais je ne vais pas remonter sur scène.
C’est trop fatigant ?
JA : Ce n’est pas fatigant, j’ai moins envie. Mais c’est comme les renouveaux d’amour, peut-être que ça va venir ! Mais depuis le dernier Duras, je suis très mal, je tousse…
Vous avez bientôt un siècle, est-ce que ça vous donne le vertige toutes ces années passées ?
JA : On n’y pense pas. Pas plus qu’à mes 98 ! On n’y pense pas, je vis ! J’aime la vie, j’aime les gens, j’aime l’amour, que les gens soient heureux. C’est une grande puissance l’amour ! Quand on aime vraiment un métier ou qu’on aime beaucoup quelqu’un, eh bien ça peut faire des miracles.
Photos Alban Fatkin