Ségolène, ses arguments pour convaincre
INTERVIEW. Ségolène Royal, candidate du Parti socialiste à l’élection présidentielle
"Chaque département d'outre-mer doit pouvoir choisir les institutions"
1- Etes-vous satisfait de votre résultat dans les départements français d’Amérique ?
Les électeurs des DFA m’ont placée très largement en tête avec près de 15.000 voix d’avance sur les trois départements. Je les remercie de leur confiance.
2- Qu’est-ce qui vous différencie de votre adversaire, vos programmes ayant beaucoup de thématiques communes ?
A part « libérer les énergies » et combattre l’insécurité et l’immigration irrégulière qu’il n’a pas fait reculer comme ministre de l'intérieur, il souhaite surtout diminuer le nombre de fonctionnaires et réduire les services publics. Son projet est celui d’une France divisée.
Comment tiendra-t-il ses promesses sur l’éducation, la santé, la sécurité en diminuant les effectifs des fonctionnaires ? Avec quels crédits puisqu’il veut réduire à la fois la dette et les impôts des plus riches ?
3- Jusqu’où êtes-vous prêts à aller dans les évolutions statutaires des DOM ?
Je veux refonder la décentralisation, que la droite a dévoyée en rendant opaque le partage des compétences et en asphyxiant financièrement les collectivités. Les départements d'outre-mer ne resteront pas à l’écart de cette refondation.
Chaque département d'outre-mer doit pouvoir choisir les institutions les mieux adaptées à son identité et aux caractéristiques de son développement. Je propose que les élus lancent, dans chaque DOM, des discussions pour faire le bilan de la décentralisation et examiner les conditions d’une amélioration de son fonctionnement.
Je serai très attentive aux propositions issues de ces débats. Je n’exclus aucun changement s’il facilite la résolution des problèmes des DOM et s’il est approuvé par la population.
4- Le chômage, le logement, l’exclusion touchent les Domiens. N’est-ce pas tout simplement … du sous-développement ?
Le chômage, l’exclusion, les retards en matière d’enseignement, de santé ou de logement ne sont pas une fatalité.
J’ai fait des propositions précises dans mon Pacte présidentiel : pour dynamiser l’économie, investir massivement dans l’innovation et la recherche, soutenir les PME en leur réservant une part des marchés publics, favoriser la création d’entreprises, notamment par un cautionnement mutuel des garanties d’emprunt ; pour l’éducation, tenir des Etats généraux des enseignants, créer un service public de la petite enfance et scolariser les enfants à partir de trois ans, organiser un soutien scolaire gratuit pour les élèves en difficulté, renforcer la présence des adultes dans les établissements ; pour la santé, créer une carte-santé jeunes donnant droit à une consultation médicale gratuite par trimestre et renforcer les moyens des hôpitaux et des médecines scolaire et du travail ; pour le logement social, augmenter les crédits de la LBU et, en complément, ouvrir le logement social à la défiscalisation ; contre l’exclusion, créer un revenu de solidarité active, augmenter le SMIC et les petites retraites, garantir l’accès aux soins.
On ne combattra pas les exclusions par une politique du chacun pour soi, qui paraît inspirée de l’idée que les exclus méritent leur sort.
5- Vous allez être présidente d’un pays qui, selon un sondage récent, s’est déclaré raciste à 30%. Comment espérez-vous faire évoluer ces comportements ?
Je combattrai résolument le racisme et toutes les formes de discriminations. Aucune compromission n’est tolérable avec les idées qui véhiculent le racisme. Aucun écart de langage n’est admissible.
Nous pouvons agir sur les comportements. C’est d’abord affaire d’éducation : j’ai proposé dans mon Pacte présidentiel que les programmes scolaires intègrent l’histoire de l’outre-mer, en n’omettant pas l’esclavage. Les autorités publiques doivent être exemplaires dans cette action.
6- Qu’est-ce qui empêche que nous ayons la même prise en compte de la continuité territoriale que les Corses ?
La distance. Personne ne peut soutenir sérieusement que le même mécanisme peut-être appliqué pour les DFA à 7000 kms de la métropole et pour la Corse à 200 kms du continent. D’ailleurs, il n’y a pas de congés bonifiés pour la Corse.
Consciente de l’importance pour les DOM d’une vraie continuité territoriale, je m’engage à rouvrir ce dossier pour les obligations de service public des compagnies aériennes comme pour le montant de la dotation de continuité territoriale versée par l'Etat aux régions d'outre-mer pour contribuer au financement des billets d'avions ou encore la prise en charge de certains des surcoûts d'acheminement du fret nécessaire aux productions locales.